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traversées de vapeurs n'existerait plus, et, dans un temps donné, la totalité des navires seraient munis de machines atmosphériques, qui leur permettraient de déjouer les vents contraires. L'économie des transports maritimes ferait baisser le prix des matières premières et celui des objets manufacturés sur la plupart des marchés, tandis qu'une révolution s'opérerait dans certaines fortunes par la dépréciation du charbon minéral. Du reste, pourquoi douter que, tôt ou tard, nous serons appelés à saluer ce résultat des efforts du génie? Le progrès indéfini, qui dans le monde moral est la plus absurde des chimères, est une vérité élémentaire dans le monde physique. La terre a été donnée aux enfants des hommes; leur intelligence et leur activité se partagent ses ressources et les combinent de manière à en faire éclore des inventions de plus en plus étonnantes. La vapeur, les télégraphes électriques, les chemins de fer ont fait disparaître le temps et la distance dans la première moitié du dix-neuvième siècle. La seconde moitié ne paraît pas devoir être moins féconde en perfectionnements industriels, et le mot impossible est banni du domaine de la science.

C. DE LAROCHE-HÉRON.

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Les efforts infructueux que fait le Théâtre-Français pour fonder chez lui le règne de la fantaisie et de la goguette trouvent peu d'encouragement dans le public, et moins encore dans la critique. Lorsque l'on compose le spectacle de toutes ces frivolités que l'on est convenu là-bas d'appeler « amusantes », il faudrait dire « niaises »>, la foule ne se bat point aux portes, le bureau de location n'est pas assiégé, les couloirs ne sont pas envahis, et les stalles, si elles ne restent pas vides toute la soirée, ne sont remplies du moins que des amis de la maison. Vienne au contraire Corneille ou Racine avec la grande tragédienne; vienne Molière, même avec des comédiennes médiocres, et la salle n'est pas toujours assez vaste pour contenir les spectateurs empressés. On a compté aussi des soirs heureux pour la littérature moderne, des soirs où M. Scribe, où Casimir Delavigne, où M Hugo, — il y a longtemps, — où MM. Alexandre Dumas, Ponsard, Emile Augier, Jules Sandeau, attiraient par leurs œuvres nouvelles ce monde élégant et avide des choses de l'esprit, qui ne refuse jamais sa présence au talent et ses encouragements au labeur sérieux. Sans doute, à côté de ces soirs brillants il y avait des mécomptes, des pièces mal réussies, des essais avortés, et le répertoire de second ordre, dont il ne faut pas faire mépris, car il offre çà et là des beautés de premier ordre; ces soirs là, on avait un petit public d'élite, et les comédiens s'en contentaient. On se disait alors que le Théâtre-Français était une école autant pour le moins qu'un lieu de plaisir, et que les élèves, même les plus raisonnables, oublient quelquefois l'heure de la classe pour aller faire ailleurs l'école buissonnière. On se disait encore que la Comédie-Française ne relevait pas de l'Etat et de ses deniers pour faire la concurrence au Vaudeville, mais qu'elle avait une mission grande, utile et noble à remplir, celle de conserver les traditions du beau langage, des belles manières et du goût. Nous avons changé tout cela: au goût nous avons substitué le caprice, aux belles manières les mauvaises, au beau langage celui des carrefours ou tout au moins de l'arrière-boutique. Par fois même nous avons cru faire du neuf en évoquant la grisette dans sa mansarde et la femme équivoque dans son boudoir; on faisait tout bonnement du trivial. La fantaisie dans le vulgaire, c'est-à-dire la pire espèce de fantaisie, la fantaisie sottement maniérée et prétentieusement niaise, celle qui dit tout ce qu'elle sait à l'oreille, sans jamais avoir le plus petit mot pour l'intelligence, tel est le genre fameux, le genre admirable que l'on voudrait acclimater sous 'ce toît des grandes vérités à la Molière et des véritables grandeurs à la Corneille. Il y a longtemps que nous avons signalé ces tendances, il y a trois ans que nous les avons prévues.

Nous ne parlerons pas du dernier vaudeville qui vient d'être joué à la Comédie-Française, les Lundis de Madame. Il est l'œuvre d'un homme d'esprit qui n'est plus, et un autre homme d'esprit qui vit encore a été chargé de le

rendre présentable au public. On reconnaît assez généralement qu'il ne l'est guère, et l'on croit que ce premier essai d'un auteur qui n'en fera plus aurait dû moisir dans les cartons parmi tant d'autres comédies poudreuses qui ne verront jamais la lumière.

On a joué l'autre jour le Mariage de Figaro en grande pompe et par ordre. Tout le personnel dansant de l'Opéra avait été convoqué pour la fête du quatrième acte, et à lui s'étaient jointes Mme Guy-Stéphan qu'un engagement récent retient à Paris, et la signora Rosa Espert. Tout le monde sait que cette fète se passe en plein jour on s'y donne des rendez-vous pour le soir!... Tout le monde le sait, mais apparemment M. le directeur du Théâtre-Français ne le sait pas, car il a fait suspendre dans le salon tous les lustres qu'il a pu trouver et allumer toutes les bougies qu'ils ont pu porter. Ce trait peut faire pendant à celui d'un autre directeur de la Comédie-Française, homme d'une littérature consommée, qui fit un jour afficher dans tout Paris: Cinna,` tragédie en cinq actes et en vers de Racine. On rit beaucoup, mais le directeur resta; ce n'est jamais pour cause d'ignorance que les directeurs du Théâtre-Français sont appelés à d'autres fonctions.

