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et celui de l'écho dans les jardins de Woodstock, annexés aujourd'hui au parc de Blenheim près d'Oxford, où la réflexion rapporte distinctement dix-sept syllabes pendant le jour, et vingt dans le silence de la nuit '.

C'est à l'écho que se rattachent ces roulements confus du tonnerre, que le Tasse compare à la voix entrecoupée et désordonnée d'un homme en fureur 2. Si nous avons une idée générale de la cause qui produit ces roulements, il s'en faut de beaucoup cependant que les diverses particularités du phénomène soient expliquées. Pline raconte qu'en ouvrant certaines portes des souterrains du labyrinthe d'Égypte, on entendait un bruit prolongé, semblable à celui du tonnerre “. Beaucoup de nos lecteurs connaissent sans doute l'effet du coup de carabine tiré près de la sortie de la grotte du Han. Mais il s'agit là de répercussion par des parois solides, ce qui n'est pas le cas du tonnerre, dont les éclats se forment dans l'air. En effet, ils ont à bien peu près le même caractère et la même durée au milieu des mers, que dans les plaines, dans les vallons ou au milieu des rochers.

Lorsque les hémisphères creux d'Otto de Guericke, qui avaient près d'un mètre de diamètre, et entre lesquels on avait fait le vide, furent séparés par deux

1 Plott, Natural history of Oxfordshire.

2 Le Tasse, Gerusalemme liberata, cant. V, st. 27.

* Telles, par exemple, que les craquements, les renforcements, les ronflements, etc.

4 Les gardiens du Panthéon de Paris (Sainte-Geneviève) répètent cet effet, dans les caveaux, en frappant sur un corps retentissant.

attelages à chacun desquels il avait fallu mettre dixhuit chevaux, on entendit un coup violent. C'était apparemment une excellente image de la production du tonnerre le vide se remplit soudainement et avec bruit. Mais expliquer ensuite comment le coup se prolonge et passe par différentes conditions, n'est plus

chose aussi élémentaire ni aussi aisée. Les détails ont encore leurs mystères, où plus d'un météorologiste a laissé son imagination s'égarer. Les seuls indices que nous ayons pour nous guider sont tirés de la pratique de notre artillerie.

On observe, par exemple, que certains coups de canon sont suivis d'un long roulement, et c'est toujours dans des circonstances où l'on est entouré de brouillards ou de nuages peu élevés. Ainsi dans les expériences sur la vitesse du son faites, en 1822, à l'aide de canons, entre Villejuif et Montlhéry près de Paris, les coups étaient secs quand le ciel était serein. Mais lorsqu'il y avait des nuages, et surtout au moment de leur apparition, on entendait parfois des coups doubles (la détonation se répétant en moins d'une seconde), et des coups accompagnés de roulements prolongés qui duraient jusqu'à vingt et même jusqu'à vingt-cinq secondes 1.

J'ai pu faire moi-même quelques observations analogues. Pendant l'hiver de 1863-1864, j'ai suivi avec attention le tir du canon de garde, qu'on faisait partir chaque matin à six heures à l'arsenal maritime de Philadelphie. Presque toujours le bruit était unique et

1

Gay Lussac et Arago, Annales de chimie et de physique, t. XX, p. 210.

court. Un petit nombre de fois j'ai entendu le coup double. Mais, le 28 janvier 1864, le roulement s'est prolongé d'une manière remarquable, à l'imitation du tonnerre. Il a duré au moins douze secondes, avec un renforcement marqué cinq secondes après le coup principal 1.

Or, ce jour-là les circonstances atmosphériques étaient toutes particulières. Il y avait un brouillard qui formait une couche peu épaisse sur le sol. Bien que les objets fussent voilés dans la direction horizontale, le bleu du cieln'était pas considérablement altéré au zénith. Ainsi ce brouillard ne formait qu'une couche basse sur la terre. L'explosion s'était donc opérée près de la surface de séparation de l'atmosphère troublée et dé l'atmosphère claire. De là évidemment des réflexions multiples entre cette surface et le terrain, et des changements notables de vitesse et d'intensité, surtout si, dans certaines directions, cette surface n'était pas plane mais moutonnée. On comprend que si le tonnerre a ses roulements, c'est parce qu'il s'engendre au bord des nuages, à la fois près de ceux-ci et de l'atmosphère pure.

