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le moment. Il faut pourtant permettre cette dsitraction passagère aux esprits occupés de la chose publique: il est encore heureux de pouvoir aujourd'hui miscere jucis seria.

SUR un Recueil intitulé: le Petit Chansonnier français.

La chanson a toujours été en vogue parmi nous, depuis Tacite, qui disait de nos ancêtres: Catilenis infortunia sua solantur; ils se consolent de leurs infortunes en chantant, jusqu'au cardinal de Retz qui commandait à Blot et à Marigny, suivant les circonstances, des couplets propres à opérer tel ou tel effet sur les esprits, et qui regardait le vaudeville comme un des ressorts de sa politique. Il nous connaissait bien. Tel ministre qui a résisté à une puissante cabale, n'a pu résister au ridicule d'un bon couplet.

Tout le monde sait que les fabliaux furent la première poésie de nos aïeux, et la naïveté qu'on y remarque n'a pas perdu tous ses charmes pour nous, malgré la dif

férence du langage. Henri IV fit des couplets très-jolis. Le bon goût de la cour de Louis XIV porta ce genre à sa perfection, 'comme tant d'autres. Il prit une tournure plus libre et moins délicate sous la régence; et depuis, la mode étant devenue générale de chanter ses amours et de chansonner ses ennemis, la galanterie et la satire ont produit une infinité de ces bagatelles plus ou moins heureuses, parmi lesquelles les amateurs éclairés se sont réservé la liberté de choisir.

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Le recueil qui paraît aujourd'hui après tant d'autres, et qui, ne formant qu'un petit volume, semblerait ne devoir contenir que des morceaux d'élite, est pourtant, comme tous les recueils qu'on a faits jusqu'ici, mêlé de bon et de mauvais; il n'en est pas moins d'un usage commode, et agréable.

Une des premières pièces est de Lafontaine: on l'y reconnaît surtout au refrein qui est gracieux; elle fut faite pour une petite fille de douze ans, qui lui avait adressé des couplets.

Paule, vous faites joliment

Lettres et chansonnettes;

Quelques grains d'amour seulement,
Elles seraient parfaites.

Quand ses soins au cœur sont connus,
Une Muse sait plaire.
Jeune Paule, trois ans de plus

Font beaucoup à l'affaire.

Vous parlez quelquefois d'amour,
Paule, sans le connaître;
Mais j'espère vous voir un jour
Ce petit dieu pour maître.

Le doux langage des soupirs

Est pour vous lettre close;
Paule, trois retours des zéphyrs
Font beaucoup à la chose.

Si cet enfant, dans vos chansons,
A des grâces naïves,
Que sera-ce quand ses leçons

Seront un peu plus vives?

Pour aider l'esprit en ces vers
Le cœur est nécessaire.
Trois printemps sur autant d'hivers
Font beaucoup à l'affaire.

Pourquoi les éditeurs, à qui l'on doit savoir gré d'avoir recueilli cette chanson de Lafontaine, n'y ont-ils pas joint celle qu'il a mise dans le roman de Psyché, et qui est un chef-d'œuvre?

Tout l'univers obéit à l'amour,

Jeunes beautés, soumettez-lui votre âme;

Les autres dieux à ce dieu font la cour,

Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme, Des jeunes cœurs, c'est le suprême bien;

Aimez, aimez, tout le reste n'est rien.

Sans cet Amour tant d'objets ravissans,
Lambris dorés, et jardins, et fontaines,
N'ont point d'appas qui ne soient languissans,
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines.
Des jeunes cœurs, c'est le suprême bien;
Aimez, aimez, tout le reste n'est rien.

Lafontaine met ces stances dans la bouche de l'Amour. Qui que ce soit des deux qui les ait faites, l'Amour ou Lafontaine elles sont dignes de leur auteur.

Le couplet suivant qui est anonime, est une imitation de ces vers charmans du Pastor fido, si souvent cités et si souvent traduits.

S'el peccat'è si dolce

E'l non peccar si necessario, o troppo
Imperfetta Natura

Che repugni a la legge!

O troppo dura legge

Che la Natura offendi!

De la Nature un doux penchant

Nous porte à la tendresse;

Et l'on dit que la loi défend

D'avoir une maîtresse.

Mais la nature est faible en soi,
Ou bien la loi trop dure.

Grands dieux! réformez votre loi
Ou changez la nature,

On connaissait déjà cette traduction beaucoup plus fidèle des vers de Guarini.

Sans doute, ou la nature est imparfaite en soi, Qui nous donne un penchant que condamne la loi, Ou la loi doit sembler trop dure,

Qui condamne un penchant que donne la nature.

L'abbé Pellegrin a resserré cette idée en un seul vers, dont le mouvement est très-beau, et dont le couplet qu'on vient de lire n'est qu'une paraphrase,

Dieux! changez la nature ou révoquez la loi.

On sera bien aise de trouver ici une chanson de M. Malézieux, homme dont l'esprit a été célèbre par les sociétés où il a vécu, et par les ouvrages où il est cité.

Trêve aux chansons, ne vous déplaise,
Je ne saurais boire à mon aise
Quand il faut arranger des mots.
Gardons, suivant l'antique usagé,
Farmi les verres et les pots,
La liberté jusqu'au langage.

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