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gent, avant que le grand cadran étoilé ait accompli une révolution.

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§ 10. LES GRANDS NOMBRES.

Nous venons de parler des grands espaces et des grandes durées; mais l'esprit est également frappé par la multiplicité des objets semblables. Les poëtes ont cherché des comparaisons pour nous donner l'idée de nombres immenses. Ils ont eu recours dans ce but à différentes images, dont plusieurs ont été souvent répétées. Je rappellerai ici les principales. Parmi celles empruntées au monde inanimé, figurent les flocons de neige et les gouttes de pluie 2, les vagues de la mer 3, les grains d'un nuage de poussière. Milton prend tour à tour pour comparaison le nombre des gouttes de rosée et celui des astres de la nuit . La nature organique fournit l'exemple des feuilles d'automne qui jonchent les ruisseaux de Valombreuse. Homère revient plusieurs fois à l'analogie des troupes de grues et de cygnes 7. Virgile recourt à la fourmilière ; Ercilla cite les nuées de corbeaux, et Milton les sauterelles

1 Homère, Ilias, lib. XII.

2 Virgile, Georgica, lib. IV, v. 312.

3 Ibid., lib. II, v. 108.

Ibid., lib. II, v. 106.

5 Milton, Paradise lost, bk. V.

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"Vallombrosa Milton, Paradise lost, bk. I.

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7 Homère, Ilias, lib. II.

Virgile, Eneis, lib. IV, v. 402.

9 Ercilla, La Araucana, cant. VI, v. 201.

d'Egypte 1. Mais l'essaim d'abeilles paraît avoir été le modèle préféré. Homère y revient à différentes reprises. Il appelle cette multitude les bataillons. serrés des abeilles », ἔθνεα μελισσάων αδινάων, et Vir gile fait aussi de cet exemple une comparaison favo

rite 3.

Il ne nous semble pas cependant qu'aucune de ces images parle bien vivement à l'esprit. Ce sont, sans nul doute, des exemples de grands nombres; mais si ce sont des exemples connus de tous et, pour ainsi parler, vulgaires, ce ne sont pas pourtant les mieux adaptés à leur objet ni les plus frappants. Il existe ici, dans le choix d'images convenables, une difficulté toute particulière. Il s'agit de produire sur l'esprit l'impression de la multiplicité, et, par conséquent, de représenter la masse non pas comme un vaste corps, mais comme l'agrégat d'un nombre prodigieux d'unités. Ce n'est pas le total qu'il faut montrer à l'œil comme un ensemble, c'est sa décomposition en individus. Ce n'est pas le nuage de poussière, ce sont les innombrables grains. Il faut, en effet, trouver une masse dans laquelle les unités ne s'agglomèrent pas complétement entre elles, mais restent au contraire séparées, pour produire chacune leur impression à part. Il faut en même temps. que l'on distingue d'un coup d'œil cette masse tout

entière.

Aussi ne réussit-on pas à donner une idée des grands nombres par l'exemple des amas prodigieux d'êtres

1 Milton, Paradise lost, bk. I.

2 Entre autres, Ilias, lib. II.

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Voyez particulièrement Virgile, Æneis, lib. VI, v. 708.

gent, avant que le grand cadran étoilé ait accompli une révolution.

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§ 10. LES GRANDS NOMBRES.

Nous venons de parler des grands espaces et des grandes durées; mais l'esprit est également frappé par la multiplicité des objets semblables. Les poëtes ont cherché des comparaisons pour nous donner l'idée de nombres immenses. Ils ont eu recours dans ce but à différentes images, dont plusieurs ont été souvent répétées. Je rappellerai ici les principales. Parmi celles empruntées au monde inanimé, figurent les flocons de neige et les gouttes de pluie 2, les vagues de la mer 3, les grains d'un nuage de poussière. Milton prend tour à tour pour comparaison le nombre des gouttes de rosée et celui des astres de la nuit . La nature organique fournit l'exemple des feuilles d'automne qui jonchent les ruisseaux de Valombreuse ". Homère revient plusieurs fois à l'analogie des troupes de grues et de cygnes 7. Virgile recourt à la fourmilière ; Ercilla cite les nuées de corbeaux, et Milton les sauterelles

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microscopiques qui foisonnent de toutes parts sous nos pieds. Le champ d'un microscope est extrêmement borné; les objets y sont amplifiés, nous n'en voyons que quelques-uns à la fois, et c'est seulement par un travail de la pensée, c'est par un calcul fait après coup, que nous estimons ces multitudes. C'est par déduction qu'on cite les deux mille millions de diatomées fossiles qui composent un centimètre cube de tripoli de Bilin 1, ou les onze cent cinquante millions de globules contenus dans un pareil volume de notre sang 2. Mais dans ces deux cas, il n'y a pas d'impression directe produite

sur nous.

L'exemple des grains de sable du rivage convient pour les explications des mathématiciens. C'est celui qu'Archimède a choisi dans le traité célèbre où il s'occupe de la numération des nombres très élevés. Mais déjà les grains qui sont à nos pieds sont trop petits pour qu'on les distingue individuellement. Une plage de sable nous paraît toujours comme une nappe, c'està-dire comme une unité; nous n'en apercevons pas les éléments constituants. Nous ne pouvons la décomposer dans ces éléments qu'à l'aide d'un effort de la pensée, mais non directement par les sens. Il y a donc simplement une convention, mais rien qui fasse sur la vue l'impression désirée, quand Milton ou le Tasse parlent

1 Ehrenberg, cité par Alex. de Humboldt, Cosmos, trad. de Faye, t. I, p. 170.

2 Huxley, Elements of physiology, chap. III, sect. 2. Dans ces deux exemples, nous avons rapporté les données aux mesures métriques.

Archimède, De numero arenæ.

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