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Lorsqu'une requête était adressée au Roi, elle était examinée, et le Comte du palais envoyait au Comte du plaignant un avertissement ou une charte d'audience, qui lui enjoignait de contraindre le défendeur à satisfaire sa partie ou de l'envoyer en présence du Roi'. Voilà pourquoi Charles-le-Chauve prend tant de précautions pour que le Comte du palais ou son suppléant soit toujours auprès de son fils. Le refus d'obtempérer ne pouvait être jugé que par les armes. Nous ne tarderons pas à voir les Rois prendre l'oriflamme, pour faire exécuter leurs arrêts.

Sans doute, nous n'avons pas plus les procès-verbaux des séances de ces Conseils que l'état officiel des membres qui les composaient. L'histoire ne nous fournit point des détails aussi exacts. Elle deviendra plus positive à mesure que feront plus de progrès les institutions dues à l'autorité royale et cette autorité royale elle-même. En ce moment, la féodalité la domine et la frappe; la race de Charlemagne va disparaître sous ses coups. Mais la royauté ne périra pas, et les descendants de Hugues Capet ne tarderont pas à s'élever audessus de toutes les rivalités. Au lieu d'aller s'affaiblissant de règne en règne, comme les Carlovingiens, ils ne cesseront d'étendre leur pouvoir ainsi que leur royaume, et ils devront ce double succès, moins à la fortune de leurs armes qu'à la sagesse de leurs Conseillers.

DE VIDAILLAN.

(La suite à la prochaine livraison.)

Aimoin. lib. v, c. 17 et 49; Marculf. Formul., lib. I, tit. 29.

PACIFICATION DE LA VENDÉE

EN 1795.

(Reproduction et traduction interdites.)

Aussitôt après le 9 thermidor, les plaintes des administrations locales, auparavant si mal écoutées, furent de nouveau adressées au comité de salut public. Les malheurs de la guerre, la dévastation du pays, l'universelle désolation furent racontés avec l'accent du désespoir. Tout était attribué au système suivi par Turreau qu'on appelait une affreuse conspiration. « La désorganisation, l'insubordination des troupes, le pillage, le meurtre, le viol précédèrent l'incendie général. On commença par incendier des communes où les brigands1 ne s'étaient jamais tenu; on brûla particulièrement les vivres et les fourrages; plus de cent mille tonneaux de grains furent la proie des flammes. Les cris des administrations et de tous les vrais patriotes furent étouffés, il ne resta plus à l'habitant des campagnes qu'à s'insurger de nouveau s'il tentait de se réunir aux bons citoyens, il trouvait une mort certaine; s'il restait chez lui, il la trouvait également. Les laboureurs employés aux charrois de l'armée ne furent pas même épargnés; enfin, tous les crimes capables d'assouvir l'ambition, l'intrigue et la cupidité des chefs ou des soldats furent commis. Notre malheureuse contrée, devenue un vaste champ de ruines, fut entièrement abandonnée à nos nouveaux ennemis, qui, par les barbaries exercées contre eux, furent animés de la rage et des fureurs du désespoir.

<< Le traître Robespierre fit incarcérer ceux qui osèrent venir à Paris pour dire la vérité. Maintenant que vos regards se pòrtent sur la Ré

1 On sait que les révolutionnaires donnaient le nom de brigands aux Vendéens, à ce peuple de géants qui défendait ses croyances et ses libertés contre la tyrannie de la Convention. (Note du Directeur.)

publique entière, extirpez le cancer qui nous ronge. Plus de Vendée, plus de Chouans; de bonnes troupes, des généraux républicains, des représentants qui voient par eux-mêmes, voilà le remède à nos maux1. »

Le premier témoignage d'un changement dans la politique du comité, fut la destitution du général Huché; elle lui fut notifiée dès le 8 août, dix jours après le 9 thermidor.

Le 17 août, sur le rapport de Barrère, la Convention nomma pour commissaires près l'armée de l'Ouest, Dornier, Guyardin et Laignelot; les deux derniers s'étaient montrés ardents et cruels dans leurs précédentes missions. Laignelot surtout avait laissé de tristes souvenirs à Rochefort et à Brest; mais il avait été passé par Hentz et Francastel, les amis et les protecteurs de Turreau, et avait fini par se trouver un modéré; c'était en cette qualité qu'il était choisi. Vimeux fut remplacé par un général Damas aussi peu connu que lui.

Les instructions données au nouveau général lui prescrivaient une guerre défensive; il devait resserrer gradueilement les rebelles, empêcher les communications entre leurs diverses armées, protéger les convois, rétablir la discipline, punir les actes de brigandages et de cruauté, chasser avec ignominie les officiers ou sous-officiers qui s'enivreraient ou donneraient l'exemple de mauvaises mœurs. Les représentants du peuple recurent des indications plus générales. «Ils remettront à l'ordre du jour la justice et le désintéressement. Les mœurs, la voie de persuasion, la bonne foi seront mises en vigueur. Ils exigeront que les chefs donnent l'exemple de l'activité et de l'austérité des principes. »

Le comité posait des limites aux actes de sévérité: «Tous les chefs de brigands, tous ceux qui ont accepté des grades parmi eux seront punis de mort. Ceux qui n'auront été qu'égarés ou entraînés par la violence seront pardonnés. »

Le comité s'occupa aussi d'une classe d'individus qui, dans le cours des guerres civiles de l'Ouest, a toujours été la plus malheureuse. Lorsque les habitants connus pour patriotes, ou supposés tels, se réfugiaient dans les villes, fuyant la persécution et les mauvais traitements des rebelles, laissant derrière eux leurs maisons pillées et leurs fermiers rançonnés, les autorités révolutionnaires les tenaient pour suspects; quelquefois on leur refusait asile; les colounes infernales en massacrèrent qui cherchaient un refuge. Souvent ils étaient détenus en prison; il y en eut qui périrent sur l'échafaud. Et pourtant, ils arrivaient à Nantes, à Angers ou à Niort exaspérés contre les Ven

1 Lettre des administrateurs du district de Chollet réfugiés à Angers, adressée à la Convention, 7 août 1794.

déens, provoquant des mesures de répression, implorant les généraux pour être ramenés chez eux, lorsque la troupe aurait chassé les brigands. C'est ainsi qu'il existait, entre les réfugiés et les Vendéens, une défiance et une rancune réciproques dont l'effet s'est montré dans tous les renouvellements d'insurrection et dans les luttes des partis politiques.

