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princes chrétiens, songeaient à une expédition en Palestine; ils se croisèrent même, l'année suivante, mais sans pousser plus loin la réalisation de ce projet.

Ainsi fonctionnent les institutions nouvelles; elles seront la transition féconde de l'anarchie féodale au gouvernement monarchique et la plus grande gloire de Philippe-le-Bel.

(La suite prochainement.)

DE VIDAILLAN.

CRITIQUE.

LE GÉNÉRAL DESAIX,

ÉTUDE HISTORIQUE, PAR M. LE COMTE BEKER.

(Reproduction et traduction interdites.)

Parmi les généraux dont les grandes guerres de la Révolution on illustré le nom et dont la gloire subsistera dans la postérité, Desaix mérite une place à part. Outre l'habileté militaire et la brillante valeur, sa vie, qui ne se prolongea point au-delà des années de la jeunesse, présente un caractère d'élévation et de pureté singulier et presque unique à l'époque où il a vécu. Au milieu des passions politiques qui égaraient tous les esprits, parmi le désordre des opinions et l'oubli presque universel de la justice et de l'humanité; il n'eut jamais un autre mobile que l'amour de la patrie, et d'autre ambition que de la bien servir. En lisant tous les détails qui viennent d'être réunis par M. le comte Beker, il semble que dans l'histoire des glorieuses et terribles années où la France fut défendue contre l'invasion étrangère, Desaix apparaisse sous l'aspect que Voltaire a voulu

donner au vertueux Mornay pendant les guerres de la Ligue. La comparaison d'Aréthuse,

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Roule au sein furieux d'Amphitrite étonnée

Un cristal toujours pur et des flots toujours clairs,

Que jamais ne corrompt l'amertume des mers,

se présente à la pensée lorsqu'on voit combien cette âme héroïque avait d'élévation et de noblesse, combien de modestie et de désintéressement, combien de douceur et de sympathie.

M. le comte Beker, neveu et fils adoptif du général Beker qui épousa la sœur de Desaix, a rempli un pieux devoir, en rendant hommage à une mémoire déjà consacrée; il a puisé, dans les manuscrits et les correspondances dont il a hérité, des témoignages qui jettent un jour nouveau sur le caractère de Desaix et sur les événements où il a pris part.

De son travail accompli avec soin et discernement est sorti un livre rempli d'intérêt; les récits sont scrupuleusement exacts, l'appréciation des hommes et des circonstances est impartiale; on voit avec détail et avec preuves combien la France doit de reconnaissance et d'hommages à ses armées et à ses généraux, et comment le gouvernement conventionnel rendait leur tàche difficile, comment il accroissait les dangers de la patrie. La sagesse des opinions est en harmonie avec le bon goût du style. Mais l'attrait de cette lecture tient surtout aux détails personnels, à la peinture du caractère de Desaix, à l'expression de ses pensées intimes. Plusieurs lettres écrites à sa sœur ou à sa mère sont naturellement encadrées dans le récit; c'est là surtout que se révèle la simplicité, on pourrait dire la naïveté avec laque le il exprimait les plus nobles sentiments.

Pour rendre compte d'une biographie historique, on ne saurait mieux faire que d'en présenter le sommaire et l'extrait. L'abrégé donnera ainsi le désir de lire le livre tout entier; le lecteur voudra chercher les détails qui donnent au tableau la couleur et la vie que ne peut avoir l'esquisse.

Louis-Charles-Antoine Desaix de Veygoux naquit le 17 août 1768, au château d'Ayat, près de Riom en Auvergne, chez son grand-père maternel le comte de Beaufranchet. Son père appartenait à la bonne et ancienne noblesse de sa province, mais n'avait qu'une modique fortune. Il habitait un petit manoir féodal dans la région montueuse qui s'étend au nord-ouest de la ville de Riom. C'est dans ce castel de Veygoux, dont son père portait le nom pour se distinguer des autres branches de sa famille, que Desaix passa son enfance. En 1776, il entra à l'école militaire d'Effiat, où, selon les intentions du fondateur, des

bourses étaient réservées pour douze élèves choisis dans les fami les nobles d'Auvergne. Il y passa sept ans, puis entra, sous le nom de chevalier de Veygoux, dans le régiment de Bretagne, avec le grade de sous-lieutenant. Pendant qu'il était en garnison à Briançon, puis à Huningue, il se montra avide d'étude et d'instruction, surtout pour tout ce qui se rapportait à l'art militaire; dans cette même pensée, il parcourut la frontière, les Alpes et le Jura. Lorsque survint la Révolution, les officiers du régiment de Bretagne furent presque tous favorables aux idées de réforme et de liberté. Bien peu allèrent grossir les rangs de l'émigration. Le chevalier de Veygoux, avec conviction, mais sans trop de vivacité, partageait les opinions et les espérances que suscitait ce premier élan patriotique. Tout modéré qu'était son caractère, quelle que fût sa modestic et sa douceur, il était plus qu'un autre capable d'illusion; il croyait volontiers à la sincérité des discours, à la supériorité d'intelligence des orateurs; son imagination se complaisait à tout ce qui lui semblait noble, généreux, désintéressé; les pensées de vaillance et de gloire remplissaient aussi son âme sans la troubler par l'exaltation. Hormis pour accomplir son devoir, il vivait peu dans la réalité.

