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objets sont petits et ne font pas une vive impression, cette belle image du microcosme a été généralement négligée. Il faut descendre jusqu'au xve siècle pour trouver la première mention des combats de fourmis, et c'est le pape Pie II, Æneas Sylvius Piccolomini, qui l'a faite 1.

§ 12. LES CATACLYSMES.

Les ébranlements violents de la matière ont été regardés par les poëtes comme des témoignages de puissance. Partant des phénomènes les plus simples et les plus vulgaires, l'imagination s'est élevée insensiblement à des conceptions plus frappantes. D'abord on nous montre les feuilles et les fruits hachés par la grêle 2, les vagues et les vents déchaînés 3, le torrent gonflé par les pluies ou par la fonte subite des neiges 5. Puis c'est le chêne qui tombe sous les efforts de la tempête, en entraînant avec lui ses voisins. C'est la foudre qui répand avec elle l'incendie, la foudre qui porte le feu, πuрpорós neрpauvós de Pindare. Le spectacle d'un puissant orage est un des plus imposants. Dans Ho

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1 Mouffet, Insectorum sive minimorum animalium theatrum, p. 242.

2 Le Tasse, Gerusalemme liberata, cant. XI, st. 48.

* Ibid., cant. IV, st. 18; Dante, Inferno, cant. V, v. 28; Arioste, Orlando furioso, cant. XVIII, st. 54.

Arioste, Orlando furioso, cant. XXXVII, st. 109. Ercilla, La Araucana, cant. XI, v. 521.

Le Tasse, Gerusalemme liberata, cant. XX, st. 13 et 75. • Ibid., cant. IX, st. 39.

mère, Jupiter, en fronçant les sourcils, fait trembler l'univers 1. Cette image a depuis été reproduite bien des fois. Il est même piquant de remarquer qu'aucune autre, destinée à peindre les mêmes effets, n'a été adoptée plus tard. L'imagination était-elle déjà épuisée? La science, au contraire, aurait plus d'un phénomène à rappeler ici.

Nommons d'abord les tremblements de terre, dans lesquels une secousse violente se propage, en s'affa blissant, à des distances parfois immenses. Ainsi le fa meux tremblement de terre de Lisbonne, en 1755 f. ressenti jusqu'en Norvége. En 1803, une seccase s'étendit depuis Alger jusqu'à Moscou. Et Ammet Marcellin parle d'un de ces phénomènes, arrish wins A règne de Valentinien I, qui embrassa toute lett du monde connu des Romains. Les expects A plus terribles de nos poutrières, comme che ce La Corogne, par exemple, parviennent à peine à faire trembler le sol d'un canton.

Les masses remuées par la force souterraine sont, au contraire, immenses. Mais on s'en fait peut-être une plus juste idée lorsque, au lieu de constituer seulement des couches terrestres, ces masses forment des mOLVAgnes dont le volume est plus sensible à l'œil. Pline rapporte que, dans un tremblement de terre, deux puissantes éminences, voisines de la ville de Manutensis, en

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1 Homère, Ilias, lib. I.

* Virgile, Eneis, lib. IX; Milton, Paradise lost, bk. II, v. 351. 3 Ammien Marcellin. Historia, lib. XXVI, cap. 14. Ce tremblement de terre a dú arriver en 305 ou 306.

Italie, ont été jetées l'une vers l'autre et sont venues s'entre-choquer 1.

D'autres fois il arrive que toute la partie supérieure du sol se déplace, glissant sur les couches sous-jacentes, et comme détachée du reste par l'impulsion. On a des exemples de transports de champs et de maisons à plus d'un kilomètre de distance. C'est le transport même qui, dans ce cas, préserve les édifices, car si le sol fût demeuré en place, les murs auraient été lancés loin de leurs fondations. On cite notamment des exemples arrivés dans la Calabre en 1783, et près de Rio Bamba (Equateur) en 1797 2. Dans le tremblement de terre qui a déterminé la chute des parties supérieures de l'Ararat, en juin 1840, on a vu des villages entiers glisser avec le sol qui les portait. Les anciens prétendaient que la ville de Polisthena avait été portée tout d'une pièce, sans dommage notable, jusqu'au bord d'un profond ravin.

