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avaient promis de se soumettre aux conditions qui seraient réglées avec Charette; ils signèrent de même, mais ils ne pouvaient s'engager pour les autres bandes de la Bretagne; ainsi, la clause relative à la rive droite de la Loire avait un caractère spécial et conditionnel; les articles convenus devaient être appliqués seulement aux Chouans qui se soumettraient aux lois de la République.

Le général Canclaux ne fut pour rien dans la négociation: Charette témoigna assez vivement le désir de le voir admis à la conférence, mais les représentants ne consentirent pas à l'y faire appeler; Canclaux lui-même ne le souhaitait point. Il savait combien les commissaires de la Convention étaient jaloux de leur souveraine autorité. D'ailleurs, la lettre que lui avait adressée M. de Puisaye l'avait exposé à une méfiance qu'on ne lui témoignait pas, mais qu'il pouvait craindre. Aussitôt après la signature, il entra dans la tente; Charette, qui lui avait toujours témoigné une cordiale déférence, s'avança vers lui pour l'embrasser : « C'est un républicain que j'embrasse, » dit le général, gêné sans doute par cette intime courtoisie.

Aussitôt après la signature, Charette partit en toute hâte pour Belleville, où Delaunay et les officiers qui s'étaient opposés à la paix soulevaient la population contre lui, et appelaient aux armes les paysans des environs de Belleville et d'Airenay.

Il venait de quitter la Jaulnaye, lorsqu'on vit arriver Stofflet avec l'abbé Bernier et une escorte de cavaliers. H avait probablement l'intention de prendre part au traité. Déjà plusieurs de ses officiers avaient eu de lui la mission de se rendre à Nantes, et ils étaient en pourparler avec les représentants. Lorsqu'il apprit que tout avait été conclu et signé sans lui, il entra en fureur, et repartit en criant : « Au diable la République! au diable Charette ! »

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La fermentation était déjà vive à Belleville, et Charette y arriva à propos. Les officiers, qui l'avaient quitté, répandaient partout qu'il avait été gagné, qu'il avait reçu de l'argent, qu'il s'était fait républicain, et allait marcher avec les bleus contre la Vendée. «Eh bien, répondaient les plus turbulents, nous nous sommes souvent battus sans lui, nous nous battrons contre lui. >>

Il assembla ses chefs de division.

« Croyez-vous, leur dit-il, que je sois devenu républicain depuis hier? Non, non! répondirent-ils, nous avons toujours confiance en vous. Eh bien! croyez que si j'ai fait la paix, c'est par de bonnes raisons. J'ai des projets que vous approuverez quand vous les con→ naîtrez. « Vive le roi ! »

Ils répétèrent ce cri de guerre: - « Camarades, dit-il aux paysans, on vous trompe, la paix est faite, retournez chez vous; ne vous inquiétez pas et demeurez tranquilles. >>

Tout rentra dans l'ordre; la sédition fut calmée. Il donna l'ordre d'arrêter Delaunay, qui avait déjà pris la fuite pour se réfugier à l'armée d'Anjou; les autres officiers confessèrent leur tort et obtinrent son pardon. Une proclamation expliqua, sinon les projets, du moins les motifs de Charette pour conclure la paix. Il montrait qu'elle était faite surtout dans l'intérêt de la population des campagnes. - « Nous n'avons songé qu'à vous; nous avons tout sacrifié à votre bonheur; comment supporterions-nous l'affreuse idée qu'en voulant vous rendre heureux, nous vous trouverons ingrats? »

Charette avait promis aux représentants de se montrer à Nantes afin de donner un éclatant témoignage de la pacification. Il hésita pendant quelques jours à tenir cet engagement; il éprouvait une extrême répugnance à une telle démarche. Presque tout son entourage, même ceux de ses officiers qui avaient désiré la paix, pensaient que c'était faire acte de soumission et orner le triomphe de la République ; d'autres conseillers y voyaient une rupture éclatante avec Stofflet, et priaient Charette d'attendre que le chef de l'armée d'Anjou eût accepté le traité ou en eût conclu un autre. Ce n'était pas un moyen de persuasion, car l'irritation était devenue extrême et passionnée entre les deux généraux vendéens. D'ailleurs, les officiers que Stofflet avait envoyés à Nantes, mécontents de sa résistance à la paix, consentaient à signer pour leur propre compte la déclaration de la Jaulnaye. M. de Scepeaux et trois autres chefs de Chouans venaient aussi ajouter leur signature à celles de Cormatin et de Solilhac.

