Imagens da página
PDF
ePub

avait été établi par Servius Tullius pour l'exercice des droits politiques, puisqu'on exigea à peu près la même propriété pour l'admission dans les premières magistratures, que pour l'admission dans les premières centuries.

On ne peut déterminer que vaguement la quotité du revenu exigé par le cens athénien et par le cens romain, parce qu'on ne connaît qu'imparfaitement le rapport des mesures anciennes aux nôtres; mais on voit que ces deux cens furent très-élevés, du moins dans leurs premiers degrés, par les contributions, soit réelles, soit personnelles, auxquelles on avait assujetti les citoyens qui y étaient compris.

Quoi qu'il en soit, le cens en général devait être plus élevé chez les anciens que parmi nous, parce que les anciens avaient des esclaves dans leur famille, tandis que nous n'y avons que nos enfants. Nos familles étant moins nombreuses, il nous faut donc aujourd'hui moins de revenu pour les faire subsister. Le cens doit donc être moins élevé dans les états modernes, qu'il ne l'était dans les anciens. Mais, fût-il aussi élevé dans les uns que dans les autres, il ne peut jamais avoir d'autre inconvénient que de circonscrire le nombre des électeurs et celui des éligibles, et il a toujours cet avantage, que plus il est élevé, plus l'élection est circonscrite et plus

le magistrat est riche. Or, plus l'élection est circonscrite, plus elle est facile; et, plus le magistrat est riche, plus il est au-dessus du besoin et de la corruption, tandis que, moins il est riche, plus il est vénal et corruptible. Le cens ne doit donc être ni trop modéré ni trop élevé: trop élevé, il circonscrirait trop le nombre des électeurs; trop modéré, il ne défendrait pas assez les magistrats contre la corruption. Il doit donc être sagement tempéré, et proportionné à la richesse de l'état et à l'espèce des magistratures.

Mais, de quelque manière que le cens soit réglé, il doit être revisé, comme chez les anciens, à des époques fixes et périodiques, afin d'y comprendre tous ceux qui, dans l'intervalle d'une époque à l'autre, ont acquis la propriété requise, et d'en exclure tous ceux qui l'ont perdue; et il faut établir, dans chaque commune, un magistrat particulier pour faire le recensement, si l'on ne veut pas en charger le premier magistrat de la commune.

CHAPITRE XI.

De la délégation des pouvoirs aux magistrats, ou des
élections.

C'EST là la manière la plus simple de régler le cens dans les états modernes de l'Europe, si l'on veut que les magistratures y soient données à ceux qui ont l'indépendance nécessaire pour les exercer mais tous ceux qui ont l'indépendance nécessaire pour exercer les magistratures, n'ont pas le mérite nécessaire pour les bien exercer. Il faut donc choisir parmi ceux qui ont ce mérite; et de là la nécessité des élections. Le cens donne l'aptitude légale à l'exercice des magistra

mais le mérite seul donne l'aptitude morale; et, comme le mérite ne peut pas être déterminé par la loi, il doit être apprécié par les

hommes.

Le mérite se compose de deux sortes de qualités, des qualités du cœur, que l'on acquiert par de bonnes habitudes, et de celles de l'esprit, qui se perfectionnent par l'application et par l'exercice. Toutes deux sont le fruit d'un naturel heu

reux ou perfectionné. De là la nécessité d'une bonne éducation.

:

Les qualités du cœur, que l'on exige dans un magistrat, sont la droiture et le courage la droiture, qui lui donne la conscience de son devoir; et le courage, qui lui donne la force de le remplir. C'est ce que l'on désigne ordinairement par vertu.

Les qualités de l'esprit, qui lui sont le plus nécessaires, sont l'instruction et l'habileté l'instruction, qui s'acquiert par l'étude; et l'habileté, que donne la nature, mais qui se perfectionne par l'exercice. C'est ce que l'on nomme ordinairement le talent.

Mais ces différentes qualités de l'esprit et du cœur ne sont pas également nécessaires à tous les magistrats, et elles ne leur sont jamais nécessaires au mème degré. Il ne faut pas le même genre de mérite pour exercer une magistrature inférieure, que pour exercer une magistrature supérieure; et là où le même genre de mérite est requis, il en faut moins pour exercer une magistrature collective, que pour exercer une magistrature individuelle.

Il est des magistratures qui exigent plus de vertu que de talent. Telles sont celles qui doivent être exercées en commun par plusieurs magistrats, et dans l'exercice desquelles chacun

apportant sa portion d'intelligence et de raison, l'ignorance et la sottise des uns sont compensées par l'instruction et la sagesse des autres.

Il en est d'autres, au contraire, qui exigent plus de talent que de vertu. Telles sont celles qui ne doivent être exercées que par un seul individu, et qui ne peuvent l'être qu'avec de l'instruction et de l'habileté réunies.

On fait ordinairement exercer par un seul individu les magistratures qui exigent de la promptitude dans l'exécution, et par plusieurs, celles qui exigent de la maturité dans la délibération; mais elles peuvent toutes être réunies sur une tête, ou divisées sur plusieurs. Il n'y a qu'une seule magistrature, qui ne peut jamais être divisée, parce qu'elle doit toujours avoir, du moins temporairement, une sorte de primauté; c'est celle de magistrat suprême, et même celle de général, qui n'est qu'une magistrature suprême hors de la cité : encore voit-on dans l'histoire que les Spartiates avaient placé la royauté sur deux têtes, et les, Athéniens, le généralat sur dix; mais chacun de ces magistrats commandait et obéissait tour à tour.

Quoi qu'il en soit, toutes les magistratures qui sont exercées par un seul individu, ne peuvent l'être qu'avec du talent et de la vertu; et de là la difficulté d'élire à ces sortes de magistratures.

« AnteriorContinuar »