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famille unique. C'est ce que l'on vit à Athènes après l'expulsion des Pisistratides, et ce que l'on vit à Rome lors de l'avénement des Césars à l'empire. Une foule de Romains illustres, qui avaient agrandi la république par leurs armes ou qui l'avaient embellie par leurs talents, tels que les Marcellus, les Scipion, les Cicéron et les Caton, tombèrent alors brusquement dans les mains d'un maître et ne trouvèrent plus d'asyle que dans le tombeau. Ces grands hommes ne purent survivre à la perte de leurs droits; et ne voyant plus dans la vie qu'un opprobre, ils reçurent tous ou se donnèrent la mort.

Presque toutes les révolutions politiques entraînent la destruction des plus généreuses familles, parce que ces familles combattent pour leurs droits jusqu'à la mort, ou périssent lentement après les avoir perdus. Il n'y a que les familles qui ont été corrompues par le luxe des villes ou par celui des cours qui puissent survivre à la perte de leurs droits, parce que pour elles vivre est tout, et que soit qu'elles vivent dans la gloire, soit qu'elles vivent dans l'opprobre, elles pas moins.

n'en vivent

Mais les hommes généreux doivent sortir sans regret de la vie, quand ils y ont perdu tous les biens qui leur étaient chers, et surtout la liberté, le premier de tous, et sans lequel tous

les autres ne peuvent avoir aucun prix. Tous ces biens leur avaient été donnés par la fortune, et la fortune peut les leur ravir. Mais elle ne peut pas leur ravir leur vertu, qui est l'ouvrage de leur raison, et en mourant ils l'emportent avec eux. Qu'auraient-ils donc à regretter dans la vie, après avoir perdu tous les biens qui pouvaient les y retenir?

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LIVRE III.

DES GOUVERNEMENTS ANCIENS.

ROYAUTÉ DE SPARTE.

CHAPITRE PREMIER.

De la distribution des pouvoirs dans la cité et parmi les citoyens..

TELS sont les éléments divers qui entrent dans toutes les combinaisons politiques, et avec lesquels on construisit les trois gouvernements les plus célèbres de l'antiquité, ceux de Sparte, d'Athènes et de Rome.

Le gouvernement de Sparte était une royauté, que l'on nommait dyarchie, parce qu'elle avait à sa tête deux rois de la race d'Hercule, la plus illustre de la Grèce.

La cité de Sparte ne comprit d'abord la que Laconie; mais elle embrassa ensuite la Laconie et

la Messénie, qui sont les deux contrées les plus méridionales de la Morée.

La Morée, l'ancien Péloponèse, est une péninsule de près de mille lieues carrées de surface, qui paraît suspendue à la Grèce par l'isthme de Corinthe, comme par un ruban, et qui est tellement échancrée dans son pourtour, qu'on l'a comparée à la feuille du mûrier.

Au centre de la péninsule est le plateau de l'Arcadie, environné de tous côtés de hautes montagnes, qui vont se ramifier à l'orient dans l'Argolide, au sud dans la Laconie et la Messénie, à l'occident dans l'Élide, et qui, s'abaissant au nord en pentes brusques vers le golfe corinthien, présentent sur ce golfe la longue corniche de l'Achaïe.

Les deux branches de montagnes qui se dirigent au sud, et qui forment la charpente de la Laconie, se relèvent, l'une au mont Zarex, pour aller projeter le cap Malée, et l'autre au mont Taygète, pour aller projeter le cap Ténare.

C'est entre ces deux branches que coule l'Eurotas, qui naît sur le plateau de l'Arcadie et qui va se jeter dans la mer au fond du golfe Laconique. La vallée qu'il parcourt est très-resserrée vers son origine; mais elle s'évase ensuite pour se resserrer de nouveau, et aller se terminer en une plage basse et marécageuse, au milieu de laquelle sont ensevelies les ruines d'Hélos.

Sparte ou Lacédémone occupait le centre de cette vallée ou plutôt de ce bassin profond, environné à l'orient par les monts Ménélaïons, au pied desquels coule l'Eurotas, à l'occident par un amphithéâtre de montagnes qui s'élèvent jusqu'à la double cime du mont Taygète, au sud par la petite rivière de Tiase, qui suit le contour de ces montagnes, et au nord par des collines isolées qui s'élèvent comme des tentes sur la surface d'un sol uni1.

C'était au pied de ces collines qu'était située Lacédémone. Elle avait été bâtie sur un plan circulaire qui avait quarante-huit stades ou environ deux lieues de tour, et elle s'étendait à l'orient vers un coude de l'Eurotas, où l'on passait le fleuve sur un pont de pierres nommé Babyx, et où il y avait une promenade publique nommée le Plataniste, parce qu'elle était ombragée par de très-beaux platanes. Le fleuve environnait la ville au nord et à l'est, et elle était environnée à l'ouest et au sud par l'Hippodrôme et par le ruisseau du Canacion, bordé sur ses deux rives par des cyprès et des tombeaux.

1. Voyez la description de la Laconie dans l'Itinéraire de Paris à Jérusalem, ouvrage qui, indépendamment du mérite descriptif, renferme des beautés de sentiment, telles qu'on n'en trouve dans aucun autre voyageur.

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