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ché, courrant assez lourdement dessus son cheval: adone s'est la pucelle assez effrayement eveillée. A laquelle, dit Perceval," Pucelle, Je vous salue, comme ma mere m' a apprins, laquelle m' a commandé que jamais pucelle ne trouvasse, que humblement ne la saluasse." Aux paroles du jeune Perceval, se print la pucelle a trembler, car bien luy sembloit qu' il n'etoit gueres sage, comme le montroit assez son parler: et bien se reputoit folle, que ainsi seule l' avoit trouvée endormie. Puis elle lui dit:" Amy pense bien-tot d' icy te departir, de peur que mes amis ne t' y trouvent, car si icy te rencontroient, il t'en pourroit mal advenir." "Par ma foi," dit Perceval, "jamais d'icy ne partirai que, premier, baisée ne vous aye. A quoy repond la pucelle que non fasse, mais que bientot pense de departir, que ses amis là ne le treuvent "Pucelle (fait Perceval) pour votre parler, d' icy ne partirai tant que de vous aye eu ung baiser; car ma mere m' a à ce faire ainsi enseigné." Tant s'est Perceval de la Pucelle approché, qu'il l'a par force baisée; car pouvoir n'eut elle d' y resister, combien qu' elle se deffendit bien. Mais tant etoit lors Perceval lafre et lourd, que la defense d'icelle ne luy put profiter, qu'il ne luy prit baiser, voulsit elle ou non, voire, comme dit le conte, plus de vingt, fois. Apres que Perceval eult par force prit de la pucelle baiser, advisa qu' en son doigt elle avoit ung anneau d'or, dedans lequel etoit une belle claire esmeraude enchassée, lequel pareillement par force lui ota comme le baiser ayoit eu puis le mit en son doigt oultre le gré de la pucelle, qui fort s' etoit defendue quand cet anneau luy a oté, Lors Perceval prenant l'anneau de la Pucelle, usa de telles parolles, comme il avoit fait au baiser, disant que sa mere l'avoit a ce faire enseigné,

mais que plus avant ne ailleurs ne toucheroit, comme par sa mere luy avoit eté commandé. La pucelle se voyant ainsi despouillée et perforcée de son anneau et de son baiser, se print si fort a lamenter et gemir, que le cueur luy cuida partir. Puis dit a Perceval: Amy, Je te prie, n' emporte point mon anneau; car par trop en serois blamée, et toy, possible, en perdrois la vie. Perceval ne prend a cueur ce que la pucelle luy dit; mais comme depuis qu'il fut de chez sa mere parti, n' avoit mangé ne bu, par quoy ne fut au pavillon de la pucelle sans grand appetit. Et luy, en ce desire de manger, comme tout affamé, advise d'aventure un boucal plein de vin, aupres duquel etoit un hanap d'argent. Puis regarde une touaille, fort blanche et assez fine, qu' il souleve et prend; et dessous icelle trouve trois patés froids, de chair de Chevreuil. Gueres n' arreta quand les patés en sa main tint, de se mettre en debvoir d' en taster; car, comme ai dit grand faim ayoit. Partant, si-tot qu' il les tint, en froissa un entre ses mains, et apres en avoir mangê non sobrement, souvent retournoit visiter le boucal. Puis dit a la pucelle: Dame, Je vous prie, venez et faites comme moy; quand vous aurez ung pasté mangé, et moy ung autre, encore en restera-t-il ung pour les sur venants. La Pucelle voyant Perceval ainsi dereglement manger, s'en esbahít, et rien ne luy repond; mais d' au tre chose ne se peut alleger fors que de se prendre a plearer et a gemir tendrement. Perceval, qui peu garde y prenoit, de la pucelle print congé, apres qu' il eut recouvert le reste des patés dessous la touaille.

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No. IX. p. 208.

LANCELOT DU LAC.

Et quelle part cuydez vous aller beau Sire, dit Girflet. Le ne vous diray Je pas, dist le Roy, car Je ne puis: et quant Girflet veit qu'il n' en scauroit plus il se partit tantost du Roy Artus; et si-tost comme il fut departy commenca une pluye a cheoir grande et merveilleuse qui lui dura jusques a ung tertre qui estoit loing du Roy environ demy lieue; et puis quant il fut venu au dit tertre il descendit, et s'arresta dessoubs ung arbre tant que la pluye fust passée, et commenca a regarder celle part ou il avoit laissé le Roy; si veit venir parmy la mer une Nef qui estoit toute plaine de dames et de damoyselles, et quant elles vindrent a la rive la dame d' elles qui estoit Seur au Roy Artus l' appella, et sitost que le Roy Artus veit Morgain sa seur il se leva incontinent, et Morgain le print par la main et luy dist qu' il entrast dedans la nef; si print son cheval et ses armes et entra dedans la nef.

Et quant Girflet qui estoit au tertre eut veu comment le Roy estoit entré en la nef avecques les dames il retourna vers la riviere tant qu'il peut du cheval courre: et quant il y fut revenu il veit le Roy Artus entre les dames. Si congneut bien Morgain la Faee car plusieures foys l'avoit veue. Et la nef si estoit ja plus eslongnée que une arbalestre neust sceu tirer a deux foys,

No. X.―p. 217.

MELIADUS DE LEONNOYS.

Brehus encontra ung Chevalier armé de toutes pieces, qui menoit en sa compagnie une damoyselle et deux escuyers tant seullement. Et sachez que la damoyselle estoit bien vestue, et moult noblement, comme ce feust este une Royne; et estoit montée sus ung pallefroy blanc, et chevauchoient plaisamment parmy la forest, elle et le Che valier errant. Le chevalier estoit sus ung grant cheval, et en faisoit mener ung autre en main. Le Chevalier alloit chantant une chanson nouvelle qu' avoit esté faicte nouvellement en la maison du Roy Artus; et estoit la chanson ainsi :

En grant joye m' a amour mis,
Et de grant douleur m' a osté,
Maulgré tous mes ennemys―
Je suis si haultement monté,
Que pour son ami m' a compté
Celle qui passe fleur de Lys;
Et quant pour son homme m'a pris,
Bien ay le monde surmonté,

No. XI. p. 228.

TRISTAN.

Tristan se couche avec Yseult sa femme. Le luminaire ardoit si cler, que Tristan pouvoit bien veoir la beauté d' Yseult; elle avoit la bouche vermeille et tendre, yeux pers rians, les sourcils bruncs et bien assis, la face claire et vermeille comme une rose a l'aube du jour. Sy Tristan la baise et l' acolle ; mais quant il lui souvient de Yseult de Cornouailles, sy à toute perdue la voulonté du surplus. Cette Yseult est devant lui, et l'autre est en Cornouailles qui lui defent que à l'autre Yseult ne fasse nul riens que a villeinie lui tourne. Ainsi demeure Tristan avec sa femme; et elle qui d' acoller et de bai ser ne savoit riens, s'endort entre les bras de Tristan; et Tristan aussi d'autre part s'endort entre les bras d Yseult, jusques a lendemain que les dames et damoiselles vinrent veoir Yseult et Tristan. Tristan se lieve, puis vient au palais.

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