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SAVAGE.

LE BÂTARD.

DANS des momens plus gais, quand je savais sourire,
Voici comme autrefois s'exprimait mon délire:
Est-il un sort plus beau que de naître bâtard?
Semblable à la comète il s'élance au hazard,
Dans le sein du plaisir moulé par la nature
Il n'est point du devoir la froide créature;
De sa famille un jour si l'on vante le nom,
Il en sera la tige et non le rejetton.
L'exemple paternel n'étrécit point son âme;
Il brille par lui seul et de sa propre flamme;
L'injuste préjugé n'obscurcit point son œil,
Et le nom de bâtard chatouille son orgueil.

Sans parens et sans biens, nourri par la fortune,
Point d'austère mentor, point de règle importune
N'ont façonné son âme ou captivé ses sens;
Nul frein à ses desirs, nul terme à ses penchans;
Le monde est devant lui; citoyen de la terre,
Sous les drapeaux du sort il marche en volontaire;

Nature's unbounded son! he stands alone;

His heart unbiass'd, and his mind his own.

O mother, yet no mother, 'tis to

you

My thanks for such distinguish'd claims are due!
You, unenslay'd to nature's narrow laws

Warm championess for freedom's sacred cause,
From all the dry devoirs of blood and line,
From ties maternal, moral and divine
Discharg'd my grasping soul; push'd me from shore,

And launch'd me into life without an oar.
What had I lost if, conjugally kind,
By nature hating, yet by vows confin'd,
Untaught the matrimonial bounds to slight
And coldly conscious of a husband's right
You had faint-drawn me with a form alone,
A lawful lump of life, by force your own!
Then, while your backward will retrench'd desire,
And unconcurring spirits lent no fire,
I had been born your dull domestic heir,
Load of your life, and motive of your care,
Perhaps been poorly rich, and meanly great
The slave of pomp, a cypher in the state,
Lordly neglectful of a worth unknown,
And slumbring in a seat by chance

my own.

Far nobler blessings wait the bastard's lot,

Enfant de la nature il fait seul son bonheur,

Et fier de son ouvrage, il règne sur son cœur.
Ma mère, en qui jamais je ne vis une mère,
C'est à vous que je dois une faveur si chère!
Vous n'avez point aux lois fait plier vos desirs;
Facile dans vos goûts, libre dans vos plaisirs,
Des devoirs étendant la trop pesante chaine,
Vous m'avez, dès l'enfance, affranchi de leur gêne.
Et vous m'avez lancé sur ce vaste océan,

Sans donner une rame aux mains de votre enfant.
Quel malheur, juste ciel, si, moins tendre et plus sage,
Ma mère, respectant les droits du mariage,
Et mettant son bonheur dans celui d'un époux,
Eût, dans de saints devoirs, trouvé des plaisirs doux!
Froide production d'une couche pudique,
D'un hymen solennel héritier authentique,
Insipide marmot, ah! j'aurais, nuit et jour,
Ma mère, dérobé vos momens à l'amour.
Il vous aurait fallu, dans l'ombre d'un ménage,
Cacher les plus beaux jours de votre plus bel âge;
Et pour soigner enfin un ennuyeux enfant
Tendre, aimable, immoler votre tempérament.
Et cela, pour qu'un jour, à la cour, à la ville,
J'aille, pauvrement riche, et noblement servile,
Loger dans un palais, promener dans un char,
Un mérite étranger, vain effet du hazard!

Plus heureux, mille fois, un bâtard jeune et leste,

Conceiv'd in rapture, and with fire begot,
Strong as necessity, he starts away,
Climbs against wrongs, and brightens into day!
Thus unprophetic, lately misinspir'd,
I sung gay flutt'ring hope my fancy fir'd.
Inly secure, thro' conscious scorn of ill,
Nor taught by wisdom how to balance will,
Rashly deceiv'd, I saw no pits to shun,
But thought to purpose and to act were one.
Heedless what pointed cares pervert
his way
Whom caution arms not, and whom woes betray.
But now, expos'd and shrinking from distress
I fly to shelter while the tempests press;
My muse to grief resigns the varying tone;
The raptures languish, and the numbers groan.
O memory, thou soul of joy and pain!
Thou actor of our passions o'er again!
Why dost thou aggravate the wretch's woe?
Why add continuous smart to ev'ry blow?
Few are my joys; alas! how soon forgot!
On that kind quarter thou invad'st me not:
While sharp and numberless my sorrows fall,
Yet thou repeat'st and multiply'st them all!

Is chance a guilt? that my disastrous heart,
For mischief never meant must ever smart!
Can self-defence be sin?-ah! plead no more;
What, tho' no purpos'd malice stain'd thee o'er?

Conçu dans les plaisirs, pétri du feu céleste.
Instruit par le besoin, luttant contre le sort,
Sans cesse combattant et toujours le plus fort.
Ainsi, jadis, au gré d'une muse abusée,
Je chantais, l'espérance enflammait ma pensée;
J'avalais à longs traits son dangereux poison;
Le malheur n'avait point éclairé ma raison.
M'égarant à plaisir dans de rians mensonges,
Je croyais voir un jour réaliser mes songes.
Crédule, j'ignorais, dans ma bouillante ardeur,
Combien est escarpé le chemin du bonheur.
Mais, aujourd'hui, battu, brisé par la tempête
Et cherchant un abri pour reposer ma tête,
Sous les coups du malheur mon âme se flétrit,
Mon délire s'éteint et ma muse gémit.

O toi qui fais revivre et la joie et la peine, Qui des maux et des biens renouvelles la scène; Souvenir, ah pourquoi redoubler mes malheurs, Et sans cesse ajouter des larmes à mes pleurs? Mes momens fortunés n'ont été qu'un passage, Et tu ne viens jamais m'en retracer l'image; Mais sous le poids des maux le sort me fait plier, Et tu te plais encore à les multiplier.

Des fautes du hazard dois-je être la victime? Eh quoi! j'ai des remords et suis exempt de crime! Contre un jeune agresseur je dus armer mon bras, Je défendis mes jours, il trouva le trépas.

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