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Il peut paraître êtrange que Mendelssohn ait été tenté par un pareil sujet qui n'offre que la parodie d'une scène de sabbat, qu'une mascarade ridicule comme il s'en organise dans les villages pour effrayer les enfants, mais la ballade de Goëthe n'a fait que ressusciter une tradition qui était fort populaire en Allemagne, d'autant plus populaire chez un peuple pour qui le vague de la pensée a tant d'attraits, qu'elle flotte au milieu d'un symbolisme plus nuageux. Dans l'invention satanique des Druides, quelques esprits cherchent à personnifier la puissance de l'intelligence qui triomphe aisément de la force brutale et ignorante, représentée par les chrétiens. C'est à cette disposition que nous devons la froide et malheureuse composition de Goëthe qui saisissait toute occasion de s'égayer au sujet d'une religion dont son âme desséchée était incapable de comprendre les sublimités.

La musique de cette cantate est très-sombre, très-austère et empreinte d'un caractère très-prononcé de terreur. On voit que Mendelssohn a pris son sabbat au sérieux. L'ouverture qui offre une description de l'hiver est le morceau que le public a le mieux apprécié. On entend le souffle de la rafale à travers les rameaux desséchés, et l'âme reçoit l'impression du deuil de la nature tout entière. Lorsque les voix entrent en scène, l'intérêt malheureusement ne s'accroît pas. L'art de combiner les timbres, de faire éclore des rhythmes inattendus, Mendelssohn le possède à un haut degré, mais l'art de tirer des voix des effets flatteurs paraît lui être moins naturel, non, parce que la science lui manque, car plus que tout autre il s'était nourri de cette moëlle de lion, comme s'exprime un critique allemand, mais parce que c'est une condition du rigorisme allemand, de ne confier aux voix que des chants purs de tout élément profane. L'école vocale de Mendelssohn, particulièrement estimée à Leipsick, est appelée l'Ecole hébraïque, c'est encore un renchérissement sur l'école puritaine, laquelle est déjà si sévère pour le chant fleuri et les petits ornements venus de l'Italie. Cette sobriété d'ornements, qui en Allemagne est une condition de succès pour une œuvre, lui est très-nuisible en France où le goût musical peut se décomposer ainsi : peu d'attrait pour les combinaisons harmoniques que notre organisation imparfaite perçoit avec peine, une grande prédilection pour les tours de force vocaux et instrumentaux, avec cela, un bon sentiment de la vérité dramatique, mais nul souci du génie particulier des peuples, de l'individualité des artistes. L'Angleterre et l'Allemagne accueillent volontiers toute forme littéraire ou musicale si étrange qu'elle leur paraisse et se donnent le temps de la discuter. La France la repousse sans examen, et par là elle tarit volontairement des sources précieuses auxquelles ses artistes feraient bien de s'abreuver.

La scène du Sabbat est admirablement bien traitée. Ici, la mélodie était insuffisante pour colorer la pensée, ce sont les timbres de l'orchestre qui ont reçu la mission de nous représenter ces pâles fantômes, ces sorciers descendant des nuages amoncelés en cavalcades furieuses, ces oiseaux funèbres, dont les ailes s'agitent avec un murmure sinistre. Cette scène est un chef-d'œuvre de musique pittoresque. Nous qui ne sommes que médiocrement partisan de ce genre de musique, nous devons reconnaître qu'il atteint quelquefois à une grande puissance d'effet lorsqu'un homme de génie y a recours. N'oublions pas que si les doctrines de certains critiques absolus triomphaient, nous ne serions plus en droit d'admirer l'Orage de la Pastorale.

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HISTOIRE.

HISTOIRE DES CONSEILS DU ROI,

DEPUIS L'ORIGINE DE LA MONARCHIE JUSQU'A NOS JOURS.

(Suite. *)

(Reproduction et traduction interdites.)

III.

SOMMAIRE.—814-987. §. Les conseillers pressent l'arrivée de Louis-le-Débonnaire. Actes impériaux. - Réunion d'abbés et de moines. Exil des conseillers de Charlemagne. Soumission aux évêques. — Conseillers anciens et nouveaux. Conservation et copie des capitulaires. -- Collection d'Ansegise. Le pape Etienne assiste au conseil. - Cleres du conseil. Chanceliers et référendaires. - Audiences de Louis-le-Débonnaire. Ses faiblesses et ses malheurs. Les conseillers de Charlemagne. - § 2. Décadence des princes carlovingiens. Capitulaires de Charles-le-Chauve. Synodes. Conseillers envoyés par Charles-le-Chauve au roi de Germanie. — Conseil de régence. Chanceliers, notaires, référendaires. Fiefs héréditaires. Vassaux indépendants. Solliciteurs. Eudes, roi. — Protocole de Charles-le-Simple. Suzeraineté de Rollon. - Haganon, conseiller. Ascelin, évêque de Laon, conseiller. Prison de Charles-leSimple. Rudolfe, roi. Louis-d'Outre-Mer. Louis-le-Fainéant. - Féodalité toute puissante. § 3. Les grands et les évêques. Juridictions inférieures conservées. — Indépendance des vassaux. - Suzeraineté royale. - Appels. — Affaires ecclésiastiques, civiles ou criminelles; le chapelain. - Affaires séculières; le comte du palais. — Divers degrés de juridiction. — Conseil du roi. — Compétence. - Procédure.

