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nés de befoins, une de leurs principales attentions doit être de les prévenir. Obligés, s'ils veulent être heureux, de plaire aux autres, ils ne peuvent fe difpenfer d'en chercher les moyens: on ne fe fuffit point à foi-même. Eft-on feul? l'ennui ne tarde pas à nous faire reffentir fes atteintes. Vit-on avec les autres? pour peu que l'on penfe, on fent qu'à moins de contribuer à leur utilité ou à leurs plaisirs, on leur devient bien-tôt infupportable. Il eft donc d'une extrême conféquence d'avoir des reffources certaines pour éviter ces deux inconvéniens & pour fe procurer tant à foi-même qu'aux au-' tres, les agrémens dont tous les hommes font naturellement

fi avides,

que

La différence des talens a fait naitre celle des occupa-, tions propres à charmer l'ennui ou à fatisfaire aux befoins. Le travail des mains, le commerce, les Arts méchaniques & laborieux occupent ceux leur état, la fituation bornée de leur Génie & de leur fortune, leur propre goût, l'é ducation qu'ils ont reçuë & mille autres circonftances ont déterminé à un certain genre de vie. D'autres que leur naiffance, leur fortune, leur penchant, une éducation différente de celle qu'ont eû les premiers, & divers autres motifs portent à des objets plus relevés s'occupent de ce qu'on appelle Lettres, Sciences, beaux Arts; pour les cultiver ou pour en juger, pour produire des ouvrages ou pour

la na

décider des ouvrages d'autrui. Le génie qui eft absolument néceffaire pour écrire ne s'acquiert point par le travail: Les talens font des dons que ture répand à fon gré fur qui bon lui femble. Auffi l'amour propre n'eft- il point choqué qu'on lui en reproche le défaut, il avoue fans rougir qu'il ne les a point reçus, il fe plaint de cette indigence, & ne la regarde pas comme un mal qu'il fut en fon pouvoir d'éviter. Le goût au contraire, la facilité de juger qui peut s'acquerir par le travail & par l'habitude à comparer & à réfléchir, eft une chofe que l'on ambitionne plus ardemment, qu'on fe flatte d'avantage de poffeder, qu'on a honte de n'avoir pas acquis aussi parfaite.

ment qu'on l'auroit pû faire ; c'eft pour cela que dans le monde tant de perfonnes se piquent de décider.

Dans ce Salon où nos Pein tres & nos Sculpteurs ont coutume d'expofer dans un certain tems de l'année leurs productions nouvelles, l'ignorant accourt à ce fpectacle comme l'Amateur éclairé, & dit fans déguisement ce qui le charme & ce qui lui déplait. Il juge, il décide, il prononce, au hazard & fans lumieres à la vérité, mais fouvent avec plus de confiance que l'Amateur intelligent. Au Théâtre les cenfeurs ne font ni moins nombreux , ni moins hardis, chaque fpectateur s'érige, pour ainfi dire, un tribunal du haut duquel il couronne ou condamne un

Auteur felon que la Piece l'a affecté, & fouvent au gré de fon caprice, fans fondement & fans caufe légitime.Un ouvrage eftil mieux traité à la Lecture? de mille Lecteurs un très petit nombre juge avec difcernement & en connoiffance de cause, le refte décide fans goût, mais enfin il décide. Dans ces cercles où le tems ne fe confume point abfolument en amufemens frivoles, où pour varier les plaifirs on fait fucceder à une partie de jeu, la lecture des Poëfies fugitives & des autres nouveautés du tems où la converfation s'engage infenfiblement fur les ouvrages d'efprit, combien peu de perfonnes fcavent écouter avec fruit, & réprimer la démangeaifon qu'elles ont d'hazarder leurs

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