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ciens, les Égyptiens, les Babyloniens ont eu des archives, et ils ont cru, pour leur utilité présente comme pour celle de la postérité, devoir les renfermer dans des lieux où l'on ne pût pas entrer sans précautions. Les Israélites n'eurent pas d'abord d'autres archives, que P'Arche. Tertullien fait mention de celles des Chaldéens 3. Les lois de Solon, à Athènes, étaient conservées dans le temple de Cérès. A Rome, les temples d'Apollon et de Vesta furent consacrés à la garde de ces trésors écrits. Les Empereurs romains attachèrent à leur personne des officiers chargés d'une pareille conservation. La dignité de maître des archives devint très-considérable sous les empereurs grecs. Enfin les rois mérovingiens eurent aussi des archives, conservées avec leur chapelle et ambulantes comme elle. Une charte de Dagobert apprend qu'elles étaient renfermées dans le trésor même du roi, toujours porté à sa suite, afin que les mêmes gardes posés pour la sûreté de sa personne missent aussi à couvert un dépôt aussi précieux. Mais les meilleures archives, celles qui furent moins exposées que celles de ces cours barbares, qui furent plus respectées par la guerre et par l'ignorance, sont celles des monastères. Les évêques s'en occupèrent avec tant de zèle, que dans un concile tenu à Rome à la fin du cinquième siècle, le pape Symmaque leur reprochait d'être plutôt les gardiens des chartes que les défenseurs des églises. L'on sait avec quelles instances la reine sainte Radegonde demanda aux évêques de la Gaule de recevoir son testament dans leurs archives".

Mais on conçoit sans peine, à la lecture surtout des capitulaires réformateurs de Charlemagne, l'effet produit par les désordres qui, pendant une si longue impuissance de l'autorité royale, s'étaient introduits dans les monastères, et qui avaient causé tant de perturbation dans la vie et les devoirs des évêques, des abbés et des clercs. La société religieuse, si supérieure en lumières à la société laïque, s'était trop mondainement mélangée avec elle; les sévères réformes de l'Empereur devaient aboutir à une séparation complète, qui donnerait lieu à une marche et à des actes différents. Cette séparation était dès lors le commencement de l'état social moderne, que ce prince fondait par ses victoires contre les invasions de l'Occident, et plus encore par ses lois. Il lui fallait donc poser tous les germes de cette société nouvelle, et, à notre point de vue, assurer à ses lois la publicité la plus grande

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et la conservation la plus respectée. Nous savons comment il en ordonnait la transmission. Pour la conservation, il donnait des ordres aussi précis et aussi détaillés. « Quatre copies du présent capitulaire seront faites, dit l'article vi; deux seront remises à nos envoyés impériaux; une au comte que cela concerne; notre chancelier conservera la quatrième '. » On ne dirait pas différemment aujourd'hui. Charlemagne, ayant fait assembler des conciles dans les cinq principales villes de ses Etats, fit réunir leurs décrets en une seule collection, et un exemplaire en fut aussi conservé dans les archives du palais. Voilà, nous l'avons dit, et on le comprend mieux encore, de la régularité administrative; voilà des bureaux qui fonctionnent; voilà des archives organisées. Nous avons vu des référendaires à l'œuvre, des chanceliers signant avec le prince; nous avons peut-être assisté à une dernière séance du Conseil, présidée par Charlemagne lui-même, avec la plus grande partie des évèques, des abbés et des comtes, qui en sont les membres ordinaires.

