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ni celle des autres: mais j'ai toujours désiré l'estime des gens de bien, dans quelque rang de la société qu'ils soient placés; et, si j'ai pu la mériter, mes vœux seront remplis.

DES

GOUVERNEMENTS.

LIVRE PREMIER.

DE L'ORGANISATION DES GOUVERNEMENTS.

CHAPITRE PREMIER.

De la destination de l'homme, et de ses devoirs.

TOUT ce que nous voyons dans l'univers, et tout ce que nous sentons en nous-mêmes, prouve qu'il y a un Dieu dont nous sommes l'ouvrage, et que cet étre essentiellement bon n'a pu nous créer que pour le bonheur. Mais il a voulu que ce bonheur fût notre propre ouvrage; et il nous a donné la raison pour y parvenir. C'est la raison qui, en nous faisant connaître notre destination, nous fait aussi connaître nos devoirs.

La raison est la lumière de l'ame, comme le soleil est la lumière du corps. La raison doit donc être le guide de notre volonté, et la règle de nos actions. C'est cette règle, donnée à l'homme par Dieu même, que l'on a nommée la loi naturelle, parce qu'elle est empreinte dans notre nature. La loi naturelle nous prescrit tous nos devoirs.

Mais l'homme n'a pas seulement des devoirs envers lui-même, parce qu'il n'existe pas de luimême, et qu'il n'existe pas seul. Il a donc encore des devoirs envers Dieu et envers les autres hommes, qui sont comme lui l'ouvrage de Dieu.

Nos devoirs envers Dieu consistent à l'adorer comme notre créateur, à l'aimer comme notre bienfaiteur, et à faire en tout sa volonté, qui est la loi de l'univers.

Nos devoirs envers nous-mêmes consistent à nous conserver et à nous perfectionner, pour faire la volonté de Dieu; et nos devoirs envers les autres hommes consistent à les aider comme

nos frères et les enfants du même père, pour

en être aidés à notre tour.

Aimer Dieu, s'aimer soi-même, et aimer les autres hommes comme nous-mêmes, telle est la volonté de Dieu manifestée dans notre raison, et tel est l'abrégé de la loi naturelle.

L'amour de soi ou l'égoïsme n'est donc point,

comme l'ont prétendu quelques philosophes, le seul motif des actions humaines, puisque l'homme ne doit pas seulement s'aimer lui-même, mais qu'il doit encore aimer tous les autres hommes, et, par-dessus tout, Dieu, leur créateur et leur bienfaiteur commun.

Dieu, en créant l'univers, donna, aux divers corps qui le composent, des propriétés particulières, qui sont la cause de l'action des uns sur les autres; et il donna à l'homme, exposé à l'action de tous ces corps, la faculté de sentir, pour qu'il pût éviter ceux qui pouvaient lui nuire, et rechercher ceux qui pouvaient lui être utiles. L'homme, ainsi détourné par ses sensations de ce qui lui nuit, ou entraîné vers ce qui lui plaît, est naturellement porté à se conserver, par l'amour du plaisir et par l'aversion de la douleur; et ce sont ces sentiments naturels à l'homme qui conservent le monde moral, comme les propriétés données aux corps conservent le monde physique.

L'homme a donc dans sa raison plus de force pour se dérober à l'action des corps qui peuvent lui nuire, que ces corps n'en ont eux-mêmes pour agir sur lui par leurs propriétés particulières, parce qu'il peut prévenir leurs mouvements et les effets qui en résultent. Il peut donc en quelque sorte disposer de tous ces corps à son gré, et

commander, comme le lieutenant de Dieu, dans l'univers.

Il y a des philosophes qui, ne pouvant expliquer l'action des corps les uns sur les autres, ni celle des ames sur les corps, l'expliquent par l'influence continue du créateur sur les créatures: mais ces philosophes, en voulant exalter la grandeur de Dieu, semblent la rabaisser; et, s'il est permis à des êtres d'un jour de mesurer la grandeur de celui qui est de tous les temps, il semblerait qu'il y a encore plus de grandeur en Dieu d'avoir départi à tous les ètres, en les créant, les propriétés qui leur étaient nécessaires pour se conserver, que de les leur départir à tout moment, et de ranimer sans cesse de son souffle ce monde merveilleux.

Dieu a donc donné à l'homme, en le créant, tout ce qui lui est nécessaire pour se conserver, et il a écrit ses devoirs dans ses penchants.

L'homme est donc naturellement porté à remplir ses devoirs par l'amour du plaisir et par l'aversion de la douleur; mais, pour fuir la douleur et pour rechercher le plaisir, il faut connaître ce qui les produit.

On appelle bien, tout ce qui produit le plaisir; et mal, tout ce qui produit la douleur. La vertu est la pratique du bien; et le vice, la pratique du mal.

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