Telle devint de plus en plus l'inpiration de sa conduite; l'émigration continuait. Presque tous les membres de la famille Desaix, ses parents, les gentilshommes de sa province avaient successivement quitté le service militaire pour aller à l'étranger se réunir sous les ordres des princes. Les instances du frère aîné de Desaix ne purent le décider à imiter son exemple. Il était alors à Strasbourg, où le régiment de Bretagne n'avait à ce moment d'autre emploi que de réprimer les tumultes populaires ou les séditions de soldats; tristes conséquences de la fermentation des esprits, de la lutte des opinions, de l'anéantissement de l'autorité et des imprévoyantes mesures de l'assemblée devenue souveraine. Ces désordres affligeaient le jeune officier; il comprenait la nécessité de s'y opposer, mais conservait la même confiance dans les institutions de liberté où s'essayait la France. Il vivait à Strasbourg avec des amis de M. de Lafayette et d'honorables partisans du régime constitutionnel. M. de Dietrich, maire de la ville, était le centre de cette société. Le colonel Mathieu Dumas, qui avait reçu une mission extraordinaire pour la répression des troubles de l'Alsace, prit pour aide-de-camp le sous-lieutenant Veygoux. En quittant cet emploi temporaire, il se sentit découragé et attristé de tout ce qu'il voyait d'indiscipline dans l'armée, de démence dans les opinions populaires. Sa famille, sa mère elle-même lui témoignaient une sorte de blâme et de froideur. Une de ses parentes alla jusqu'à le menacer de lui envoyer une quenouille, comme cela se pratiquait pour les gentilshommes qui refusaient d'émigrer. C'était méconnaître l'élévation et

la fierté de son caractère. Dégoûté du service de police imposé à la force armée, il venait de demander et d'obtenir la place de commissaire des guerres; en cette qualité il était retourné en Auvergne. Exaspéré de l'accueil qu'il y recevait, une lettre que son frère aîné adressait à sa mère acheva de la décider. « Il peut venir, écrivait l'émigré; on avait de grandes préventions contre lui; on ne voulait pas le recevoir; je suis parvenu à dissiper ces préventions ». « A aucun prix je n'émigrerai, dit-il; je ne veux pas servir contre mon pays. Je ne quitterai point l'armée ; et j'y aurai de l'avancement ». Il rentra donc dans le service actif, comme lieutenant dans son régiment de Bretagne, qui était devenu le 46° de ligne.

C'était au commencement de 1792. La guerre était certaine ; Desaix avait retrouvé son enthousiasme patriotique, son activité militaire, ses espérances de gloire. Peu après, sur la recommandation du général Mathieu Dumas, il devint aide-de-camp du prince Victor de Broglie, chef de l'état-major du maréchal Lukner, alors chargé du commandement de l'armée du Rhin. Une conformité d'opinion et de caractère rapprochait le général et l'aide-de-camp. Le prince de Broglie était dévoué à la monarchie constitutionnelle; son père le maréchal de Broglie et ses frères avaient émigré; il apportait un zèle dévoué à rétablir la discipline, à former des troupes capables de bien défendre le territoire. Il eut encore à lutter contre le désordre que propageaient, parmi les soldats et la population, les jacobins de Strasbourg. Son énergie et sa sévérité à réprimer la sédition lui valaient la haine de ces hommes, qui bientôt allaient souiller la Révolution par leurs sanguinaires excès. Ils transmettaient à leurs frères et amis de Paris des dénonciations que Robespierre ou Fabre d'Eglantine faisaient retentir à la tribune des Jacobins. L'aide-de-camp avait l'honneur d'y être impliqué avec son général et Dietrich.

La guerre commença; dès la première rencontre Desaix eut son cheval blessé, et fit de sa main un prisonnier; sa réputation de bravoure fut établie dans l'armée. Lorsque arriva la nouvelle du 10 août, le général de Broglie remit entre les mains du duc de Biron, qui maintenant commandait cette armée, une protestation contre l'acte de l'assemblée législative; en suspendant le Roi, elle avait, disait-il, excédé son pouvoir et violé la constitution. Cette déclaration fut dénoncée à Carnot, commissaire de l'assemblée. Le capitaine Cafarelli, Desaix qui venait de recevoir ce grade et l'adjudant de Briche, avaient adhéré à la démarche de leur général; tous furent aussitôt destitués par le représentant.

Desaix allait retrouver son général à Bourbonne; la municipalité d'une petite commune des Vosges le mit en arrestation, s'empara de ses papiers, glorieuse d'avoir saisi un complice de La Fayette, Bro

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