Il faut se rappeler, en effet, les modifications profondes que subissent les sons, lorsque les milieux gazeux sont formés d'éléments d'inégales densités. Dans une cloche remplie d'un mélange d'hydrogène et d'air, un timbre se fait à peine entendre. Dans un verre d'eau gazeuse, le verre ne rend presque pas de son tant qu'il demeure des bulles dans l'eau. Où le caractère du milieu

1 Pour le tonnerre, il y a des exemples de roulements (provenant d'une explosion unique) qui ont duré plus d'une minute.

change, il se produit des changements de vitesse, des réflexions, et par suite des déviations dans les ondes. sonores. Mais si nous apercevons les causes générales, nous sommes loin d'avoir jusqu'ici analysé les détails. Le tonnerre n'a plus ses terreurs, mais il a encore jusqu'à un certain point ses illusions et ses mystères.

§ 12. BRUITS MYSTÉRIEUX.

La conduite du son de place en place, non pas seulement par des tubes acoustiques, mais en espaces libres, est une source fréquente de déception. Les étrangers vont visiter à Paris cette salle du Musée du Louvre où il y a deux urnes placées à une distance notable. Lorsqu'on parle tout bas dans l'une, la personne qui place l'oreille près de l'autre recueille distinctement les paroles, bien que dans l'espace intermédiaire on ne parvienne pas à saisir un mot.

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Un phénomène du même genre s'est présenté accidentellement dans la cathédrale de Girgenti en Sicile, l'ancienne Agrigente des colons doriens, « la plus belle des villes mortelles » au dire de Pindare, où Romains et Carthaginois se sont autrefois disputé l'empire. Dans le vaste vaisseau de cette cathédrale, le son se transmet de la grande porte de l'Ouest à la corniche derrière le maître-autel, à une distance de 75 mètres. Ces deux points forment deux foyers. Avant qu'on eût reconnu cette circonstance, le hasard fit choisir l'un d'eux pour un confessionnal. Quelques jeunes gens qui avaient dès lors découvert cette particularité allaient se mettre à l'autre foyer, et là savouraient le plaisir de surprendre

les confessions, dont ils saisissaient le moindre mot aussi bien que le prêtre. Le secret fut gardé jusqu'à ce qu'un mari, initié ainsi aux infidélités de sa femme, n'eut pas la force de commander à son ressenti ment 1.

Bien des bruits sont transmis ainsi à distance dans la nature, et viennent nous frapper sans que nous en saisissions d'abord l'explication. Dans les montagnes, par exemple, on entend maintes fois des sons lointains, dont il est impossible d'assigner sur-le-champ le lieu d'origine ni le caractère. On faisait dernièrement en France des expériences savantes et d'un intérêt sérieux sur les interférences des ondes sonores. En se plaçant en certains endroits, où les ondes réfléchies interfèrent avec les ondes directes, on produit des altérations de notes, des éclats et des silences 2. Or, ces modifications des sons se retrouvent, au moins à quelque degré, dans la nature même. Le chasseur sait combien la note et la force de son coup de fusil varient d'un endroit à un autre. C'est à ce point que les personnes peu exercées s'imaginent parfois, en passant du labouré dans la bruyère, et après avoir continué de tirer, que leur arme était mal chargée, tant leur semble faible le son qu'elle produit alors. Combien il est donc difficile de juger de l'origine et de la valeur des bruits!

On cite dans le Pays de Galles, près de Tal-y-Llyn,

'Brewster, Letters on natural magic, let. IX.

2 Beaucoup de nos lecteurs connaissent sans doute l'expé rience des deux diapasons en léger désaccord. Lorsqu'ils vibrent en même temps, l'oreille reçoit une suite de chocs, appelés « battements », qui sont les interférences par addition.

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