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ÉPITRE AU ROI.

1789.

MONARQUE des Français, chef d'un peuple fidèle,

Qui va des Nations devenir le modèle,
Lorsqu'au sein de Paris, séjour de tes aïeux,
Ton favorable aspect vient consoler nos yeux,
Permets qu'une voix libre, à l'équité soumise,
Au nom de tes sujets te parle avec franchise.
Prête à la vérité ton auguste soutien,
Et, las des courtisans, écoute un citoyen.

Des esclaves puissans qui conseillent les crimes
Tu n'as pas adopté les sanglantes maximes;
Le peuple, en tous les tems calomnié par eux,
Trouve son défenseur dans un roi généreux.
Des préjugés du trône écartant l'imposture,
LOUIS sait respecter les droits de la nature.
C'est au peuple en effet que tu dois ta splendeur;
Et sa grandeur peut seule affermir tá grandeur.
En vain les ennemis du Prince et de la France,
Étalant sans pudeur leur superbe ignorance,

Vont d'un adroit sophisme accuser mes discours:
Mentir avec adresse est le talent des cours.
Consulte la raison, immortelle science,
Et cette autre raison qu'on nomme expérience;
Exerce ton esprit, interroge ton cœur;
Et, des tems reculés sondant la profondeur,
Fais parler devant toi les fastes de l'histoire;
Examine quels noms, dévoués à la gloire,
De trente nations maintenant révérés,
Pour l'avenir entier sont devenus sacrés;
Et de quels noms affreux la mémoire flétrie
Recueille après cent ans l'horreur de la patrie.

Des ennemis du peuple on connaît les forfaits;
Les noms de ses amis rappellent des bienfaits.
Mais il est trop de rois, il est trop de ministres,
Qui, recourant toujours à des moyens sinistres,
Oubliant que du peuple ils tiennent leur pouvoir,
Regardent comme un droit ce qui n'est qu'un devoir.
Ainsi des Armagnacs l'oppresseur tyrannique 1,
Des biens des Templiers l'usurpateur inique;
Ainsi l'esclave-roi de l'orgueilleux Armand,
D'un ministre barbare imbécille instrument;

1. Louis XI.

2. Plessis-Richelieu (Armand-Jean du), cardinal et ministre, favori de Louis XIII.

Ainsi de Médicis la race couronnée,

Par de vils favoris tour à tour enchaînée;
Tous ces rois fainéans, sur le trône endormis,
Aux conseillers de cour indignement soumis,
Subissant avec eux une immortelle peine,
Des siècles indignés ont encouru la haine.

Quel tableau différent se présente à mes yeux!
Voilà nos souverains, voilà tes vrais aïeux :
Des demi-dieux Français je vois l'image heureuse;
Famille de bons rois, hélas! trop peu nombreuse.
Contemple de Pépin l'héritier respecté1.

Il voulut des Français fonder la liberté;
Mais il ne put jouir d'un si grand avantage;
Le ciel te réservait cet honneur en partage.
Contemple Louis neuf, le plus juste des rois,
Débrouillant le chaos de nos antiques lois;
Et celui dont l'amour, secondant la prudence 2,
Réunit l'Armorique au reste de la France.
Par quinze ans de vertus, ce roi sans favori
De père de son peuple obtint le nom chéri:
Le citoyen lui paie un tribut de tendresse.
Surtout il se rappelle, et vante avec ivresse
Henri-Quatre et Sulli, ces noms idolâtrés,

1. Charlemagne.

2. Louis XII.

Que l'amour des Français n'a jamais séparés.

Louis doit les rejoindre au temple de mémoire, Et mes chants quelque jour célébreront sa gloire.

I

Ce penseur éloquent, la gloire des Romains,
Qui crayonna les mœurs des antiques Germains,
Fier ennemi des cours et de la tyrannie,
Écrasait les méchans des traits de son génie.
Ce grand républicain, sujet des empereurs,
Du fils d'Enobarbus dénonça les fureurs,
Et le cruel Tibère en intrigues fertile,
Et du vil Claudius la démence imbécile;
Mais, en éternisant leurs indignes portraits,
De Trajan, de Nerva, sa main peignit les traits,
Et, du monde pour eux sollicitant l'hommage,
D'une palme immortelle entoura leur image.

Dès mon enfance épris de sa mâle fierté,
Et libre avant les jours de notre liberté,
Dans un art différent le prenant pour modèle,
Disciple faible encor, mais disciple fidèle,
Si j'ai dépeint ce roi, bourreau de ses sujets,
Dont la main parricide immola les Français,
Bientôt je veux chanter un prince magnanime;

1. Néron (Domitien).

Un ministre chéri que la justice anime ';
Citoyens tous les deux, dont les travaux constans
Nous ont rendu nos droits usurpés si long-temps;
Une auguste assemblée où la vertu préside,
Où du peuple Français la majesté réside;
Et dans ce peuple enfin trois peuples confondus,
Oubliant de vains droits vainement défendus;
Nos ennemis vaincus; nos villes alarmées
Aux infâmes complots opposant des armées;
Les citoyens quittant l'ombre de leurs foyers,
Et sous les étendards se mêlant aux guerriers;
A leurs vaillans efforts la Bastille soumise;
Sur ses créneaux sanglans la liberté conquise;
Du sage Washington le vertueux rival 2,
Son élève autrefois, maintenant son égal;
L'équité la plus pure, à la candeur unie,
D'un maire philosophe3 honorant le génie:
Et dans la France entière un peuple fortuné,
Au seul nom de la cour autrefois consterné,
Rallié désormais au nom de la patrie,
Illustre par les mœurs, et grand par l'industrie,
Révérant, chérissant les vertus de son roi,
Libre sous son empire, et soumis à la loi.

1. Necker.

2. Lafayette.

3. Bailly (Jean-Sylvain), élu maire de Paris en 1789.

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