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dans l'impossibilité de voler au secours de sa bienaimée, et en dépit de ses efforts demeure immobile et raide, comme une figure de pierre sur un tombeau :

..... Steht, entseelt vor Schrecken,

Starr, wie ein Bild auf einem Leichenstein'.

Qui n'a également rêvé de la descente instantanée d'un escalier? Au lieu de poser les pieds l'un après l'autre sur les marches, on glisse du haut en bas le long de ces marches, le corps droit, en touchant seulement des talons. La descente est rapide, vertigineuse, et suffit pour nous éveiller.

Voici la chute dans le vide, autre rêve auquel personne pour ainsi dire n'est étranger. Soit que l'on s'élance ou que l'on tombe par quelque accident d'un point élevé, l'impression est la même. On se sent précipité rapidement, sans support, sans rien à portée de la main; on juge de l'espace qu'on parcourt et de la rapidité avec laquelle cette chute s'opère. Mais il est rare qu'on arrive jusqu'à terre avant de se réveiller en sursaut.

D'autres fois le sujet assiste aux préparatifs de son exécution. On le conduit à l'échafaud, on l'attache à l'instrument du supplice, et au moment où la vie va lui être enlevée, les situations changent: c'est quelque autre qui sera la victime, tandis que l'auteur du rève n'est plus qu'un simple spectateur.

Quand, dans le Faust de Göthe, Marguerite affolée croit voir, à la veille de son supplice, tous les prépara

1 Wieland, Oberon, Ges. III, V. 498. Comparez Ges. IV, V. 112.

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tifs de l'exécution, elle répète éveillée ce rêve damné à mort. La scène du poème est emprein frappante exactitude; elle suit pour ainsi dire p le rêve lui même. Réalité, hallucination et s donnent is la main. Göthe termine presque la comme le rêve que nous avons décrit. La pré tion du sujet n'est plus concentrée sur lui seu seulement on ne voit pas porter le coup fata cette lame tranchante qui s'agite ne menace plu l'auteur du rève, elle se tourne vers tous les tants 1.

Les rêves qu'on vient d'énumérer se présentent que toujours plusieurs fois dans la vie d'un ho Sils sont communs à tous, on ne peut les reg comme purement personnels; ils doivent avoir causes qui ne résident pas uniquement dans l'indiv mais bien dans la nature de l'espèce. Le dernier ex ple cité jette même une lumière toute particulière ce caractère de communauté. Car on y voit déjà l'act se modifier selon le milieu d'où le sujet tire ses impr sions. Sur le continent d'Europe, l'instrument de su plice qui se dresse aux yeux du rêveur est la guillotin tandis qu'en Angleterre et aux Etats-Unis c'est potence. Pour le sauvage, c'est le pieu du sacrificateur Rien ne prouve mieux que nous sommes dans nos rêve sous l'influence de l'enseignement et de la tradition.

1 Nous faisons ici allusion aux lignes finales:
Schon zuckt nach jedem Nacken
Die Schärfe, die nach meinem zückt.

(GÖTHE, Faust, Th. I, Absch. x

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tifs de l'exécution, elle répète éveillée ce rêve du condamné à mort. La scène du poëme est empreinte d'une frappante exactitude; elle suit pour ainsi dire pas à pas le rêve lui-même. Réalité, hallucination et songe se donnent ici la main. Göthe termine presque la vision. comme le rêve que nous avons décrit. La préoccupation du sujet n'est plus concentrée sur lui seul. Nonseulement on ne voit pas porter le coup fatal, mais cette lame tranchante qui s'agite ne menace plus seul l'auteur du rêve, elle se tourne vers tous les assistants 1.

Les rêves qu'on vient d'énumérer se présentent presque toujours plusieurs fois dans la vie d'un homme. S'ils sont communs à tous, on ne peut les regarder comme purement personnels; ils doivent avoir des causes qui ne résident pas uniquement dans l'individu, mais bien dans la nature de l'espèce. Le dernier exemple cité jette même une lumière toute particulière sur ce caractère de communauté. Car on y voit déjà l'action se modifier selon le milieu d'où le sujet tire ses impressions. Sur le continent d'Europe, l'instrument de supplice qui se dresse aux yeux du rêveur est la guillotine, tandis qu'en Angleterre et aux Etats-Unis c'est la potence. Pour le sauvage, c'est le pieu du sacrificateur. Rien ne prouve mieux que nous sommes dans nos rêves sous l'influence de l'enseignement et de la tradition.

1 Nous faisons ici allusion aux lignes finales:

Schon zuckt nach jedem Nacken

Die Schärfe, die nach meinem zückt.

(GÖTHE, Faust, Th. I, Absch. xxv, Kerker).

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A chaque instant nous faisons en rèvant preuve de mémoire; nous voyons, par exemple, nos amis et leurs habitations. Tout notre fond de notions anciennes est donc là qui nous sert, et qui concourt à alimenter les créations nouvelles. Dès lors, si ce fond a, pour différents hommes, des parties communes, les créations auront aussi souvent des côtés communs.

La preuve que nous restons nous-mêmes pendant le sommeil, que nous conservons notre personnalité et nos attributs, est fournie par une remarque d'Erasme Darwin, l'aïeul de celui qui a attaché son nom à la théorie célèbre de la Sélection naturelle. Chacun garde si bien son caractère, qu'une femme ne rève pas qu'elle devient soldat et part pour la guerre, et un homme ne se voit jamais accoucher 1.

Une partie au moins du canevas est donc fournie par notre développement antérieur, et dépend de notre situation, de notre éducation et des traditions dont nous sommes imbus. Or, ces traditions et cette éducation sont des traits qui nous sont communs avec bien des hommes. Il est alors tout simple qu'en quelques occasions au moins nous rêvions comme eux. Et, dans la veille, il est tout simple encore que nous imaginions

comme eux.

§ 17. UNITÉ DU MONDE INTERNE.

Le monde interne se peuple peu à peu par tradition. L'homme a cela de particulier que l'enseignement communiqué l'emporte immensément, pour lui, sur l'ensei

1 Er. Darwin, Zoonomia, part. I, sect. xxiij, art. 13.

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