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fçait que ces coups dont Dieu a frappé nos Eglifes, ont inondé ces Provinces d'une multitude innombrable de malheureux, qui n'ont pour reffource que la charité de nos Souverains. Cette charité fera à jamais la matiére de notre reconnoiffance. Elle réjaillit, non feulement fur ceux qui y font compris, mais fur le refte de ces exilez, qui voyent avec un vif reffentiment le bien que l'on fait à leurs freres. Mais malheur à vous, fi la charité de cet Etat fourniffoit des pretextes à votre dureté, et fi les Aumones publiques étoient des obftacles aux Aumones: particuliéres. Apprenez donc qu'outre ces pauvres que nous venons d'indiquer, il y en a un grand nombre qui n'ont point de part à la bénéficence de nos Souverains. Cette Eglife en a qui lui font particuliers. Outre une infinité d'occasions qui fe préfen tent tous les jours, outre mille cas extraordinaires, outre cette foule d'indigens qu'elle n'affifte qu'en passant; elle entretient plufieurs centaines de Familles, dans lesquelles il fe trouve des enfans, des malades, des vieillards, des morts, et des mourans, qui coûtent après leur mort pour leur fepulture; comme ils ont couté pendant leur vie, pour leur fubfiftance. On pourvoit à ces befoins réguliérement chaque femaine, foit qu'il y ait des fommes, foit qu'il n'y en ait pas: au defaut de vos charitez, nos Diftributeurs affiftent les pauvres de leur bien, comme ils les affiftent de leur peine. Car différeroient-ils de payer les penfions promifes? S'ils différoient d'un feul jour, il faudroit que le pauvre manquât de pain pendant ce jour-là. Il faudroit que le mourant expirât fans fecours. Il faudroit que le mort demeurât fans fepulture, et qu'il infectât, par fa puanteur, ceux qui l'assistérent pendant fa vie.

Elle n'a

Cependant quelque avance que l'on faffe, quelque exactitude qu'on apporte, quelque grandes que foient vos charitcz, les fonds de cette Eglife ne fçauroient fuffire aux befoins de tous ces pauvres. Que dis-je, les fonds de cette Eglife? Elle n'en a aucun. d'autre reffource, que ce qu'on recueille de vos charitez aux portes de ce Temple, que les legs de quelques perfonnes pieufes, que ce qui revient des collectes. Cela même eft épuifé, et plus qu' epuifé. (Nos Diftributeurs font en arriére,) et n'ont d'autre efperance, que dans

les

les efforts que vous ferez aujourd'hui, ou Mécredi prochain, dans la collecte que je vous annonce. Vous demanderez fans doute, comment fubfiftent donc tous ces pauyres? Car il est très vrai qu'ils fubfiftent, et que perfonne ne meurt de faim. Comment ils fubfiftent? Pouvez-vous l'ignorer? Ils fouffrent : ils pleurent: ils gémiffent: ils tombent de la faim dans la maladie. Les maladies augmentent leurs befoins: leurs befoins auginentent leurs maladies. Ils font la victime d'une mort d'autant plus cruelle, qu'elle eft plus lente; et cette morte crie vengeance au Ciel contre ceux qui leur ont fermé leurs entrailles.

Mes Fréres, de quel oeil envifagerez-vous ces chofes? Quels effets produifent fur vous ces triftes objets? Verriez-vous fans compaffion les miféres de vos Fréres? Entendriez vous fans pitié Jefus - Chrift qui vous demande du pain? Et tous ces coups, que nous venons de frapper à la porte de vos coeurs, ne ferviroient-ils qu'à en faire connoître la durété, et qu'a vous rendre plus condamnables?

Nous ne ceffons de nous plaindre que nos Sermons font inutiles, que nos exhortations font fans fruit, que notre miniftére ne produit ni lumiére dans votre efprit, ni fentiment dans vos coeurs, ni changement dans votre conduite. Vous vous plaignez à votre tour; vous dites que l'on declame: vous foutenez qu'on exagére; et comme le fondement, ou la nullité de nos plaintes, depend d'une difcuffion dans laquelle il eft impoffible d'entrer, la queftion demeure indécife.

