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de regarder le soleil en face. Il n'y avait que l'aigle, disaient les anciens, qui fût capable de soutenir cette vue. Newton n'avait regardé qu'un instant et par un seul œil. Il lui resta longtemps dans cet œil une image circulaire, qui passait par des couleurs changeantes et des intermittences d'éclat. C'était ce qu'on appelle aujourd'hui l'image accidentelle, » et cette image se produit d'une manière semblable sous l'influence de toutes les lumières brillantes. Mais dans l'observation de Newton, faite sur le soleil, elle persista pendant une longue durée, elle se communiqua à l'œil qui n'avait pas été employé, et après qu'elle s'était évanouie, elle revenait encore de temps à autre, quand la pensée était ramenée sur cet objet. Était-ce alors un simple effet de mémoire, un rêve, ou bien s'agissait-il d'un dernier reste de sensation se ravivant sur la rétine? Était-ce une des dernières lueurs de cette espèce de phare à éclats qui était demeurée si longtemps imprimée dans l'oeil? Qui oserait prononcer lorsque Newton lui-même resta indécis? L'évocation, bien qu'elle fût un acte volontaire, pouvait ranimer la sensibilité physique de l'organe. Tandis que d'autre part. l'image purement mnémonique pouvait être tellement semblable à l'image accidentelle qu'il devenait impossible de distinguer. Je le demande, où le rêve touchet-il de plus près à la réalité?

§ 6. IMAGES FACTICES.

Le phénomène des images accidentelles est trèsimportant, non-seulement parce qu'il dépend d'un sens

dont le témoignage est un des plus sûrs pluris est oculatus testis quam auriti decem, dit Plaute, « un témoin oculaire vaut plus que dix auriculaires,» —mais parce que le sens de la vue est plus particulièrement par ses caractères et par la portée qu'il embrasse le sens de l'intelligence. Les images qui subsistent dans. l'œil, après qu'on a regardé un objet éclatant, reproduisent l'objet avec une lumière palpitante et le revêtent d'une succession de couleurs qui nous présentent en certains moments les teintes les plus vives et les plus pures. En passant de la lumière à l'obscurité, le tableau du lieu d'où nous sortons nous accompagne ainsi, tout défiguré, rendu méconnaissable par les variations d'éclat et de couleur. A ces images internes, plus mobiles que des vues fondantes, se superpose à chaque instant l'impression des corps qui nous entourent et que nous commençons à distinguer dans l'obscurité. Comment l'imagination ne prêterait-elle pas des formes bizarres et du mouvement à ce mélange variable du réel et de l'illusion? Voici des apparitions, des revenants, des fées - ces figures flottantes que Goethe évoque au début du Faust 2. Voici au moins des apparences inexplicables, et bientôt naît dans le cœur du grand

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1 Ces phénomènes, sur lesquels Jurin (An essay upon distinct and indistinct vision, 1738) fut le premier à appeler l'attention, ont été étudiés par Buffon (Mémoires de l'Académie des sciences [de Paris], 1743) et par Mairan (même volume). Notre compatriote Joseph Plateau en a fait l'objet d'un savant examen (A. Quetelet et Verhulst, Traité de la lumière de John Herschel, traduit de l'anglais, t. II, additions).

. Schwankende Gestalten,

Die frühe sich einst dem trüben Blick gezeigt.

nombre une terreur semblable à celle que les souches et les ombres inspiraient à ce faon effaré dont parle un poëte italien 1.

Les couleurs accidentelles n'attendent pas, d'ailleurs, l'obscurité pour se produire. Ce sont elles qui, à la lumière d'une chandelle, se superposant aux teintes véritables, changent les couleurs apparentes des objets. Ce sont elles qui entourent l'image des flammes d'une étroite bordure, affectée de la teinte complémentaire. Quand on a devant soi pendant quelque temps un papier blanc, les couleurs de tout ce qu'on aperçoit en levant les yeux sont notablement assombries, car la rétine est couverte de la teinte complémentaire du papier, qui est nécessairement une teinte foncée. Le peintre anglais Reynolds, ardent admirateur des œuvres de Rubens, a fait la remarque qu'à son second voyage sur le continent les tableaux de ce grand maître lui parurent moins profondément colorés que la première fois. C'est qu'à sa première visite il prenait des notes et reposant à chaque instant les yeux sur le papier, il avait la pupille resserrée et la rétine assombrie. Les couleurs brillantes, comme les rouges et les jaunes, sont alors particulièrement affectées et foncées 2. Ainsi tout est influencé de moment en moment, toute la vision est modifiée : il devient extrêmement difficile de porter des jugements justes et sûrs.

Ces apparences sont gouvernées, il est vrai, par des lois physiques. Qu'on ne croie pas cependant qu'il soit

1 L'Arioste, Orlando furioso, cant. I, st. 34.

2 Cet exemple est rapporté et commenté par Ch. Bell, The hand, p. 326.

toujours aisé d'en tenir compte dans tous les détails. La formation des images est soumise à une foule d'influences pour lesquelles la science de l'optique n'a pas toujours toute prête une explication. Prenons, par exemple, le télescope, cet appareil de vision auquel nous venons d'appliquer notre rétine comme si c'était devant une pupille plus large et un cristallin plus puissant. Suivons attentivement ce qu'on appelle une occultation. Quand la lune rencontre une étoile par son bord éclairé, l'étoile paraît parfois pendant quelques secondes à travers la lune, c'est-à-dire après que le bord de ce globe a recouvert le point lumineux.

Les astronomes ont discuté pendant plus 'un siècle1 pour savoir si cet effet était entièrement i usoire, et, dans cette hypothèse, pour décider ce qui le causait. Car lorsque deux lumières s'approchent, bien loin d'empiéter l'une sur l'autre, elles se resserrent à leurs plus justes dimensions 2. Tandis que dans les occultations on voit les deux objets se superposer, on suit l'étoile qui pénètre à l'intérieur du disque lunaire, on l'aperçoit (en apparence du moins) à travers les masses épaisses de rochers dont notre satellite se compose comme si, du haut de nos tours, nous pouvions voir le soleil avant

1 La Hire s'était déjà occupé de ce sujet, dans les Mémoires de l'Académie des sciences (de Paris), 1699; et South en a fait l'objet d'une étude historique et théorique, dans les Memoirs of the Astronomical Society of London, vol. III (1829).

2 Nous voulons parler de la diminution de l'irradiation lorsque deux images s'approchent. Voyez, à ce sujet, le mémoire sur l'Irradiation, de Jos. Plateau, dans les Nouveaux Mémoires de l'Académie de Belgique, t. XI.

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