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vernement consiste à séparer ces deux pouvoirs pour les modérer l'un par l'autre, parce qu'il n'y a que des pouvoirs modérés qui soient bien

exercés.

On sépare les deux pouvoirs l'un de l'autre, en fixant à chacun d'eux ses limites ou ses attributions, afin que l'un ne puisse pas empiéter sur les attributions de l'autre.

Dans la famille, qui est le premier élément des sociétés, les deux pouvoirs sont concentrés dans les mains du père, parce que le père seul peut les exercer; mais dans les sociétés, qui sont des collections de familles, les deux pouvoirs doivent être séparés, parce qu'ils ne peuvent être modérés que lorsqu'ils sont distribués dans des mains différentes.

Mais, pour modérer les deux pouvoirs, il ne suffit pas de les séparer l'un de l'autre, il faut encore diviser chaque pouvoir en particulier pour le modérer mieux.

On divise chaque pouvoir en particulier en le partageant en plusieurs portions ou magistratures, et en déléguant chaque magistrature à des individus différents.

Ainsi, on divise le pouvoir législatif en le distribuant dans plusieurs conseils délibérant séparément, afin que la sagesse des uns prévienne les erreurs des autres; et on divise le pouvoir

exécutif, en le distribuant dans plusieurs administrations subordonnées les unes aux autres, et toutes à une administration suprême, qui les dirige toutes.

Le pouvoir exécutif doit donc être divisé dans les administrations subalternes; mais il doit toujours être concentré dans l'administration suprême, parce que, s'il n'était pas concentré dans l'administration suprême, il n'y aurait point d'unité dans les autres administrations.

On distribue ordinairement le pouvoir législatif dans un conseil-général, et dans un petit conseil ou sénat qui modère le pouvoir du conseil-général; et l'on distribue le pouvoir exécutif dans des administrations et des tribunaux, qui appliquent la loi à tous et à chacun en particulier, et dont on fait exécuter les décisions avec la force publique: ce qui a fait presque partout diviser le pouvoir exécutif en pouvoir administratif, en pouvoir judiciaire, et en pouvoir coactif ou militaire.

Et, comme le pouvoir militaire est le plus difficile à modérer, parce qu'il agit avec toutes les forces de la société, on modère ce pouvoir en le divisant en deux portions, en force mobile, pour agir au dehors, et en force sédentaire, pour agir au dedans; et l'on modère l'une par l'autre.

On modère même les différents pouvoirs en les faisant exercer, chacun en particulier, par deux espèces de magistrats, les uns fixes, et les autres temporaires: comme en faisant exercer le pouvoir législatif par des sénateurs et par de simples citoyens; le pouvoir judiciaire, par des juges et par des jurés; le pouvoir militaire, par des soldats et par des gardes nationaux.

Enfin, on modère les différents pouvoirs en donnant à l'un un contre-poids dans l'autre. Ainsi, on modère le pouvoir législatif en donnant la sanction des lois au magistrat suprême, et on modère le pouvoir exécutif en donnant au magistrat suprême des contrôleurs dans des magistrats populaires, tels que des tribuns.

La nécessité de diviser chaque pouvoir pour le modérer mieux, vient de ce qu'un pouvoir non partagé tend à s'accroître, jusqu'à ce qu'il ait tout renversé, au lieu qu'un pouvoir partagé est nécessairement modéré.

Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif doivent donc être séparés l'un de l'autre, et ils doivent être divisés chacun en particulier, pour être mieux modérés; mais le pouvoir législatif doit être divisé dès sa source, tandis que le pouvoir exécutif ne doit l'être que dans les administrations subalternes, et non dans l'administration suprême, parce que, s'il n'était pas

concentré dans l'administration suprême, il n'y aurait pas d'unité dans les autres administrations.

Le pouvoir exécutif paraît d'abord le plus fort, parce qu'il agit, tandis que le pouvoir législatif ne fait que vouloir; mais le pouvoir législatif est réellement le plus fort, parce qu'il faut vouloir avant que d'agir, et que l'action ne fait que suivre la volonté.

Le pouvoir législatif est encore le plus fort, parce qu'il a le droit pour lui, tandis que l'autre n'a que le fait ou la force, et que la force périt d'elle-même, ou se détruit par une force contraire, quand elle n'est pas limitée par le droit.

Le pouvoir exécutif n'a donc pas la même force que le pouvoir législatif, puisqu'il peut être limité par les lois, tandis que les lois ne peuvent pas limiter le pouvoir législatif, dont elles sont l'ouvrage. Le pouvoir exécutif ne peut renverser les lois que par la violence, tandis que le pouvoir législatif peut les renverser d'un seul mot, comme, d'un seul mot, Dieu créa la lumière.

La division du pouvoir législatif ne peut d'ailleurs créer dans la société qu'une opposition de principes, tandis que la division du pouvoir exécutif peut y créer une opposition de fait. Or, l'opposition de fait peut créer dans la société une guerre réelle, tandis que l'opposition de

principes ne peut y produire qu'une guerre d'opinions, ou, en cas d'équilibre, le repos.

D'où il suit que, pour qu'une société soit stable, il faut que le pouvoir législatif y soit toujours divisé, et que, pour qu'elle soit tranquille, il faut que le pouvoir exécutif, divisé dans ses différentes branches, soit toujours réuni dans son tronc, si je puis ainsi parler.

Mais, en divisant les pouvoirs de la société, il faut éviter également de les diviser trop, et de les diviser trop peu. S'ils étaient trop divisés, ils seraient énervés; et, s'ils l'étaient trop peu, ils ne seraient pas assez modérés. Il faut donc les diviser avec mesure, et chercher à les modérer par d'autres moyens, en ne les confiant qu'à ceux qui sont le plus propres à les bien exercer, et en punissant ceux qui en abusent.

Il y a deux sortes d'hommes qui désirent le pouvoir. Les uns le désirent pour le plaisir de commander aux autres; ce sont des ambitieux, qui ne recherchent, dans le pouvoir, que leur plaisir personnel.. Les autres le désirent pour faire le bien de la société; ce sont des hommes généreux, qui désirent le pouvoir uniquement pour le mieux exercer que les autres hommes, et qui ne peuvent le mieux exercer, que lorsqu'ils sont plus éclairés et plus vertueux. C'est à ces hommes qu'il faut le donner de préfé

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