Vous pouvez Mes Fréres, aujourd'hui, et Mecredi prochain, faire votre Apologie. Vous pouvez donner une preuve certaine que vous n'êtes pas infenfibles aux foins que Dieu prend pour votre falut. Vous pouvez nous faire le plaifir de nous confondre dans nos reproches, et de leur impofer filence. Voici nos befoins expofez. Voici nos mains tendues pour foliciter vos charitez.

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Et ne vous retranchez pas fur ce que vous avez déja fait; ne vous recriez point fur nos importunitez; ne dites pas que les miféres font éternelles, que les befoins des pauvies font fans fin, Mais pluftôt que vos charitez

paffées

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paffées vous fervent de puiffans motifs à des charitez nouvelles. Servez-vous à vous-même de modéle. Suivez votre propre exemple. Penfez que ce qui fait la gloire de cet Etat, et de cette Eglife, ce que Jefus-Chrift louera au dernier jour, ce qui vous confolera au lit de la mort, ce ne feront point ces riches buffets qui brillent dans vos maifons, ces fuperbes équipages qui vous fuivent, ces mets exquis qui vous nourrillent; ce ne feront pas même ces exploits fignalez, et ces victoires fans nombre, qui font aujourd'hui l'étonnement de Univers, et qui le rempliffent de votre nom. Ce feront, ces fondations pieufes que vous avez faites; ce feront ces Familles que vous avez recueillies; ce feront ces exilez que vous avez reçûs dans votre sein.

Les miféres font éternelles, dites - vous: les befoins des pauvres font fans fin; et c'est ce qui vous rebute. Helas! N'eft ce point, au contraire, ce qui doit embrafer votre charité? Quoi! parceque les befoins augmentent, vos charitez diminueroient-elles? Quoi! parceque vós freres ne fe laffent point de porter la croix de Chrift, vous lafferiez-vous de les foulager? Les miféres font eternelles, dites-vous: les befoins n'ont point de fin; je vous entens, ce reproche nous touche de près. Mais en fommes-nous moins à plaindre, fi nous fommes toûjours miférables? Mais peut-être ne ferons nous pas toujours dans une condition fi triste. Peut-être Dieu aura-t-il compaffion de ceux qu'il a affligez *). Peut-être ce glaive flamboyant, qui nous pourfuit depuis vingt années, rentrera-t-il dans fon fourreau **). Peut-être que nous cefferons quelque jour d'être un peuple malheureux, errant fur la face de l'Univers, excitant le courroux des laffant la charité des autres. Peut-être que Dieu, pour recompen fer la charité, que vous avez temoignée en nous recueillant, vous donnera la gloire de nous rétablir, et qu'après avoir logé l'Arche captive, vous la ramenerez en Silo, avec chant de triomphe. Peut-être que fi nous concourons tous aujourd'hui à un même but, fi nous fommes tous unis par un lien de charité, fi nous fommes animez d'un feu fi beau, nous lui adreffons nos priéres, après lui avoir

uns,

*) Efaię 49., 13.

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avoir offert nos Aumônes; peut-être que nous réleverons les murs de notre Jérufalem; peut-être que nous rachéterons nos forçats. Peut-être, que, fi: Dieu veut que cette Egypte qui les renferme, foit à jamais le théatre de fa vengeance et de fa malediction, il en retirera les reftes de fon Ifrael avec force, à bras étendu, avec des vafes d'or, et d'argent, fans qu'il y refte pas même un angle *) de fon peuple, felon l'expreffion de Moyfe.