Le comité de salut public autorisa les réfugiés à résider dans toute la République, pourvu qu'ils n'approchassent pas à deux lieues de Paris et à dix lieues des villes maritimes, ce qui était une précaution dure et inutile; les représentants en mission tardèrent peu à la modifier.

Les nouveaux commissaires de la Convention commencèrent par destituer et dénoncer au comité de salut public les officiers généraux qui avaient commandé les colonnes incendiaires, ou que la voix publique accusait d'actes de cruauté. En même temps, les réclamations et les renseignements sur tout ce qui s'était passé dans la Vendée pendant le règne de la Terreur, affluaient à la Convention. Les représentants, qui avaient pris courage contre la Montagne, se rendaient organes de cette plainte universelle. Les procès des Nantais, puis du comité révolutionnaire, la mise en accusation de Carrier, les poursuites ordonnées contre Turreau, Huché et Grignon, changèrent complétement la situation. Hoche fut envoyé en Bretagne, Canclaux fut Hommé commandant de l'armée de l'Ouest.

Cette justice tardive, mais qui était installée soudainement, achevait de désorganiser les armées républicaines, et rendait impossible, pendant la transition d'un système à l'autre, tout plan militaire, toute suite dans les opérations. Les rebelles en profitaient pour obtenir des succès, partiels à la vérité, puisque chez eux rien ne se faisait non plus avec ensemble.

Charette attaqua deux des camps retranchés que les républicains avaient établis et obtint l'avantage le plus signalé qu'il eût remporté depuis le commencement de la guerre civile. A aucune autre époque il n'avait semblé plus maître de la rive gauche de la Loire-Inférieure; il poussait des partis jusqu'au voisinage de Nantes.

De tels succès donnaient aux officiers vendéens de présomptueuses espérances; pour obtenir leur soumission, et même pour les disposer à traiter, il fallait leur faire sentir leur réelle faiblesse et leur impuissance; mais il n'y avait d'illusion que dans l'esprit des chefs; dès qu'on laissait les habitants en repos, dès qu'ils étaient traités avec justice et douceur, ils étaient portés à se soumettre, et se montraient peu disposés à combattre lorsqu'ils n'avaient plus à se défendre ou à se venger.

Au mois de décembre, de nouveaux commissaires de la Convention,

qui cette fois avaient été pris dans les rangs des modérés et parmi les députés des départements de l'Ouest, présentaient au comité de salut public un mémoire sur les moyens de terminer la guerre de la Vendée.

« L'armée des rebelles, disaient-ils, se compose de deux éléments: le premier comprend les brigands aguerris qui ne quittent pas les drapeaux; un ramas d'émigrés, de prêtres, de garde-chasse, de braconniers, de déserteurs et de contrebandiers.

» Le second se compose des cultivateurs et habitants du pays, égarés par le fanatisme et dont le royalisme s'est servi; la plupart ne marchent maintenant que par contrainte. »

Les auteurs du mémoire rejetaient avec indignation les projets de Turreau et des généraux jacobins. « La Convention n'a jamais voulu exterminer jusqu'au dernier homme une population qui, après tant de massacres, est encore de deux cent mille individus1.

« Il faut donc écouter la voix de l'humanité, user d'indulgence et conquérir ces départements par la persuasion. On devrait établir des communications avec les rebelles, éclairer les cultivateurs et leur persuader qu'un prompt et sincère repentir peut faire oublier le passé.

» Si l'ennemi était aux portes du sénat, nous vous dirions : Guerre à mort à tous les rebelles! qu'ils soient exterminés jusqu'au dernier; mais nos armées sont partout victorieuses, et nous vous disons: Consolation aux victimes malheureuses de la rébellion, appui aux faibles, encouragement aux hommes égarés qui veulent revenir. Un décret d'amnistie pourra seul fixer les irrésolutions des rebelles et amener la fin de la guerre.

» L'acte de la Convention qui a traduit Carrier au tribunal révolutionnaire, les poursuites ordonnées contre les généraux ont déjà enlevé un grand nombre de partisants à Charrette et à Stofilet. >>

Le comité accueillit ce mémoire et proposa à la Convention un décret qui fut adopté.

«Toutes les personnes connues sous le nom de rebelles de la Vendée et de Chouans, qui déposeront leurs armes dans le mois qui suivra la publication du présent décret, ne seront ni inquiétées, ni recherchées pour le fait de leur révolte.

>> Pour l'exécution du présent décret les représentants du peuple Menuau, Delaunay, Gaudin, L'Official, Morisson et Chaillou, se rendront dans les départements de l'armée de l'Ouest, et les représentants

Une statistique compulsée avec soin et conscience par M. Cavoleau, ancien secrétaire général de la préfecture de la Vendée, estime qu'après les guerres civiles, la population des départements insurgés, auparavant de sept ou huit cent mille âmes, était diminuée de cent cinquante-neuf mille.

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