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la richesse, le savoir et la vertu sont descendus dans les dernières classes de la société, et ont pénétré dans toutes.

Les sociétés naissantes doivent donc toutes commencer par la royauté, parce que dans ces sociétés il n'y a guère que celui qui les a fondées, qui soit capable de les gouverner. Mais quand ces sociétés se sont perfectionnées, elles doivent passer de la royauté à l'aristocratie et de l'aristocratie à la république, parce que plus une société se perfectionne, plus il y a d'hommes capables d'exercer le pouvoir, et que le cercle des citoyens s'agrandit avec celui de la civilisation; tandis que par une raison contraire plus une société se corrompt, moins il y a d'hommes capables de gouverner, jusqu'à ce qu'enfin le nombre de ces hommes soit devenu si petit, qu'il ne puisse plus lutter contre les autres, et qu'il ne lui reste plus d'asyle que dans la royauté.

L'aristocratie n'est donc qu'un passage de la royauté à la république, quand les sociétés se perfectionnent, et de la république à la royauté, quand elles se corrompent. Mais ce passage doit être ménagé avec art et n'être jamais brusqué, parce que si le gouvernement passe sans préparation d'une forme extrême à l'autre, les droits des principaux citoyens sont sacrifiés d'un côté à ceux de la multitude, et de l'autre à ceux d'une

famille unique. C'est ce que l'on vit à Athènes après l'expulsion des Pisistratides, et ce que l'on vit à Rome lors de l'avénement des Césars à l'empire. Une foule de Romains illustres, qui avaient agrandi la république par leurs armes ou qui l'avaient embellie par leurs talents, tels que les Marcellus, les Scipion, les Cicéron et les Caton, tombèrent alors brusquement dans les mains d'un maître et ne trouvèrent plus d'asyle que dans le tombeau. Ces grands hommes ne purent survivre à la perte de leurs droits; et ne voyant plus dans la vie qu'un opprobre, ils reçurent tous ou se donnèrent la mort.

Presque toutes les révolutions politiques entraînent la destruction des plus généreuses familles, parce que ces familles combattent pour leurs droits jusqu'à la mort, ou périssent lentement après les avoir perdus. Il n'y a que les familles qui ont été corrompues par le luxe des villes ou par celui des cours qui puissent survivre à la perte de leurs droits, parce que pour elles vivre est tout, et que soit qu'elles vivent dans la gloire, soit qu'elles vivent dans l'opprobre, elles n'en vivent pas moins.

Mais les hommes généreux doivent sortir sans regret de la vie, quand ils y ont perdu tous les biens qui leur étaient chers, et surtout la liberté, le premier de tous, et sans lequel tous

les autres ne peuvent avoir aucun prix. Tous ces biens leur avaient été donnés par la fortune, et la fortune peut les leur ravir. Mais elle ne peut pas leur ravir leur vertu, qui est l'ouvrage de leur raison, et en mourant ils l'emportent avec eux. Qu'auraient-ils donc à regretter dans la vie, après avoir perdu tous les biens qui pouvaient les y retenir?

LIVRE III.

DES GOUVERNEMENTS

ANCIENS.

ROYAUTÉ DE SPARTE.

CHAPITRE PREMIER.

De la distribution des pouvoirs dans la cité et parmi les citoyens.

TELS sont les éléments divers qui entrent dans toutes les combinaisons politiques, et avec lesquels on construisit les trois gouvernements les plus célèbres de l'antiquité, ceux de Sparte, d'Athènes et de Rome.

Le gouvernement de Sparte était une royauté, que l'on nommait dyarchie, parce qu'elle avait à sa tête deux rois de la race d'Hercule, la plus illustre de la Grèce.

La cité de Sparte ne comprit d'abord que la Laconie; mais elle embrassa ensuite la Laconie et

la Messénie, qui sont les deux contrées les plus méridionales de la Morée.

La Morée, l'ancien Péloponèse, est une péninsule de près de mille lieues carrées de surface, qui paraît suspendue à la Grèce par l'isthme de Corinthe, comme par un ruban, et qui est tellement échancrée dans son pourtour, qu'on l'a comparée à la feuille du mûrier.

Au centre de la péninsule est le plateau de l'Arcadie, environné de tous côtés de hautes montagnes, qui vont se ramifier à l'orient dans l'Argolide, au sud dans la Laconie et la Messénie, à l'occident dans l'Élide, et qui, s'abaissant au nord en pentes brusques vers le golfe corinthien, présentent sur ce golfe la longue corniche de l'Achaïe.

Les deux branches de montagnes qui se dirigent au sud, et qui forment la charpente de la Laconie, se relèvent, l'une au mont Zarex, pour aller projeter le cap Malée, et l'autre au mont Taygète, pour aller projeter le cap Ténare.

C'est entre ces deux branches que coule l'Eurotas, qui naît sur le plateau de l'Arcadie et qui va se jeter dans la mer au fond du golfe Laconique. La vallée qu'il parcourt est très-resserrée vers son origine; mais elle s'évase ensuite pour se resserrer de nouveau, et aller se terminer en une plage basse et marécageuse, au milieu de laquelle sont ensevelies les ruines d'Hélos.

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