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rien de semblable n'existe, on n'en aura pas moins rendu un grand service, et on pourra affirmer-bientôt sans doute-que la psychologie transcendentale est une réalité ou une illusion.

Ainsi il résulte de cet exposé sommaire que c'est la psychologie qui a peut-être devant elle le plus vaste champ à parcourir. L'avenir de l'humanité dépend de ce que l'homme saura de la partie la plus noble de son être-l'intelligence.

Il ne faut donc pas, émú par la difficulté de la tâche, se décourager; mais chacun devra persévérer dans sa voie, et s'occuper non des obstacles qui se présentent, mais du but qui est à atteindre.

The PRESIDENT said:

That the comprehensive character of Professor Richet's interesting and suggestive paper seemed to render it undesirable to invite a special debate on it; as the debateable questions raised in it would naturally come to be treated in the course of the discussions that would follow, on papers of more restricted scope.

The following paper was then read :

Etude sur quelques cas d'amnésie antérograde dans la maladie de la désagrégation psychologique.

par le Professeur PIERRE JANET.

Ordinairement on entend par amnésie la perte d'un souvenir qui a réellement existé, que l'on possédait auparavant dans la mémoire. Ce sont là les amnésies que l'on a appelées rétroactives ou rétrogrades pour montrer qu'elles portent sur le passé, sur des souvenirs anciennement acquis. Voici quelques années que j'observe une amnésie toute différente qui me semble beaucoup moins connue. Au lieu de perdre les souvenirs qu'ils ont acquis, les malades n'acquièrent pas de souvenirs. Ils semblent avoir perdu non pas les résultats de la mémoire, mais la faculté même de la mémoire. Le sujet sent, entend, raisonne même, mais il perd complétement tous ces phénomènes dès qu'ils sont passés et n'en retrouve plus la trace l'instant suivant. Ce qui me décide à vous entretenir de ce phénomène morbide, c'est que j'ai pu étudier cette année même dans le service de mon éminent maître M. le Professeur Charcot un cas tout à fait extraordinaire de cette maladie. M. Charcot a présenté plusieurs fois cette maladie à ses leçons du mardi et il a publié son observation médicale (1); il a désigné l'altération principale de la mémoire

(1) M. Charcot, Sur un cas d'amnésie rétro-antérograde. médecine, 1892, p. 81.

Revue de

sous le nom d'amnésie antèrograde amnésie qui marche en avantamnésie continue pendant la vie de la malade, pourrait-on dire encore. De même que l'aboulie proprement dite, la suppression de la volonté, nous a renseignés autrefois sur la véritable nature de la volonté, de même, l'amnésie antérograde qui n'est pas l'oubli d'un souvenir, mais la perte de la mémoire elle-même, nous fournira quelques notions importantes sur le mécanisme de cette faculté.

I

La première observation porte sur une malade du service de mon éminent maître, M. J. Falret, que j'ai surtout étudiée autrefois. au point de vue de la volonté et de l'exécution des mouvements volontaires (1). Nous avions constaté trois lois principales qui régissaient les actes volontaires. 1o Dans l'aboulie on constate une impuissance pour accomplir consciemment et volontairement les actes nouveaux. 2o Au contraire, les actes anciens, c'est-à-dire ceux qui ont été voulus et organisés avant la maladie sont tous conservés et peuvent être accomplis consciemment. 3° Les actes nouveaux peuvent encore être accomplis, mais seulement d'une manière involontaire et inconsciente.

Cette malade présente une altération à peu près identique et des lois analogues dans la formation et la conservation de ses souvenirs. 1° Depuis qu'elle est malade, cette jeune fille n'acquiert à peu près aucun souvenir nouveau; 2° elle conserve très bien tous les souvenirs anciens. La troisième loi est plus difficile à vérifier sur ce sujet, mais elle doit cependant s'appliquer. Nous la trouverons plus nette chez d'autres sujets.

2e observation. Une malade atteinte d'idées fixes est incapable à certains moments d'acquérir aucun nouveau souvenir, par exemple ne peut rien apprendre par coeur; 2° elle conserve tous les souvenirs anciens; 3° pendant le somnambulisme elle récite sans difficulté ces morceaux nouveaux qu'elle semblait avoir été incapable d'apprendre à l'état de veille.

