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qu'ils doivent dire sur le sujet qu'on leur donne à

composer.

On peut donner ce plan ou de vive voix, en proposant dans la classe aux écoliers un sujet à traiter surle-champ, et les aidant à trouver des pensées, à les arranger, à les exprimer; ou par écrit, en dictant sur quelque sujet une matière de composition qui soit digérée, qui fournisse plusieurs pensées, qui en prescrive l'ordre, et qui ne demande presque que d'être étendue et ornée.

De ces deux manières, la première est la moins pratiquée, mais elle n'est pas la moins utile; et je suis persuadé que, pour peu qu'on en veuille faire l'essai, on reconnaîtra par l'expérience que rien n'est plus propre à donner aux jeunes gens de la facilité pour l'invention que de les faire ainsi composer de temps en temps en sa présence, en les interrogeant de vive voix et leur faisant trouver ce que l'on peut dire sur un sujet. Je donnerai dans la suite quelques modèles de ces sortes de matières de composition.

Il est naturel de commencer par les matières les plus faciles et le plus à la portée des jeunes gens, telles que sont les fables; et pour cela, il ne sera pas inutile de leur faire lire pendant les premières semaines celles de Phèdre, qui sont un modèle parfait pour cette sorte de composition.

On pourra y joindre quelques-unes de celles de La Fontaine, qui leur apprendront à faire entrer dans leurs fables plus de pensées qu'il n'y en a dans celles de Phèdre, comme Horace a fait dans celle qu'il nous a laissée sur le rat de ville et le rat de campagne.

On fera succéder à ces fables de petites narrations,

d'abord très-simples, ensuite plus ornées; des lieux communs : des parallèles, soit entre de grands hommes d'un caractère différent, dont on leur aura appris l'histoire; soit entre différentes professions, comme on voit que Cicéron, dans son plaidoyer pour Muréna, compare ensemble l'art militaire et la jurisprudence; soit entre différentes actions, comme le même Cicéron, dans le beau discours qu'il fit pour Marcellus, compare les vertus guerrières de César avec sa clémence. Ces sortes de matières fournissent beaucoup, et donnent lieu de trouver bien des pensées.

Les discours, les harangues, sont ce qu'il y a de plus difficile dans la rhétorique; et, par cette raison, il est juste de les réserver pour la fin.

Les matières de composition, soit latines, soit françaises, que le maître donnera, doivent être travaillées avec soin, et c'est de là que dépend principalement le succès des écoliers. Il faut, comme le remarque Quin- Lib.2, cap.7. tilien, leur aplanir dans le commencement toutes les difficultés, et leur donner des matières proportionnées à leurs forces, et qui soient presque toutes digérées. Après qu'ils auront été pendant quelque temps exercés de la sorte, il ne faudra plus que les mettre, pour parler ainsi, sur la voie, et leur tracer légèrement le plan de ce qu'ils auront à dire, pour les accoutumer peu à peu à marcher seuls et sans secours. Ensuite on ne fera pas mal de les abandonner entièrement à leur propre génie, de peur qu'en prenant l'habitude de ne rien faire qu'avec l'aide d'autrui, ils ne contractent une sorte de paresse et d'engourdissement qui les empêche de faire aucun effort, et de rien trouver d'eux-mêmes.

I

C'est à-peu-près ce que nous voyons que font les oiseaux. Tant que leurs petits sont tendres et faibles, ils leur apportent à manger; quand ils sont devenus un peu plus forts, la mère les accoutume à sortir du nid, et leur apprend à voler en voltigeant elle-même alentour: enfin, quand elle a essayé leurs forces, elle leur fait prendre l'essor, et les abandonne à eux-mêmes. Entre les devoirs du professeur de rhétorique, la manière de corriger les compositions des écoliers est un des plus importants, et n'est pas des moins difficiles. Quint. 1. 2, Les réflexions que fait Quintilien sur cette matière sont tout-à-fait judicieuses, et peuvent beaucoup servir aux maîtres. Ils y apprendront sur-tout à éviter un défaut essentiel dans leur profession, et d'autant plus à craindre, qu'il vient de trop d'esprit et de trop de délicatesse, qui est de pousser trop loin l'exactitude et la sévérité en corrigeant les compositions des jeunes gens.

cap. 4.