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Charlemagne n'a pas légué son génie à ses descendants. Il ne leur a transmis ni la force du chef barbare, ni la puissance du prince civilisé. Sa destinée a été celle des grands hommes; il n'a point laissé

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d'héritiers capables de continuer sa gloire; il n'est point parvenu à fonder un trône et une nation, et, démembré par lui-même, son empire n'aura pas une longue durée de siècles.

Louis-le-Débonnaire était à peine de retour d'Aix-la-Chapelle, où il avait été associé à l'Empire, lorsque lui parvint, en Aquitaine, la nouvelle de la mort de son père. Il partit immédiatement, et hâta sa marche sur les avis des Conseillers qui le pressaient de venir prendre possession de sa couronne1. En traversant Orléans, l'évêque de cette ville, Théodhulf, homme d'un grand savoir, et Pindare de la célèbre Académie où Alcuin était Horace et Charlemagne David, impatient d'accaparer la faveur royale, l'avertit secrètement de se défier du comte Wala, l'un des principaux Conseillers de son père, et, comme Adhalard, fils de Charles Martel. Ainsi la discorde apparaissait dans la famille de Charlemagne dès les premiers jours du règne de son fils.

Ce prince, que les peuples du midi aimaient pour sa piété, sa douceur, peut-être sa faiblesse, s'était épris d'un tel amour de la vie contemplative, qu'il avait eu la pensée de se faire moine, à l'exemple de son grand-oncle Carloman. A peine capable de gouverner le petit royaume d'Aquitaine sous la tutelle de son père, il n'était pas fait pour tenir, après lui, les rênes de ce vaste empire. On devait donc s'attendre à l'abandon des affaires publiques de la part d'un tel esprit, et, effectivement, un de ses historiens dit que, s'il se fiait trop à ses conseillers, la cause en était dans son extrême assiduité à lire et à psalmodier 2.

L'examen de ses capitulaires, s'il nous était permis de le poursuivre dans ce but, suffirait pour faire connaître son caractère et en expliquer les violences et les làchetés alternatives. Nous n'avons à nous occuper que de son Conseil, dont nous devons rechercher l'existence et les œuvres, dans la forme et dans la rédaction des actes impériaux.

L'humble fils de Charlemagne ne prend, dans les titres romains de son père, que celui de sa dignité; il n'est qu'Empereur. Il ne modifie rien aux formalités ordinaires, signe de sa main par un monogramme, fait sceller avec son anneau; le référendaire ou le chancelier souscrivent comme de coutume. L'acte est toujours mis sous l'invocation du nom de Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, et sous la protection de la divine Providence. Il est daté quelquefois des années de l'Incarnation, ce qu'a fait aussi Charlemagne, mais ce qu'on ne trouve jamais dans les véritables diplômes des Rois mérovingiens. Il n'y a

'Aimoin., lib. v, c. 19.

Opus Thegani Chorep. Trevir. de Gestis Lud. Pii Imp., Duchesne, t. II, p. 270. Diplôme de 783 à l'abbaye de Saint-Arnauld, de Metz. Ms.

• Nouveau Traité de dipl., t. I, p. 647; t. v, p. 658.

là rien de remarquable au point de vue de la chancellerie; le personnel sans doute n'en était pas changé.

Mais si les formes sont conservées, l'esprit des capitulaires n'est bientôt plus le même. Louis n'a hérité que du zèle de son père pour la religion et ses ministres; et ce n'est plus le zèle vigilant et éclairé d'un Roi, c'est la soumission d'un pénitent. La puissance impériale ne réforme plus, elle obéit. Si l'Empereur, dès la quatrième année de son règne, commettant la faute héréditaire de diviser ses Etats entre ses enfants, convoque une assemblée générale pour en promulguer l'acte, il s'y est préparé par des jeûnes, des prières et des aumônes 1. Si les désordres sans cesse croissants des monastères le forcent à faire un capitulaire sur la vie monastique, il le soumet à une réunion d'abbés et de moines, exclusivement convoqués pour examiner leur propre réforme: c'est là son principal Conseil.