Se observation. Une jeune femme atteinte de dipsomanie, observée chez mon éminent maître M. Hanot. A un degré plus fort que la précédente, elle a perdu la faculté d'acquérir des souvenirs nouveaux, mais elle conserve les souvenirs anciens. Par le somnambulisme et par divers autres procédés on peut montrer que les souvenirs nouveaux ne sont pas entièrement disparus, mais qu'ils subsistent inconsciemment.

(1) Pierre Janet, Sur un cas d'aboulie et d'idées fixes, Revue philosophique Mars et avril 1891, p. 258, 382.

II

L'observation la plus nette et la plus remarquable de cette maladie a été recueillie, comme je l'ai dit, dans le service de M. Charcot. - Mme D., jeune femme de 34 ans, d'un tempérament nerveux, mais sans maladie caractérisée, a été exposée le 28 août 1891 à une très violente émotion. Pendant qu'elle était seule dans sa chambre, elle vit la porte s'ouvrir brusquement. Un individu qu'elle ne reconnut pas s'approcha d'elle et lui dit brusquement cette phrase : "Mme D., préparez un lit, on va vous rapporter votre mari qui est mort." C'était en réalité une mauvaise plaisanterie, et en voyant le désespoir de cette pauvre femme, les voisins coururent chercher le mari qui se portait fort bien, mais à la vue de son mari, l'émotion de Mme D. fut trop forte, et elle tomba dans une grande crise convulsive qui dura 48 heures. Au réveil de cette crise terrible, Mme D. se trouva dans un état intellectuel fort singulier caractérisé surtout par deux sortes d'amnésies. 1 Amnésie rétrograde de tout ce qui venait de se passer et même de tous les événements qui avaient rempli les mois précédents. Avec effort elle parvint à se souvenir des événements arrivés en mai et en juin, mais il lui fut impossible de dépasser dans ses souvenirs le 14 juillet. Depuis le 14 juillet jusqu'au 30 août 1891 l'amnésie retrograde était complète.

20 Mme D. était absolument incapable d'acquérir aucun souvenir nouveau. Toutes les impressions glissaient sur elle sans laisser la moindre trace, un voyage qu'elle fit à Royan, quand elle fut un peu remise de cette attaque, un accident grave qui lui arriva (elle fut mordue par un chien enragé et cautérisée sévérement), son arrivée à Paris, son traitement à l'Institut Pasteur, son entrée à la Salpétrière, rien ne laissa en elle le moindre souvenir.

En octobre à son arrivée et d'ailleurs pendant tout l'hiver, elle resta dans le même état, racontait sa vie en grands détails jusqu'au 14 juillet au soir, mais n'avait plus le moindre souvenir de ce qui était arrivé depuis le 15 juillet. Elle parlait bien, raisonnait correctement, avait conservé tout ce qu'elle avait apprit autrefois, mais oubliait tous les faits nouveaux après deux ou trois minutes à peine.

En étudiant cette amnésie extraordinaire on ne tarda pas à constater que les souvenirs, qui paraissaient disparaître si vite, n'étaient pas complètement anéantis. Mme D. rêvait quelquefois tout haut et on entendit certains mots significatifs : "Oh ce vilain chien qui m'a mordue, M. Pasteur. . . M. Charcot à la Salpétrière, etc.," paroles qui avaient évidemment rapport à ses

souvenirs des événements récents. On hypnotisa la malade et l'on vit avec étonnement que pendant le somnambulisme elle avait très exactement le souvenir de tous les événements survenus depuis le 14 juillet. Sa mémoire minutieuse pendant le somnambulisme contrastait de la façon la plus curieuse avec l'amnésie si profonde qui existait dès le réveil.

