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quelque qualité. Ainsi rien n'est plus aisé que prendre la témérité pour la hardiesse, la diffusion » pour l'abondance, l'impudence pour une noble » liberté. Un avocat effronté se permet beaucoup

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plus qu'un autre, la violence et l'invective, et quelquefois pourtant se fait écouter, parce que » les hommes entendent assez volontiers ce qu'ils » ne voudraient pas dire eux-mêmes. De plus, celui qui ne connaît aucune mesure dans son style, et va toujours à ce qui est outré, peut quelquefois rencontrer ce qui est grand; mais » cela est rare, et ne saurait compenser tout ce

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qui lui manque. Il se peut encore que celui qui » dit tout, paraisse abondant; mais il n'y a que » l'homme habile qui ne dise que ce qu'il faut. » En s'écartant de la question et se dispensant des » preuves, on évite ce qui peut paraître froid à des esprits gâtés, et ce qui paraît nécessaire aux bons » esprits. A force de chercher des pensées saillantes, si l'on en rencontre quelques-unes d'heu» reuses, elles font d'autant plus d'effet, que tout » le reste est plus mauvais, comme les éclairs » brillent dans la nuit. Consentons qu'on appelle » gens d'esprit ceux qui écrivent ainsi, pourvu qu'il soit bien sûr que l'homme éloquent serait » très-fâché qu'on fit de lui un semblable éloge. La vérité est que l'art ôte en effet quelque chose

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» à la composition, mais comme la lime au fer » qu'elle polit, comme la pierre au ciseau qu'elle aiguise, comme le tems au vin qu'il mûrit. » Il me semble qu'il est difficile de penser avec plus de justesse, d'instruire avec plus de précision, et d'avoir raison avec plus d'esprit.

Il n'oublie pas ces déclamateurs emportés, qui sont toujours hors d'eux-mêmes on ne sait pourquoi. « Ceux-là, dit-il, donnent aux écrivains qui

font le plus d'honneur aux lettres, les dénomi» nations les plus injurieuses dont ils puissent » s'aviser; ils les traitent d'auteurs faibles, froids, » ternes, timides, pusillanimes, etc.» Ne dirait-on pas que Quintilien avait lu la veille nos brochures, nos satyres et nos journaux? Il conclut ainsi : « Fé»licitons-les de se trouver éloquens à si pen de » frais, sans science, sans peine et sans étude. » Pour moi, je charmerai mes loisirs et ma re>> traite en cherchant à rassembler dans ce livre > tout ce que je croirai pouvoir être utile aux jeunes » gens d'un meilleur esprit. C'est le seul plaisir qui me reste après avoir renoncé aux exercices du » barreau et à l'enseignement public, dans un tems » où l'on paraissait encore desirer que je continuasse mes fonctions.

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Un des reproches les plus communs et les plus

injustes que l'on fasse aux vrais littérateurs, c'est un entêtement aveugle et, superstitieux, qui veut tout assujettir aux mêmes regles. On va voir si Quintilien sait assigner les restrictions convenables, et si la raison chez lui devient pédantesque et la sévérité tyrannique.

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Que l'on n'exige pas de moi ce que beaucoup » ont voulu faire, de renfermer et de circonscrire » l'art dans des bornes nécessaires et immuables. » Je n'en connais point de cette espece. La rhétorique serait une chose bien aisée si l'on pouvait » ainsi la réduire en systême. La nature des causes » et des circonstances, le sujet, l'occasion, la né» cessité changent et modifient tout..... » Il compare içi l'orateur à un général d'armée qui regle ses dispositions sur le terrain, sur les troupes qu'il commande, sur celles qu'il a à combattre : le parallele est aussi juste que fécond. « Vous me demandez, poursuit-il, si l'exorde est nécessaire ou inutile, s'il le faut faire plus long ou plus court, » si la narration doit être serrée ou étendue, si » elle doit être continue ou interrompue, si elle » doit suivre l'ordre des faits ou l'intervertir : c'est » votre cause qu'il faut consulter..... Il faut se dé» terminer suivant l'exigence des cas, et c'est pour » cela que la principale partie de l'orateur est le

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jugement. Je lui recommande avant tout de ne jamais perdre de vue deux choses, la bienséance » et l'utilité. Son premier objet, c'est le bien de » sa cause. Je ne veux point que l'on s'asservisse des regles trop uniformes et trop générales; il » en est peu qu'on ne puisse, qu'on ne doive quelquefois violer. Que les jeunes gens se gardent » de croire savoir tout, pour avoir lu quelques abrégés de rhétorique. L'art de parler demande » un grand travail, une étude continuelle, une longue expérience, beaucoup d'exercice, une

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prudence consommée, une tête saine et toujours présente : c'est ainsi que les regles bien appliquées » peuvent être utiles, et qu'on apprend également » à s'en servir et à ne pas trop s'y astreindre. Nous » irons donc tantôt par un chemin et tantôt par un » autre; si les torrens ont emporté les ponts, nous » ferons un détour, et si le feu a gagné la porte, "nous passerons par la fenêtre. Je traite une » matiere qui est d'une étendue, d'une variété » infinie, et qu'on n'épuisera jamais. J'essaierai de » rapporter ce que les maîtres ont dit, de choisir » les meilleurs préceptes qu'ils aient donnés, et si je trouve à propos d'y changer, d'y ajouter, d'y » retrancher quelque chose, je le ferai. »

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Il faut voir les objets de bien haut pour en
Cours de littér• Tome II.

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apercevoir ainsi d'un coup d'œil toute l'immensité, et il n'appartient qu'aux grands esprits de dire avec Pope :

Que l'art est étendu ! que l'esprit est borné!

Je pourrais extraire un bien plus grand nombre de ces idées substantielles dont abondent ces deux premiers livres, qui sont comme les prolégomenes de l'ouvrage, ou plutôt je les traduirais tout entiers si je me laissais aller au plaisir de traduire Mais il faut avancer vers le but, et résister à la tentation de s'arrêter sur la route. On trouve à chaque pas de ces observations simples, mais lumineuses, que l'expérience a confirmées par des exemples frappans. L'auteur, en conseillant aux jeunes éleves de meubler leur mémoire des meilleurs écrits, remarque qu'une citation qui vient à propos et qui est placée naturellement, nous fait souvent plus d'honneur, et produit plus d'effet que les pensées qui sont à nous. Cet avis apparemment parut bon à suivre à ce fameux coadjuteur de Paris, dans une occasion remarquable que lui-même rapporte dans ses Mémoires. On venait de lire dans l'assemblée du parlement où il était, un écrit que le gardedes-sceaux avait remis aux députés de la magistrature, et qui accusait le coadjuteur de brouiller tout pour son intérêt, et de sacrifier l'État à l'am-.

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