Sur les flots, la secousse fait une impression toute particulière, frappant en quelque sorte les navires comme s'ils avaient talonné. Puis, lorsque la vague produite dans les eaux par le tremblement du fond atteint au rivage, sa hauteur et sa puissance sont parfois terribles. On la voit venir comme une montagne; elle envahit la côte, s'y brise, et en se retirant lave et entraîne tout avec elle. Dans le tremblement de terre du Chili du 20 février 1835, cette vague accourait vers le rivage, dressée comme un mur de 10 mètres de haut.

1 Pline, Historia naturalis, lib. I, cap. 83.

2 Alex. de Humboldt, Cosmos, trad. de Faye, t. I, p. 230. • L'Institut, Ire sect., IXe année, p. 116.

A Tacahuano, elle pénétra à peu près de 200 mètres dans les terres, emportant dans sa retraite les constructions. Elle retourna comme une plume une pièce de vingt-quatre en position sur le rivage et si lourde que depuis plus d'un siècle on avait hésité à y toucher. C'est dans une circonstance analogue que de vingt-cinq vaisseaux à l'ancre dans le port de Callao, vingt et un furent retrouvés, après la retraite de la vague, à plusieurs kilomètres dans l'intérieur. Les tremblements sous les mers et dans leurs eaux peuvent d'ailleurs s'étendre à de bien grandes distances, puisque la secousse de la côte du Chili, du 7 novembre 1837, fut ressentie à travers le Pacifique jusqu'aux îles des Navigateurs.

Mais malgré leur puissance, les tremblements de terre donnent à peine une idée des grands mouvements que le sol a subis durant les anciennes périodes géologiques. Il est vrai que ces mouvements n'ont pas toujours été brusques; quelques-uns cependant portent les traces de catastrophes instantanées. Il y a à la Jamaïque plusieurs échancrures dans les montagnes qui se sont formées à l'époque des tremblements de terre, quelquefois peut-être depuis l'origine de la colonisation. C'est ainsi que le cours de la rivière Hope a été transporté de la plaine de Liguanea, où l'on prétend qu'elle coulait encore, il y a deux siècles, dans la vallée d'August-Town, qui a trois cents mètres de profondeur 2.

'Gilliss, Expedition to the Southern hemisphere, vol. I, p. 101. 2 Memoirs of the geological survey of the West Indies, vol. II, p. 100.

La fente sous la cascade de Cane River, à quelques lieues de Kingston, n'est pas plus large qu'une de nos rues 1. Elle est ouverte dans des masses de calcaire qui restent nues des deux côtés, semblables aux déchirements de murailles gigantesques. Les angles saillants et rentrants se correspondent; tellement que si l'on avait le pouvoir de ramener ces masses l'une vers l'autre, le sol se refermerait exactement comme une maçonnerie traversée d'une crevasse dont on rapproche par une ancre à écrou les deux tronçons 2. Cette fente étroite est si profonde, que la flèche tout entière de la cathédrale d'Anvers s'y trouverait complétement cachée. Dans quelques anfractuosités des parois, des arbres, semés par les vents ou par les oiseaux, ont poussé, dans les positions les plus inattendues et les plus capricieuses. Inclinés, à peine enracinés dans la pierre, ils semblent menacer d'une hauteur immense le voyageur qui passe au fond de la crevasse, et qui ne voit le ciel que comme un ruban d'azur. Quelle puissance n'at-il pas fallu pour ouvrir, d'un seul effort instantané, cet étau de quatre kilomètres de long? On peut s'en faire une idée en songeant à celle qui serait nécessaire pour le refermer.

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Les quebradas» des Cordillères sont des fentes de la même espèce, si étroites que souvent les mulets peu1 Memoirs of the geological survey of the West Indies, vol. II, p. 89.

2 Une crevasse assez large pour qu'un homme pût y passer, qui avait été ouverte par un tremblement de terre dans une des murailles de la cathédrale de Lausanne, fut très-exactement refermée par un autre tremblement arrivé bien des années plus tard.

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