Quintilien avait parlé de deux sortes de narrations : l'une sèche et sans grace; l'autre trop abondante, trop fleurie, trop chargée d'ornements. « C'est un défaut 2,

I « Cui rei simile quiddam facientes aves cernimus: quæ teneris infirmisque fœtibus cibos ore suo collatos partiuntur: at quum visi sunt adulti, paululùm egredi nidis, et circumvolare sedem illam præcedentes ipsæ docent: tùm expertas vires libero cœlo suæque ipsorum fiduciæ permittunt. » (QUINT. lib. 2, cap. 7.)

2 « Vitium utrumque : pejus tamen illud quod ex inopia, quàm quod ex copia venit; nam in pueris oratio perfecta nec exigi, nec sperari potest melior autem est indoles læta

generosique conatus, et vel plura justo concipiens interim spiritus; nec unquam me in his discentis annis offendat, si quid superfuerit. Quin ipsis doctoribus hoc esse curæ velim, ut teneras adhuc mentes more nutricum molliùs alant, et satiari veluti quodam jucundioris disciplinæ lacte patiantur.... Audeat hæc ætas plura, et inveniat, et inventis gaudeat, sint licet illa interim non satis sicca et severa. Facile remedium est ubertatis : sterilia nullo labore vincuntur...» (QUINT. lib. 2, cap. 4.)

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« dit-il, de part et d'autre : le premier pourtant, qui << marque disette et stérilité, est pire que le dernier,

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qui est causé par trop d'abondance et de richesse; <«< car il ne faut ni exiger, ni attendre un discours par<«< fait d'un enfant mais j'augurerai bien d'un esprit «< fécond, d'un esprit qui sait produire de lui-même et faire de nobles efforts, dût-il quelquefois se laisser << emporter. Je ne hais point que dans cet âge il y ait quelque chose à retrancher. Je veux même qu'un << maître, comme une bonne nourrice, plein d'indul<< gence pour ses tendres élèves, leur donne une douce «< nourriture, et les laisse se remplir de ce qu'il y a de plus agréable et de plus fleuri comme d'un lait déli«< cieux..... Permettons-leur de s'égayer un peu, de prendre quelques hardiesses, d'inventer, et de se << plaire dans ce qu'ils inventent, quoique leurs produc<< tions ne soient encore ni châtiées, ni justes. On re« médie facilement au trop d'abondance, mais la stéri«lité est un mal sans remède. »>

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<«< Ceux qui ont lu Cicéron, ajoute Quintilien, <«< savent bien que je ne fais ici que suivre son sentiment. << Voici comme il s'en explique au second livre de l'Ora<< teur : Je veux, dit-il, qu'un jeune homme donne car«rière à son esprit, et qu'il montre de la fécondité. « La sécheresse dans les maîtres n'est donc pas moins

I « Quod me de his ætatibus sentire nemo mirabitur, qui apud Ciceronem legerit: Volo enim se efferat in adolescente fecunditas. Quapropter imprimis evitandus, et in pueris præcipuè, magister aridus, non minùs quàm teneris adhuc plantis siccum et sine humore ullo solum.

Tome XXVI. Tr. des Étud.

Indè fiunt humiles statim, et velut terram spectantes, qui nihil supra quotidianum sermonem attollere audeant. Macies illis pro sanitate, et judicii loco infirmitas est: et dum satis putant vitio carere, in idipsum incidunt vitium, quòd virtutibus carent. » (Ibid.)

«< à craindre, sur-tout pour les enfants, que ne le sont « des terres arides et brûlées pour de jeunes plantes. « Un jeune homme, entre leurs mains, rampe toujours, << et n'ose rien hasarder au-dessus de la portée la plus <«< commune. Ce qui n'est que maigreur leur paraît santé, << et ce qu'ils appellent jugement est pure faiblesse. Ils « se persuadent qu'il suffit d'être exempt de défauts; << mais par là même ils tombent dans un grand défaut, qui est de manquer de perfections.

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« Je dois avertir aussi que rien n'abat si fort l'esprit des enfants que d'avoir un maître trop sévère et << trop difficile à contenter. Car ils se chagrinent, ils désespèrent du succès, et ils prennent enfin l'étude <«< en aversion; ou, ce qui leur nuit autant, la frayeur qu'ils ont de dire mal les glace à tel point, qu'ils ne << tentent pas même de bien dire.

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« Qu'un maître 2, sur-tout par rapport à cet âge, s'applique donc particulièrement à se rendre agréable, << afin d'adoucir par des manières insinuantes ce qu'il y << a de dur dans la correction. Louer un endroit, trouver << un autre supportable, changer celui-ci, et dire pourquoi il le change; raccommoder celui-là en y mettant <«< un peu du sien : voilà comme il doit s'y prendre.. « La différence 3 de l'âge en doit mettre aussi dans

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