Le bruit avait couru que M. Samson allait quitter la scène. Que resterait-il donc à la Comédie-Française si les meilleurs comédiens, ceux qui portent le vieux répertoire et qui rendent le nouveau à peu près possible, s'en allaient avant l'heure cultiver ce jardin d'Horace qu'ils ont toujours rêvé, procul negotiis, loin des petites intrigues, des cabales intérieures, des mauvais vouloirs, des méchants procédés, des directeurs grossiers et des traditions égarées? Ce serait sans doute un grand bonheur pour eux; mais pour nous?... Heureusement la nouvelle n'avait d'autre fondement que l'annonce de sa prochaine représentation de retraite. M. Samson nous reste, mais voulant mettre à profit et pour lui et pour nous le court séjour que Mme Arnoud-Plessy (naguère Mile Plessy) fait à cette intention dans notre capitale, M. Samson a hâté sa représentation de quelques mois, de quelques années peut-être. Car il n'en est pas de Me Plessy comme de ces cygnes du Nord que l'hiver nous ramène. Mile Plessy embellit de sa grâce et de son talent le théâtre français de SaintPétersbourg, cette scène qui n'aurait besoin pour être supérieure à la nôtre, que de dix feuilletons périodiques pour étendre sa renommée par tout le globe; et ce qui est beau, ce qui est bon, Saint-Pétersbourg sait le garder. Il y a là un monarque à qui tous les arts sont chers, qui sait les récompenser dignement, et les retenir dans sa capitale plus encore par l'attrait qu'il exerce que par les faveurs qu'il prodigue. Mais pour un maître, pour l'homme honnête et spirituel qui nous a appris à marcher nos premiers pas, à parler nos premiers vers, que ne ferait-on pas? Mile Plessy a pris son vol et elle est venue le 12 avril s'abattre dans cette maison de Molière qui a bien changé, hélas! depuis son départ. Elle n'a plus retrouvé ni Firmin, ni Menjaud, ni le vieux Monrose, mais auprès d'elle elle a reconnu cette excellente Mme Desmousseaux, cette inimitable Mme Pernelle, cette vaillante Mme Argant. Pour fêter son vieux camarade, Mme Desmousseaux était sortie de sa retraite, et Firmin en serait sorti aussi, n'était que les années sont aujourd'hui trop lourdes à son élégance.

Mile Plessy et Mme Desmousseaux ont joué avec MM. Samson, Provost, Régnier, Maillar, etc., les Fausses Confidences de Marivaux, dont le réper

toire était privé depuis longtemps. Mile Plessy nous a rendu pour un soir dans le rôle d'Araminte, ce brillant reflet de Mlle Mars que la comédie n'a pu retrouver depuis son départ; elle nous a reporté à ces fraîches années de jeunesse où la belle passion de l'art était la seule préoccupation de notre vie, où cette grâce et cette beauté charmantes donnaient une forme à nos rêves, une réalité à notre idéal poétique. Quelques années se sont ajoutées à ces années chéries, mais le talent de Me Plessy y a gagné en grandeur et en fermeté plus que son étincelante jeunesse n'a pu y perdre.

Une autre élève de M. Samson, et ce n'est pas la moins célèbre, Mile Rachel a joué dans Andromaque le rôle d'Hermione, qui reste au demeurant l'une de ses plus belles et de ses plus solides créations, quand la tragédienne veut bien se rappeler qu'elle a devant elle un public français qui connaît la juste mesure où l'éclat de la voix devient déclamatoire sans gagner en vigueur. Deux fois de suite nous avons revu Mile Rachel dans ce rôle, et ces deux fois ce souvenir, qui ne l'abandonne guère qu'au retour de ses excursions à l'étranger, nous a paru présent à sa mémoire.

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A propos de Comédie-Française, il s'est élevé, depuis l'heureux succès de l'Honneur et l'Argent à l'Odéon, des bruits étranges, et contradictoires quelquefois, sur la manière dont cet ouvrage a été refusé au Théâtre-Français. D'abord, on a nié ce refus mème, et il n'a rien moins fallu qu'une rectification de l'auteur, pour prouver qu'en effet le comité de lecture avait reçu à corrections, c'est-à-dire refusé, la comédie la plus remarquable qui se soit produite au théâtre dans ces vingt dernières années. Sans doute ce fut un tort; mais ce tort, si grave qu'il fût, on ne devrait pas le faire peser sur une tête plutôt que sur une autre. Il est l'œuvre de tous, et tous ceux qui ont mis leur boule rouge dans l'urne sont également innocents ou coupables. C'est faire surtout un singulier abus des bons procédés de l'homme du monde que de se targuer de lettres de compliments, écrites après le succès, contre un vote de conscience que ces compliments n'infirment en aucune façon. Le vote et la lettre impliquaient les mèmes critiques; seulement, la lettre n'était pas une boule, ou du moins elle était dorée, comme savent le faire ceux qui ont les délicatesses du sentiment en même temps que celles du style. Ces raffinés de l'intelligence ne sont pas à la mesure de tous les esprits, et il faut quelquefois être aussi fin qu'eux pour les bien comprendre.

