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1

« Du Gange et de l'Indus vont chercher les trésors. << Je vois par cent canaux circuler l'abondance; <«< Cent hospices s'ouvrant aux maux de l'indigence. « Laisse penser, écrire; entends la vérité.

<< Permets que de Thémis la sage austérité

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Abjure enfin des lois que dicta le délire,

<«< Et que l'or sans pudeur n'ait plus le droit d'élire. « Détruis ce jeu royal ouvert aux citoyens,

« Ces impôts du hasard qui dévorent leurs biens; « Crains le dédale obscur de tant de mains avides « Où vont, loin de tes yeux, s'égarer les subsides; <«< Crains l'amas effronté de ces valets de rois,

<< Bien payés pour remplir d'inutiles emplois :

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Apprends que, tôt ou tard, cette pompe insultante « Amène des États la ruine éclatante.

<< Toujours, pendant son règne, un monarque flatté

<< Entend bénir son nom de la postérité;

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Mais, à ce tribunal dès qu'il vient de descendre, «Trop souvent le mépris accompagne sa cendre; <«< Et, dans soixante rois de leur siècle adorés, « Je cherche en vain dix noms par le tems consacrés. << Mais le plus beau laurier, immortelle conquête, «De ces rois-citoyens couronne encor la tête.

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<< Obtiens par tes vertus ce laurier généreux.

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Que des prisons d'État les fondemens affreux,
Démolis, écroulés, à des lois équitables

« Réservent le pouvoir de punir les coupables;

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Que le Jura soit libre'; et que, loin de mes yeux, << L'esclavage, étalant son aspect odieux,

<< Coure au fond d'un sérail, à Delhi, dans Byzance, << D'un bourreau despotique exàlter la clémence. « La Liberté n'a pas un langage imposteur:

« Quand sa bouche a loué, l'éloge est dans son cœur, << Mais l'éloge pudique et mêlé de courage.

« Elle offre avec mesure un volontaire hommage; << Dans les cœurs attiédis elle enflamme l'honneur, « Produit les grands exploits, les vertus, le bonheur, << Fait les rois plus puissans, les sujets plus fidèles. « Un père idolâtré n'a point d'enfans rebelles. >>

1. Les habitans du Mont-Jura étaient encore, à cette époque, asservis au droit de main-morte.

DISCOURS

SUR

LA CALOMNIE.

[797.

Nunquamne reponam,

Vexatus toties?

JUVENAL, sat. 1.

Nous avons parmi nous détruit la tyrannie.
Ne détruirons-nous pas l'impure calomnie?
J'entends déjà frémir, au nom de liberté,
Ce monstre enorgueilli de son impunité.
Les lois à son poignard opposent leur égide;
Mais, bravant du sénat la justice rigide,
Il insulte au courroux des impuissantes lois,
Et de la renommée usurpe les cent voix.

D'écrivains, d'imprimeurs quelle horde insensée
Diffame ce bel art de peindre la pensée!
Un faquin sans esprit, chansonnier des valets,
De refrains d'antichambre habillant ses couplets,
Compile lourdement de tristes facéties,

Qu'il orne avec raison du nom de rapsodies:

I

Le stupide Léger 1 veut remplacer Piron;
Fantin2 se croit Tacite, et Richer3 Cicéron:
Le démon du mensonge inspire leurs brochures;
Un peu
d'or fait couler des flots d'encre et d'injures.
Même en ces tems de gloire où des soldats français
Tous les fleuves toscans attestent les succès,
Dans les murs de Paris l'Autriche a son armée
Qui, faisant chaque jour mentir la renommée,
De loin, par des pamphlets signalant sa valeur,
Poursuit sous des lauriers Bonaparte vainqueur,
Et, vantant des Germains la prudente retraite,
Pour l'aigle fugitive embouche la trompette.

Dans ce nombreux essaim, doublement indigent,
Nul n'a besoin d'honneur; tous ont besoin d'argent.
A la honte aguerris, ces forbans littéraires
Ont mis leur conscience aux gages des libraires.
Envieux par nature, et brigands par métier,
Ils vendent l'infamie à qui veut la payer;

Et, meublant de Maret la boutique infernale,

1. Léger, auteur et acteur du théâtre du Vaudeville, et ensuite de celui des Troubadours.

2. Fantin-Desodoards, homme de lettres et auteur d'une histoire de France, production sans physionomie, long abrégé d'énormes fatras. (Note tirée du Tableau de la Littérature.)

3. Richer-Serizy, éditeur de l'Accusateur public, journal anti-républicain.

Ils dînent du mensonge, et soupent du scandale.

Bon! me dit un lecteur, à quoi tendent ces vers?
Ce bas monde est rempli de sots et de pervers.
Mais veux-tu, des héros négligeant la peinture,
Abaisser tes crayons à la caricature?

Et le hideux portrait des bâtards de Gacon 1
Doit-il souiller la main qui peignit Fénélon?
A Fonvielle, à Langlois 2, daigneras-tu répondre?
Leur nom seul prononcé suffit pour les confondre.
Prétends-tu, déchaîné contre ce vil troupeau,
Armé des fouets vengeurs d'Horace et de Boileau,
Fesser le grand orgueil du petit Lacretelle?
Rendre d'un Jolivet la bêtise immortelle?
Et, du plat Souriguière3 exhumant les écrits,
Disputer au néant ses plus chers favoris?

Il les réclamerait; c'est tenter l'impossible.

1. Gacon (François), connu sous la dénomination du poète sans fard. On peut l'appeler à juste titre le Zoile du XVIe siècle. Il fut constamment en guerre avec tous les grands littérateurs de son tems et spécialement avec l'Académie. On disait de lui qu'il était plus fou que méchant.

2. Fonvielle, journaliste peu connu. Langlois concourait à la rédaction des Actes des Apôtres, de la Quotidienne et du Pré

curseur.

3. Souriguière publiait et rédigeait le Réveil du peuple et le Miroir.

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