J'ai pu aller plus loin et montrer que même pendant la veille, au moment où la malade cherchait en vain à retrouver le moindre souvenir, on pouvait mettre en évidence une mémoire absolument complète par les actes subconscients, par le moyen de l'écriture et même de la parole automatique que je suis arrivé à provoquer. Les trois lois que j'avais étudiées à propos de l'aboulie se retrouvaient avec précision. 1° La malade ne peut avoir conscience des souvenirs nouvellement acquis; 20 elle a la conscience de tous les souvenirs anciens; 30 mais elle conserve inconsciemment tous les souvenirs des événements nouveaux qui en apparence ne laissent aucune trace. III

Sur quel élément de la mémoire porte l'altération essentielle qui produit l'amnésie antérograde? La conservation des souvenirs est évidemment intacte puisque dans les rêves et dans les somnambulismes les souvenirs réapparaissent complètement. La reproduction des images s'effectue aussi normalement, malgré les apparences contraires, puisque l'écriture automatique du sujet répond correctement à toutes les questions.

Ce qui est altéré, c'est un élément du souvenir que l'on ne décrit pas d'ordinaire. C'est la perception personnelle qui joue un aussi grand rôle dans les souvenirs que dans les sensations. Il ne suffit pas pour que nous ayons conscience d'un souvenir que telle ou telle image soit reproduite par le jeu automatique de l'association des idées, il faut que la perception personnelle saisisse cette image et la rattache aux autres souvenirs, aux sensations nettes ou confuses, extérieures ou intérieures, dont l'ensemble constitue notre personnalité, et c'est cette opération là qui, chez ces malades, est profondément troublée. Quand cette opération s'effectue mal, les malades sont dans un état de distraction continuel que nous avons déja décrit chez les anesthésiques et les abouliques. Il est facile de voir qu'il en est ainsi chez nos amnésiques, car on constate l'amnésie toutes les fois que la malade cherche à penser avec attention, avec conscience, à parler en son propre nom. On retrouve les souvenirs toutes les fois qu'on élimine la personnalité de la malade et que l'on se contente de phénomènes psychologiques en quelque sorte impersonnels,

D'autres études sur lesquelles je n'insiste pas dans ce résumé, ont montré que des idées fixes, des obsessions, persistant dans l'esprit de la malade à son insu, jouaient un grand rôle dans la production de cette distraction et de cette amnésie. En modifiant, en supprimant ces rêves subconscients, j'ai pu rendre à la malade la plupart de ses souvenirs.

En un mot, c'est une nouvelle forme de la désagrégation psychologique que je vous présente. Cette maladie de l'esprit consiste, comme vous le savez, dans un affaiblissement du pouvoir de synthèse qui permet à chaque moment de la vie de rattacher à la personnalité les phénomènes psychologiques nouveaux qui se produisent à chaque instant dans l'esprit. Cette maladie a des formes différentes suivant que cette incapacité de synthèse porte plus précisément sur les sensations, les mouvements ou les souvenirs. Dans le premier cas, c'est l'anesthésie hystérique, dans le second l'aboulie dans le troisième l'amnésie antérograde.

In the course of the discussion on Professor JANET's paper Professor EBBINGHAUS, of Berlin, said :

That while recognising the interest of the facts brought before the Congress by Professor Janet, he was inclined to suggest a different explanation. It seemed to him probable that the patient's consciousness was so completely absorbed by present feelings and perceptions that she had not spare mental energy sufficient for the work of reproducing past experiences until the distractions of the present were shut out. Accordingly, in sleep, or in the hypnotic trance, the absence of such distractions was naturally accompanied by the revival of memory.

The PRESIDENT pointed out :

That though Dr. Ebbinghaus' explanation ingeniously met the facts of recovery of memory in dreams and the hypnotic trance, it was hardly applicable to the manifestation of unconscious on subconscious memory through automatic speaking and writing in the normal state. In this case it seemed to be clearly the concentration of consciousness or some other process which left the unconscious memory free to manifest itself in unconscious actions.

It was further suggested that the explanation of the amnesia offered by Professor Janet-that the factor in normal memory which he called "perception personnelle" was in this case impaired-hardly accounted for the coherent and complete revival, in the hypnotic trance, of the whole series of apparently forgotten experiences. For this coherent and complete recovery of a past series of events seemed to involve the reference of the series to a conscious self as much as normal memory would involve it.

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