- Si l'étude, le savoir, une entente raisonnée et laborieusement acquise de l'harmonie orchestrale, une certaine ingéniosité dans les effets symphoniques, une sobriété rare dans l'emploi des instruments bruyants, suffisaient pour constituer un compositeur d'opéras, M. Ambroise Thomas compterait sans doute parmi les plus célèbres de nos jours. Mais à ces qualités précieuses, il faut en joindre une plus précieuse encore, et sans laquelle les autres sont stériles et n'établissent qu'une bonne médiocrité, ce qui, dans les arts, est la plus déplorable condition pour un auteur; il faut ajouter l'invention, qui est à la musique ce que la pensée est à la parole. Savoir manier sa langue est quelque chose, sans doute, mais encore faut-il avoir des idées à exprimer. Si vous n'avez à produire que ce qui est déjà connu de tout le monde; si vous n'avez en magasin que des redites et des lieux communs, à quoi bon tant de science, à quoi bon tant de mots, tant de notes, et un si grand nombre d'instruments? M. Ambroise Thomas manque de cette qualité essentielle d'in

vention qui fait seule les grands maîtres; aussi, nous le craignons bien, M. Ambroise Thomas ne sera jamais qu'un compositeur agréable. Il cherche cependant, et trouve même quelquefois des phrases mélodiques, mais à peine les a-t-il découvertes qu'il s'en repent bien vite, et se hâte de lâcher le fil sur lequel il a mis la main, pour retourner à ses lieux communs, dont la rhétorique de l'art musical n'est pas plus dépourvue que la rhétorique de la langue. La nouvelle partition que M. Ambroise Thomas vient de donner au théâtre de l'Opéra-Comique, confirme ces observations que nous avons déjà faites il y a longtemps. A travers des détails d'un art délicat et charmant vous apercevez le vide; à chaque instant votre oreille est frappée par une réminiscence, par une forme usitée ou commune, par un de ces motifs qui traînent partout et qui vous poursuivent sans cesse. Une seule fois, dans le Caid, M. Ambroise Thomas avait su être lui-même, et il l'avait été avec inspiration, avec bonheur. Le Songe d'une Nuit d'Été contenait encore çà et là des touches originales et même brillantes. Raymond est à peu près nul; la Tonelli ne l'est guère moins. Des airs recueillis dans les rues de Naples, des tarentelles imitées de Rossini, des effets de vocalises empruntés à Donizetti, constituent à peu près tout ce ce nouvel ouvrage contient de remarquable. Signalons toutefois le finale du premier acte qui peut passer pour un morceau de premier ordre; il faut, d'ailleurs, tenir compte à M. Ambroise Thomas des efforts qu'il a dû faire pour tirer quelque chose d'un libretto aussi nul que celui de La Tonelli.

Ce n'est pas non plus un chef-d'œuvre que MM. de Leuven et Brunswick viennent d'écrire pour donner à M. Adolphe Adam un nouveau prétexte de broder ses faciles inspirations, et à M. Chollet une dernière occasion, sans doute, de nous rappeler son aimable talent. Toutefois, il ne manque, dans le Roi des Halles, ni situations comiques, ni péripéties émouvantes; seulement les auteurs semblent s'être attachés à n'accorder dans l'ouvrage qu'un rôle assez secondaire à la musique. Préoccupés de cette idée que la grande musique, et surtout les grands airs, n'offrent qu'un médiocre attrait au public des lointains boulevards où le Théâtre-Lyrique se perd dans les brumes du mélodrame, ils ont réduit les duos et les trios aux proportions les plus restreintes, ils ont complètement supprimé le grand air avec son andante interminable et son allégro sans fin, son récit, son cantabile et sa cabalette, et l'ont remplacé par de petits airs d'une seule pièce, et plus souvent encore par de rapides couplets à refrain. C'est un genre tout nouveau et qui tient le milieu entre le grand opéra-comique et le vaudeville.

La partition du Roi des Halles contient plus d'une beauté; on y rencontre surtout ces formes piquantes, cet esprit vif et comique dont M. Adolphe Adam est si prodigue; un quatuor du premier acte, C'est donc pour avoir l'honneur, peut être cité comme un modèle du genre. L'ouvrage, toutefois, sent la précipitation et accuse un peu trop de laisser aller. Nous reprocherons particulièrement à l'eminent compositeur la nudité de la partie symphonique et l'abus qu'il fait du basson dans les accompagnements. Cet instrument, ingrat et plaintif, a besoin d'être réservé pour certains effets, pour certaines situations, et il devient insupportable s'il plaque uniformément ses notes sur la voix humaine. L'instrumentiste tend d'ailleurs à exagérer ce défaut.

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Le Panorama des Champs-Élysées a récemment rouvert ses portes. Eylau

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