Le 26 février, Charette fit son entrée à Nantes, à côté du général Canclaux, et accompagné de quatre de ses principaux officiers; il portait le panache blanc et tous les signes du parti royaliste, et consentit pourtant à les quitter après quelques instants. Le peuple courait en foule pour voir ce chef redoutable, dont on était sans cesse occupé depuis deux ans, qui avait tenu er échec les armées de la République et dont le nom avait si souvent effrayé la ville de Nantes. Bien qu'il fût le héros et le défenseur d'une cause qui était loin d'être populaire, il semblait que le triomphe fût pour lui; les représentants, dans leurs voitures que surmontait un bonnet de la liberté, n'étaient regardés que comme faisant partie de son cortége. On étouffa quelques cris de: « Vive le roi ! » Le mot d'ordre était de crier: « Vive la paix! » mais on entendait aussi : « Vive Charette! » A cette époque, Carrier et le règne de la Terreur avaient fait oublier la haine et la crainte que les Vendéens avaient inspirées aux habitants de Nantes.

Charette se laissa conduire à la société populaire, puis au théâtre, Au milieu de cet empressement de la foule, de cette affectation de

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cordialité avec laquelle le traitaient les chefs républicains, il parut réservé et soucieux; son regard morne exprimait le regret et l'embarras du rôle qu'il avait consenti à jouer.

Il logea pour une nuit dans la maison de madame Gasnier, où. demeuraient aussi plusieurs conventionnels. Dès le lendemain, il retourna à son quartier général de Belleville.

DE BARANTE,

de l'Académie française.

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D'île en ile, de cité en cité, Venise finit par étendre sa domination sur toute la côte de Dalmatie. De Curzola à Cattaro, il lui est resté cependant une lacune dans ses conquêtes, un point d'arrêt dans sa perspective, comme le moulin de Sans-Souci dans celle du parc royal de Prusse et la vigne de Nabot dans les domaines d'Achab. Il est resté au beau milieu de ses possessions une petite terre, une petite ville sur lesquelles, malgré ses efforts, elle n'a pu mettre sa griffe de lion. C'est Raguse qui dans ses étroites limites se fit jadis un nom important, qui aujourd'hui est si tristement déchue de son ancienne splendeur.

Si comme l'a dit un écrivain, ces côtes escarpées, ces scogli de la Dalmatie, habités par une population à part entre de grands Etats ressemble à une Suisse maritime, Raguse m'apparaît dans cette Suisse comme une autre Genève grave, prudente, honnête, instruite, mais une Genève catholique qui garda constamment le dogme de ses pères

* Voir tome IV, p. 544; tome V, p. 368, et tome VI, pages 90, 394 et 575, et tome VII, page 49.

et tint ses portes fermées contre les réformateurs avec autant de soin que contre les Turcs, ses redoutables voisins.

La Providence qui dans ses mystérieux desseins fait tour à tour monter et décliner les peuples, a jeté celui-ci du haut de sa virile indépendance dans la plus humble situation. Mais s'il est des nations qui par leurs égarements préparent elles-mêmes leur ruine et justifient leur infortune, la république de Raguse est dans ces annales humaines une exception. Elle ne mérita sa chute par aucune folie, elle fut la victime de deux catastrophes que sa perspicacité ne pouvait prévoir, que sa raison ne pouvait empêcher.

Pas un Etat ne présente dans une continuité de douze siècles une histoire plus régulière que celui-ci, plus pure de tout désordre, et rehaussée par plus de nobles actions. J'essayerai d'en faire ressortir les premières phases et je remonte à son origine.

A quelques lieues de la pointe de terre où s'élèvent les remparts de Raguse, une colonie grecque fonda en l'an 689 avant Jésus-Christ une ville à laquelle elle donna le nom d'Epidaure, et qui fut comme celle du Péloponèse consacrée à Esculape. Elle avait un temple qui acquit une certaine célébrité et un port qui était passablement fréquenté. Les Romains s'en emparèrent sans peine au temps où ils s'emparaient de tant de vastes régions. Pendant la guerre de Pompée et de César, Epidaure ayant pris parti pour César fut assiégée par Oetave et délivrée par Vatinius. Plus tard elle eut la hardiesse de se révolter contre l'autorité romaine et fut subjuguée par le proconsul C. A. Pollio, qui obtint les honneurs du triomphe pour ses victoires en Dalmatie, et l'honneur plus durable d'une commémoration dans les vers d'Horace 1.

Depuis cette époque, elle disparaît comme un obscur atôme dans le tourbillon de l'histoire romaine. Elle fut prise, saccagée par les barbares, et l'on ne peut dire au juste en quelle année. Selon quelques écrivains, elle aurait été anéantie par les Goths en 265, selon d'autres, beaucoup plus tard, par les Slaves.

De ce désastre date l'existence de Raguse. Les habitants d'Epidaure voyant leurs champs dévastés, leurs maisons incendiées s'enfuirent devant les hordes cruelles dont ils n'avaient à attendre aucune pitié et se firent une autre demeure. Après le malheur qu'ils venaient de subir, et dans l'effroi qu'ils éprouvaient encore, l'essentiel pour eux était bien moins de chercher un sol fécond, une rade commode qu'un emplacement qui leur offrit un moyen de défense contre une nou

TOME VII.

Pollio

Cui laurus æternos honores
Dalmatica peperit triumphos. (Liv. 2, 0. 1.)

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