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On modère même les différents pouvoirs en les faisant exercer, chacun en particulier, par deux espèces de magistrats, les uns fixes, et les autres temporaires: comme en faisant exercer le pouvoir législatif par des sénateurs et par de simples citoyens; le pouvoir judiciaire, par des juges et par des jurés; le pouvoir militaire, par des soldats et par des gardes nationaux.

Enfin, on modère les différents pouvoirs en donnant à l'un un contre-poids dans l'autre. Ainsi, on modère le pouvoir législatif en donnant la sanction des lois au magistrat suprême, et on modère le pouvoir exécutif en donnant au magistrat suprême des contrôleurs dans des magistrats populaires, tels que des tribuns.

La nécessité de diviser chaque pouvoir pour le modérer mieux, vient de ce qu'un pouvoir non partagé tend à s'accroître, jusqu'à ce qu'il ait tout renversé, au lieu qu'un pouvoir partagé est nécessairement modéré.

Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif doivent donc être séparés l'un de l'autre, et ils doivent être divisés chacun en particulier, pour être mieux modérés; mais le pouvoir législatif doit être divisé dès sa source, tandis que le pouvoir exécutif ne doit l'être que dans les administrations subalternes, et non dans l'administration suprême, parce que, s'il n'était pas

concentré dans l'administration suprême, il n'y aurait pas d'unité dans les autres administrations.

Le pouvoir exécutif paraît d'abord le plus fort, parce qu'il agit, tandis que le pouvoir législatif ne fait que vouloir; mais le pouvoir législatif est réellement le plus fort, parce qu'il faut vouloir avant que d'agir, et que l'action ne fait que suivre la volonté.

Le pouvoir législatif est encore le plus fort, parce qu'il a le droit pour lui, tandis que l'autre n'a que le fait ou la force, et que la force périt d'elle-même, ou se détruit par une force contraire, quand elle n'est pas limitée par le droit.

Le pouvoir exécutif n'a donc pas la même force que le pouvoir législatif, puisqu'il peut être limité par les lois, tandis que les lois ne peuvent pas limiter le pouvoir législatif, dont elles sont l'ouvrage. Le pouvoir exécutif ne peut renverser les lois que par la violence, tandis que le pouvoir législatif peut les renverser d'un seul mot, comme, d'un seul mot, Dieu créa la lumière.

La division du pouvoir législatif ne peut d'ailleurs créer dans la société qu'une opposition de principes, tandis que la division du pouvoir exécutif peut y créer une opposition de fait. Or, l'opposition de fait peut créer dans la société une guerre réelle, tandis que l'opposition de

principes ne peut y produire qu'une guerre d'opinions, ou, en cas d'équilibre, le repos.

D'où il suit que, pour qu'une société soit stable, il faut que le pouvoir législatif y soit toujours divisé, et que, pour qu'elle soit tranquille, il faut que le pouvoir exécutif, divisé dans ses différentes branches, soit toujours réuni dans son tronc, si je puis ainsi parler.

Mais, en divisant les pouvoirs de la société, il · faut éviter également de les diviser trop, et de les diviser trop peu. S'ils étaient trop divisés, ils seraient énervés; et, s'ils l'étaient trop peu, ils ne seraient pas assez modérés. Il faut donc les diviser avec mesure, et chercher à les modérer par d'autres moyens, en ne les confiant qu'à ceux qui sont le plus propres à les bien exercer, et en punissant ceux qui en abusent.

Il y a deux sortes d'hommes qui désirent le pouvoir. Les uns le désirent pour le plaisir de commander aux autres; ce sont des ambitieux, qui ne recherchent, dans le pouvoir, que leur plaisir personnel. Les autres le désirent pour faire le bien de la société; ce sont des hommes généreux, qui désirent le pouvoir uniquement pour le mieux exercer que les autres hommes, et qui ne peuvent le mieux exercer, que lorsqu'ils sont plus éclairés et plus vertueux. C'est à ces hommes qu'il faut le donner de préfé

rence aux autres, parce qu'ils sont plus propres

à l'exercer.

CHAPITRE IV.

De la distribution des pouvoirs dans les communes et les provinces, ou du gouvernement municipal et provincial.

TELLE est la meilleure manière de donner les pouvoirs et de les diviser, si l'on veut qu'ils soient bien exercés.

Mais, pour distribuer ainsi les pouvoirs, il faut diviser le territoire dans lequel ils s'exercent en différentes sections, circonscrites les unes dans les autres, les plus petites renfermant une administration inférieure, et les plus grandes une administration intermédiaire, qui lie les administrations inférieures à l'administration suprême.

On divise ordinairement la cité ou l'état en cercles ou provinces, et les provinces en municipes ou communes, qui sont des sections des provinces, comme les provinces sont des sections de l'état.

Les divisions territoriales de l'état doivent être relatives à son étendue et à sa population, et elles ne doivent être ni trop grandes ni trop petites.

Trop grandes, l'administration serait trop éloignée des administrés; trop petites, elle leur deviendrait trop coûteuse. Il serait difficile d'établir une règle fixe à cet égard; mais on présume que, dans un état de cinq à dix mille lieues carrées de superficie et de cinq à dix millions d'habitants, comme le sont les états moyens de l'Europe, chaque province pourrait être formée d'une population moyenne de cent mille habitants sur une superficie de cent lieues carrées; et chaque commune, d'une population de cinq mille habitants sur une superficie de cinq lieues carrées, afin qu'en plaçant l'administration de la commune dans un point central, chaque individu pût s'y rendre en une heure de temps.

Il faut réunir les habitations éparses et les hameaux aux villages les plus voisins, et grouper les villages les plus voisins en une seule commune, en formant une section de commune des villages qui ont plus de cent familles ou de cinq cents habitants, et en formant plusieurs communes des villes qui en ont plus de vingt mille.

Il faut circonscrire les provinces où ces villes sont situées, dans un cercle aussi étroit que peut le permettre la facilité des approvisionnements, et il faut placer l'administration de la province et celle de l'état dans une ville et dans une province centrales.

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