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qui remplissent l'idée que nous avons de cette

espece de poésie. Les voici:

Sur une statue de Niobé.

Le fatal courroux des dieux
Changea cette femme en pierre.

Le sculpteur a fait bien mieux;
Il a fait tout le contraire.

Sur l'aventure de Léandre et d'Héro.

Léandre conduit par l'Amour,
En nageant disait aux orages:
Laissez-moi gagner les rivages;
Ne me noyez qu'à mon retour.

Sur la Vénus de Praxitele.

Oui, je me montrai toute nue
Au dieu Mars, au bel Adonis,
A Vulcain même, et j'en rougis;
Mais Praxitele, où m'a-t-il vue?

Sur Hercule.

Un peu de miel, un peu de lait,
Rendent Mercure favorable.

Hercule est bien plus cher, il est bien moins traitable:
Sans deux agneaux par jour il n'est point satisfait.
On dit qu'à mes moutons ce dieu sera propice;
Qu'il soit béni; mais entre nous

C'est un peu trop en sacrifice:

Qu'importe qui les mange ou d'Hercule ou des loups?

La derniere est une des plus jolies qu'on ait faites c'est Laïs sur le retour, consacrant son miroir dans le temple de Vénus, avec ces vers;

:

Je le donne à Vénus, puisqu'elle est toujours belle:
Il redouble trop mes ennuis.

Je ne saurais me voir en ce miroir fidelle,
Ni telle que j'étais, ni telle que je suis.

Martial, chez les Latins, a aiguisé l'épigramme beaucoup plus que les Grecs. Il cherche toujours à la rendre piquante; mais il s'en faut bien qu'il y réussisse toujours. Son plus grand défaut est d'en avoir fait beaucoup trop. Son recueil est composé de douze livres; cela fait environ douze cents épigrammes; c'est beaucoup aussi en pourrait-on retrancher les trois quarts sans rien regretter. Lui-même s'accuse en plus d'un endroit de cette profusion; mais cet aveu ne diminue rien de l'importance qu'il a attachée à ces nombreuses bagatelles. Elles nous sont parvenues dans le plus bel ordre, telles qu'il les avait rangées, et même avec les dédicaces à la tête de chaque livre. Cela est fort consolant sans doute, mais pas assez pour nous dédommager de la perte de tant d'ouvrages de Tite-Live, de Tacite et de Salluste, que le tems n'a pas respectés autant que le recueil de Martial. Le premier livre est tout entier à la louange

de Domitien. La postérité lui saurait plus de gré d'une bonne épigramme contre ce tyran. Au reste, ces louanges roulent toutes sur le même sujet : il n'est question que des spectacles que Domitien donnait au peuple, et Martial répete de cent manieres, qu'ils sont beaucoup plus merveilleux que tous ceux qu'on donnait auparavant. Cela fait voir quelle importance les Romains attachaient à cette espece de magnificence, et en même tems combien il était peu difficile de flatter l'amour-propre de Domitien.

Martial est aussi ordurier que notre Rousseau dans le choix de ses sujets; mais il y a l'infini entre eux pour le mérite de l'exécution poétique. Rousseau a excellé dans ses épigrammes licencieuses, au point d'en obtenir le pardon si l'on pouvait pardonner ce qui est contraire aux bonnes mœurs. Martial, pour être obscene, n'en est pas meilleur ; et condamnable en morale, il ne peut pas être absous en poésie : autant valait, ce me semble, être honnête. Il dit quelque part qu'un poëte doit être pur dans sa conduite, mais qu'il n'est pas nécessaire que ses vers soient chastes. On peut lui répondre qu'au moins il ne faut pas qu'ils soient licencieux. Le petit nombre d'épigrammes qu'on a retenues de lui, est heureusement de celles qu'on peut citer ~partout. J'en ai traduit une qui peur

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servir de leçon à Paris comme à Rome, et qui ne corrigerá pas plus l'un que l'autre : elle est adressée

à un avocat.

On m'a volé : j'en demande raison

A mon voisin, et je l'ai mis en cause

Pour trois chevreaux et non pour autre chose.

Il ne s'agit de fer ni de poison;

Et toi, tu viens, d'une voix emphatique,
Parler ici de la guerre Punique,

Et d'Annibal et de nos vieux héros,

Des triumvirs, de leurs combats funestes.

Eh! laisse-là tes grands mots, tes grands gestes:
Ami, de grace, un mot de mes chevreaux.

CHAPITRE X.

De l'Élégie et de la Poésie érotique chez les Anciens.

LES Latins, dans le genre de l'élégie et de la poésie érotique, ont encore été les imitateurs des Grecs; mais les modeles ont péri, et les imitations nous sont restées. Nous ne connaissons les élégies de Callimaqué, de Philétas et de Mimnerme que par la réputation qu'elles avaient chez les Anciens et par les témoignages glorieux des meilleurs critiques de l'antiquité. Quoique le mot élégie vienne du grec exeyos, qui signifie complainte, cependant elle n'était pas toujours plaintive; elle fut originairement, comme aujourd'hui, destinée à chanter différens objets, les dieux, le retour d'un ami ou le jour de sa naissance, ou, comme a dit Boileau, elle gémissait sur un cercueil. La meilleure de cette derniere espece est celle d'Ovide sur la mort de Tibulle. L'élégie fut souvent le chant de l'amour heureux ou malheureux. C'est pour cela que j'ai cru devoir joindre ensemble ce que j'avais à dire de l'élégie et de la poésie érotique ou amoureuse. C'est dans ce dernier genre que Catulle s'est

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