Après tout, qu'il vous fouvienne de la reflexion qué nous avons infinuée dans ce Difcours; c'est que fi Dieu vous demande vos Aumônes',' c'eft par un effet de fa bonté envers vous. Oui, je voudrois graver cette vérité dans votre ame, et ce fentiment dans vos coeurs. Je voudrois vous faire bien comprendre, que Dieu n'a pas befoin de vous pour l'entretien des pauvres, et qu'il a mille moyens en main pour leur fubfiftance. Je voudrois vous pouvoir bien convaincre, que s'il a voulu qu'il y eût des pauvres, c'a été par ce principe que nous avons marqué; ça été par un principe de grandeur, à laquelle je ne fçai quel nom il faudroit donner. Dans la difpenfation de fes autres graces, s'il vous rejouït par la magnificence de fes dons, il vous accable fous leur poids: aujourd'hui il veut vous devoir quelque chofe. Il veut devenir votre debiteur. Il fe fait pauvre, pour pouvoir être enrichi par vous. Il veut qu'on lui adreffe la prière que lui faifoit autre - fois le Prophéte**) : O Eternel, c'est à toi qu'appartient la magnificence et la majesté, tout ce qui eft aux Cieux et fur la Terre, eft de tes biens. Les richeffes et les honneurs viennent de toi. La vertu et la puiffance font en ta main. Main tenant donc, ô Dieu, nous te celebrons. Nous louons ton nom glorieux. Qui fommes nous? Qui eft ce peuple que nous avons le pouvoir de t'offrir ces chofes? Car après que nous les avons reçues de ta main, tu fouffres que nous te les préfentions, quoique nous foyons étrangers fur cette terre, quoique nous ne foyons que comme l'ombre devant toi.

Que des raifons fi preffantes, que de fi nobles motifs fe faffent jour à travers les coeurs les plus endurcis ;

que

*) Exode 10. 26.

**) 1 Chr. 29. 11. et fuiv.

que chacun fe les applique en particulier. Car il arrive pour l'ordinaire dans ces circonftances, que chacun fe repofe fur le public, et s'imaginant que fa charité particuliere ne fera rien fur la fomme totale, il fe difpenfe .de donner par cette raifon. Non, mes fréres, (il n'y a perfonne ici qui ne faffle nombre,) il n'y a perfonne qui ne doive fe confiderer comme le public, fi j'ose ainfi dire, et commé faifant en quelque forte toute l'affemblée. Il n'y a perfonne qui ne doive confiderer fa contribu tion comme décidant de l'abondance ou de la difette de notre collecte. Ainfi que chacun fe taxe. Que perfonne ne demeure en arriére, Qu'on voye une noble emulation au milieu de nous., Que le Grand donne des revenus de fes emplois; que l'homme de guerre donne de fes gages; que le Marchand donne du fruit de fon commerce; que l' Artifan donne du travail de fes mains; que le Pafteur confacre de ce que lui procurent fes méditations et fes études; que le jeune homme donne de fes plaifirs; que la femme mondaine donne de fes ornemens; que la péchereffe donne la boëte d'oignement*), qui etoit deftinée à des ufages profanes; que l'habitant de ces Provinces, donne de fon patrimoine; que le Refugié donne, qu'il ramaffe le debris de fon vaiffen fracaffé, et qu'il en allume un feu pour offrir des facri fices à ce Dieu qui l'a fauvé du naufrage.

Mes Fréres, je ne fçai quels mouvemens de joye me pénétrent et me transportent. Je ne fçai quels mouvemens de mon coeur me promettent, que ce Discours aura plus de fuccés que ceux que nous avons adreffez jusques à ce jour. Demandez avec hardieffe, Distributeurs de nos charitez. Venez dans nos maifons, benits de l'Eternel **), et recueillez les Aumones d'un peuple qui contribuera avec joye, et qui donnera même avec reconnoiffance.

Mais, Mes Freres, nous ne fommes pas encore contens de vous. Quand vous furpafferiez notre attente; quand vous donneriez tous vos biens; quand vous ne laifferiez plus de pauvres au milieu de vous, cela feul ne fçauroit fuffire. Nous vous demandons non feule

*) Matt, 26. 7.

*) Genese 24. 31.

ment

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