Louis, de plus en plus timoré par le remords d'avoir abandonné l'infortuné Bernard, Roi d'Italie, à la sévérité de son Conseils, d'avoir fait tonsurer, malgré la volonté de son père et sans leur consentement, Drogon, Hugues et Théodoric, ses frères naturels; d'avoir exilé Adalhard, Wala, l'évêque d'Orléans, les principaux conseillers de Charlemagne ; de plus en plus affaibli par les scrupules de sa conscience, chaque jour s'inclinait davantage devant la volonté des évêques. Ebbon, le séditieux archevêque de Reims, ayant fait convoquer un synode à Thionville, en 822, les évêques y rédigèrent contre ceux qui attaqueraient ou les diacres, ou les prètres ou eux-mêmes, des canons qui furent promulgués en lois par les deux Empereurs, assistés des grands de la Gaule et de la Germanie, après que les évêques eurent trois fois répété qu'ils approuvaient. C'est la première fois que des capitulaires sont conçus, rédigés, publiés sous une telle forme; l'ombre de Charlemagne en a été émue pour son fils.

Il est inutile d'insister sur l'esprit qui dictera désormais les capitulaires. S'ils contiennent encore de bonnes instructions pour les Envoyés impériaux, et nous avons à leur rendre cette justice, ils n'en subordonnent pas moins la puissance laïque à l'autorité des évêques 3.

1 Charta divisionis imperii inter Lotharium, Pippinum et Ludovicum, etc., p. 574.

2 Capit. Aquisg. De vitâ et conversatione monach., an. 817.

Thegan. de Gestis Lud. Pii, c. 19.

Et si omnibus vobis ista complacuerint, dicite. Et tertio ab omnibus conclamatum est placet. Et Imperatores et pene omnes Galliæ et Germaniæ principes subscripserunt, singuli singulas facientes cruces. Et ecclesiasticus ordo Deo et principibus laudes referentes hymnum Te Deum laudamus decantabant. Et sic soluta est synodus (Capit. Tribur., an. 822).

Comites vero Ministris Ecclesiæ in eorum ministeriis, ut hoc plenius et de nostris et de se et de suis hominibus obtinere possint, adjutores in omnibus fiant

Et s'il nous était permis de distinguer la sagesse séculière de ces instructions de la soumission religieuse qu'elles constituent également, nous dirions que les unes étaient faites par les Conseillers formés à l'école de Charlemagne et maintenus dans le Conseil de Louis-le-Débonnaire parce qu'on y avait besoin de leur habileté éprouvée, tandis que la direction nouvelle était imprimée par les nouveaux guides, inexpérimentés et impolitiques, d'un prince trop faible et trop confiant. Quoi qu'il en soit, les mêmes soins furent donnés à l'expédition et à la conservation des capitulaires. Celui qui concerne les Espagnols établis dans l'empire, prescrit que trois copies en seront faites pour chacune des villes où ils habiteront, l'une sera remise à l'évêque, la seconde au comte et la troisième à ces étrangers mêmes; un autre exemplaire sera déposé dans les archives du palais, afin qu'il serve soit à justifier leurs réclamations, soit à juger les causes qui pourraient leur être intentées1. Quelques jours après, ce capitulaire fut confirmé et développé par un autre qui accorde une protection plus efficace aux malheureux fuyant les Sarrazins, et désigne sept villes où seront conservés des exemplaires de ces dispositions nouvelles, outre celui qui sera retenu au palais et qui servira à juger plus facilement les différends qui pourraient encore s'élever. Le capitulaire qui introduit à Saint-Denis la réforme de saint Benoit, ordonne qu'un exemplaire en sera confié à la garde des religieux et l'autre déposé aux archives du palais3. Enfin nous trouvons dans la collection des capitulaires d'Ansegise, la première qui ait été faite et qui ait pris en quelque sorte un caractère officiel, les dispositions les plus circonstanciées et les plus explicites sur l'envoi des capitulaires par le chancelier aux archevêques et aux comtes, sur la transmission par ceuxci aux évêques, aux abbés, à tous leurs subordonnés, afin que tous connaissent les ordres et la volonté du prince. Et ces instructions sont si précises qu'elles prescrivent au chancelier de tenir registre des noms des évêques et des comtes à qui les actes royaux ont été adressés et de les faire connaître à l'Empereur, afin qu'aucun d'eux n'ose en

(Capit., an. 823, XXIII). Et in eo conventu primum christianæ religionis et ecclesiastici ordinis collatio fiat, etc.

1 Baluze, t. 1, p. 552.

2

Et per exemplar quod in Palatio retinemus, si rursum querela nobis delata fuerit, facilius possit definiri (Ibid., an. 816, p. 572).

3

Duas inde pari tenore conscriptas firmationes fieri jussimus; ut una imperialis aulæ reconditorio Palatinis salvetur excubiis, altera ab ipsius monasterii custodibus in perpetuum diligenti cura debeat provideri; easque manus nostræ, etc. (Præceptum de ord. Monast. rect. in Mon. S. Dion., an. 832, p. 680).

Cette collection est sans cesse citée dans les capitulaires de Louis-le-Débonnaire, qui renvoient à ses articles. Il en sera de mème de Charles-le-Chauve.

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