Cependant, pour confirmer la justesse de ces restitutions historiques, pour lesquelles les récits contemporains et les capitulaires échappés à la barbarie du temps et aux discordes qui la rendaient plus dévastatrice ne nous offrent que des matériaux si imparfaits, nous avons un précieux document. C'est une lettre d'Hincmar, le successeur du fameux Ebbon sur le siége de Reims, adressée à quelques évêques du royaume de Carloman. Hincmar, qui cite Horace, les conciles et les Saintes Ecritures, invoque ses souvenirs et ses emplois pour donner des exemples et des leçons au nouveau Roi. Dans son enfance, il a lu et copié un livre sur l'ordre du palais, écrit par Adalhard, sage abbé de Corbie, l'oncle et l'un des premiers Conseillers de Charlemagne. Il y était formellement exprimé que l'état du royaume comprenait deux divisions: celle du palais et celle de l'administration de l'empire. Après le Roi, la Reine et la famille royale, des ministres dirigeaient les affaires spirituelles, temporelles et personnelles. Le premier d'entre eux était l'apocrisiaire, qu'on appelle aussi le chapelain ou le gardien du palais, dont Hincmar fait remonter l'origine à Constantin. Il était chargé de toutes les affaires ecclésiastiques, des rapports avec le Saint-Siége, du choix et de la direction du nombreux clergé attaché au palais. Après

1 Istius Capitularii exempla quatuor volumus ut scribantur, el unum habeant missi nostri, alterum comes in cujus ministeriis hæc facienda sunt, ut aliter non faciant neque missus noster neque comes sicut à nobis capitulis ordinatum est; tertium habeant missi nostri qui super exercitum nostrum constituendi sunt; quartum habeat cancellarius noster. Capit. prim., an. 812, vII, p. 492.

2 Annal. Franc. breves, p. 49; Vita Kar. Mag. in art. auct., p. 66; Vita Kar. M. par Egolism. mon., p. 87; Éginhardi Annal., p. 258 (Duchesne, t. 11). Hincmari, Rem. archiepisc., ad episc. quosdam Franciæ Epistola. Duchesne, t. II, p. 487.

lui venait le grand chancelier', entouré des hommes prudents et discrets chargés d'écrire et de conserver fidèlement les ordres du prince. Venaient ensuite, pour les différents services du palais, le chambellan ou comte du palais, le sénéchal, l'échanson, le connétable, les quatre principaux veneurs, d'autres grands officiers encore.

A côté de ces dignitaires et sous leurs ordres, il y avait un grand nombre d'officiers inférieurs, et tous avaient des fonctions actives et distinctes. Mais à la tête de tous était l'apocrisiaire, chargé des affaires de la religion ou de ses pontifes, et le comte du palais, qui l'était de toutes celles des laïques. Aucune affaire n'était portée au Roi sans avoir été examinée par eux, et ce n'était que sur leur rapport que le Roi déeidait lui-même, soit par un jugement, soit par une grâce. Aussi, le Roi devait être toujours accompagné d'un nombre suffisant de Conseillers habiles, en proportion avec la cour nombreuse qui l'entourait*. Quant aux affaires générales de l'État, continue Hincmar, elles étaient réglées dans les assemblées qui se tenaient deux fois par an seulement. Dans la première, dans le plaid général, les grands de l'empire, tant clers que laïques, se réunissaient, les vieux pour donner conseil, les jeunes pour le recevoir et le suivre . Dans la seconde, les anciens et les principaux Conseillers préparaient les affaires de la grande assemblée pour l'année suivante, et réglaient celles qui étaient urgentes dans le silence de la réflexion et le secret de la prudence.

Les Conseillers, clercs ou laïques, étaient, autant que possible, des hommes qui, reportant à Dieu leurs honneurs et leurs fonctions, mettaient leurs devoirs envers le roi et le royaume au-dessus de tout, excepté de la vie éternelle, n'ayant d'égards ni pour leurs amis ni pour leurs ennemis, leurs parents, leurs bienfaiteurs, leurs flatteurs, ne se conduisant ni légèrement ni mondainement, mais suivant la sagesse et la justice. Les Conseillers avaient pour règle de garder le plus profond secret sur les affaires dont ils s'étaient même familièrement entretenus, soit qu'elles concernassent l'État, soit qu'elles n'eussent rapport qu'à des intérêts personnels, et le silence, même vis-à-vis les plus intimes, n'était rompu que par le consentement de tous. C'est dans les observations même du savant archevêque qu'il faut lire les inconvénients de l'indiscrétion.

