Imagens da página
PDF
ePub
[graphic]
[graphic][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed]

plus de même; ils se produisent par substitution. Pendant que de nouveaux châteaux s'élèvent, une partie des anciens s'écroulent. Il y eut une époque, par exemple, où un nombre immense d'hommes croyaient à l'existence des follets. Je choisis cette fable, parce qu'elle ne nous reporte pas en arrière de plus de sept ou huit générations.

Le follet ou kobold était, à cette époque, l'hôte de toutes les bonnes maisons; il venait la nuit s'occuper des différents détails du ménage. Il rendait mille petits services, et se trouvait presque en rapport immédiat avec les personnes du logis. On l'entendait manier le moulin ou le balai, et parfois même il n'échappait pas entièrement à la vue. Les suivantes des grandes dames, dit Reginald Scott, avaient coutume de préparer pour lui une jatte de lait, afin de le récompenser de ses peines à moudre la farine ou la moutarde et à balayer la maison à minuit. Son pain blanc et son lait lui servaient de payement régulier 1. Il fallait une croyance bien profonde et bien répandue pour établir ces relations en quelque sorte intimes avec le follet.

Au xvi siècle, c'était encore une des superstitions communes. Aujourd'hui, au contraire, on trouverait d'autres croyances en vogue, mais il n'y aurait plus qu'une minorité presque imperceptible pour soutenir l'existence des follets.

Si la croyance aux revenants n'est pas entièrement dissipée, on peut dire qu'elle a également bien décliné.

1 Reginald Scott, Discovery of witchcraft, p. 66. Voyez aussi Keightley, Fairy mythology, art. Kobold.

Aucune fiction n'a été pourtant plus commune dans les divers temps de l'histoire, ni, dans un certain sens, plus générale dans tous les pays et chez toute espèce de nations. Johnson la prend habilement pour exemple dans son Rasselas, le «Candide » de la littérature anglaise, mais avec un sens moral différent. Il y applique, avec toute la finesse de son esprit, le raisonnement ou, si l'on veut, le sophisme qui s'appuie sur cette prétendue universalité.

66

[ocr errors]

66

« Si les apparitions, dit l'un des personnages, sont le seul objet de votre frayeur, soyez rassuré : il n'y a rien à craindre des morts; celui qui est enterré ne revient plus. A quoi l'Abyssin fait la réponse suivante. « Que les morts ne reviennent pas, dit Imlac, c'est ce que je n'aurais pas la témérité de soutenir contre le témoignage concordant et invariable de tous les siècles et de toutes les nations. Il n'y a pas de peuple, fût-il grossier ou lettré, chez lequel on n'ait enregistré des apparitions et qui n'ajoute foi aux revenants. Cette opinion, qui s'étend partout où il y a des hommes, n'a pu devenir universelle que grâce à sa vérité. Ceux qui n'ont jamais eu de relations entre eux ne se seraient pas accordés sur une assertion que l'expérience seule peut faire accepter. Si quelques ergoteurs isolés en doutent, cela ne peut affecter le résultat général, et parmi ceux dont la bouche nie ce phénomène, combien lui rendent témoignage par leurs frayeurs!

[ocr errors]

C'était là tirer un habile parti d'un accord qui avait incontestablement une certaine extension. Pourtant cette opinion, à un certain moment si répandue, cette opinion partagée par tant de peuples divers et dans

chaque peuple par tant d'individus, où faut-il la ranger aujourd'hui? Déjà du temps de Johnson, elle perdait très-notablement de ces caractères; nous le montrerons, d'après cet écrivain lui-même, à la page qui suit. Mais depuis lors, combien sa chute s'est accélérée! Dans le domaine du rêve, on remplace ou l'on démolit. Dans la science, au contraire, on ajoute sans cesse. Le tableau du réel se distingue ainsi par deux caractères : sa permanence et son universalité.

§ 28. DÉFAILLANCE DU RÊVE.

Lorsqu'on songe combien la croyance aux revenants était encore répandue pendant le moyen âge, on est à bon droit étonné des difficultés que l'on trouva un peu plus tard à l'appuyer de faits. Il nous semble, à entendre les chroniqueurs et les poëtes, qu'à une certaine époque tout le monde avait l'expérience directe des apparitions. Dans des temps plus récents, les hommes sérieux n'en parlent que par ouï-dire. Et quand on arrive au XVIIIe siècle, les investigateurs candides, ceux mêmes favorables à cette croyance, ne trouvent plus que des exemples extrêmement rares, comme s'il se fût agi d'une fumée qui se dissipe lorsqu'on veut la

saisir.

Ainsi quand, en 1772, Johnson et Goldsmith discutaient avec leurs amis la réalité de ces apparitions auxquelles ils croyaient tous les deux, ils ne pouvaient apporter chacun qu'un seul exemple et seulement sur la foi d'autrui. Johnson tenait de l'imprimeur Ed. Cave que celui-ci avait vu un soir une ombre passer; il n'aimait

« AnteriorContinuar »