Malheureusement, l'Almanach Royal d'Adalhard, copié par Hincmar, n'est point parvenu jusqu'à nous. Il nous aurait appris les fonctions,

1... Qui a secretis olim appellabatur.... (Ibid.)

Mansionarius, ostiarius, sacellarius, dispensator scapoardus, bersarii, veltrarii, beverarii... (Ibid.)

"... Palatium et consiliariis condignis nunquàm destitutum fuisset... (Ibid. xxv.) Et ut illa multitudo quæ in palatio semper esse debet... (Ibid. XXVII.) 3 Cap., lib. IV, app. ult.; cap. vi, an. 803, c. 2; cap. IV, an. 803, c. 12, etc.

...

le rang, les noms de tous les officiers qui entouraient Charlemagne' qui formaient le cortège de sa puissance et qui en exécutaient les commandements, dans l'Etat comme dans l'Eglise, pour la paix comme pour la guerre, pour l'administration séculière comme pour la discipline religieuse. Nous aurions pu juger cette imitation des charges des Grecs de Constantinople, puérilement commencée par les rois mérovingiens, dépassée et ennoblie par le grand homme qui recherchait partout et appelait à ces fonctions le mérite et la science. En 791, il donna le commandement de la moitié de l'armée qu'il dirigeait par le Danube, contre les Huns, à Megnifrid, son chambellan1. Il envoya plusieurs fois son connétable Burchard en Corse pour en chasser les Maures. Il confiait une armée entière à son sénéchal Andacre 3. Les missions de ses envoyés sont aussi fréquentes qu'importantes. Il savait choisir et employer les hommes; plusieurs de ses lieutenants et de ses Conseillers ont été dignes de lui. Mais nous ne connaissons que les exploits guerriers; l'histoire ne nous a pas transmis le détail de travaux moins éclatants et plus utiles. Les souvenirs seuls d'Hincmar nous disent le soin avec lequel étaient choisis les hommes pacifiques qui en étaient chargés, les qualités dont ils étaient doués, les vertus qui les distinguaient. Laborieux, graves, fidèles, discrets, aucune condition d'aptitude et de talent ne leur manquait. Nous avons admiré leurs œuvres, nous connaissons leur organisation. Nous savons qu'il y en avait toujours un certain nombre auprès de sa personne'; que les plus grands de l'Etat étaient soumis à leur justice. D'un tel corps, que vont faire les successeurs de Charlemagne ? Que vont-ils faire de sa gloire et de son empire?

(La suite à la prochaine livraison.)

Eginh. Annal., p. 246; Duchesne, t. II.
Annal. Franc., p. 44, 62, 83, 254, ibid.
Ibid., p. 35, 56, 77.

• Aimoin, lib. IV, c. 7.
5 Concil. apud sanct. Mac.

DE VIDAILLAN.

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Les Uscoques ont disparu. Maintenant, lorsqu'on navigue dans les parages de la Dalmatie, on n'y rencontre plus que de paisibles navires de commerce qui n'attaquent personne, ou d'honnêtes et laborieuses chaloupes qui n'attaquent que les poissons. La Bora et le Sirocco ont seuls gardé sur ces côtes leur redoutable puissance, et ces antagonistes du marin, nul traité diplomatique ne peut les supprimer.

Le Sirocco qui, pendant notre halte à Lussino, s'était assoupi comme un athlète fatigué de ses efforts, s'est réveillé avec une nouvelle impétuosité dès que nous avons voulu nous remettre en marche; il nous a forcés de relâcher dans le petit port de Selve, et nous a combattus, tant qu'il a pu, jusqu'à Zara. Il est des navires de guerre où en pareil cas le maître d'équipage administre plusieurs coups de garcette aux mousses, et il est des capitaines fort expérimentés qui ne doutent pas

* Voir tome IV, p. 544; tome v, p. 368, et tome VI, pages 90, 394 et 575.

TOME VII.

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