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lorsque, dans leurs poëmes immortels, ils épuisoient sur ce sujet les trésors de leur imagination. Ces morceaux, lorsqu'on les relit, retrouvent ou réveillent dans nos cœurs le besoin des plaisirs simples et naturels. Virgile, dans ses Géorgiques, a fait d'un vieillard qui cultive au bord du Galèse le plus modeste des jardins, un épisode charmant, qui ne manque jamais son effet sur les bons esprits, et les ames sensibles aux véritables beautés de l'art et de la nature.

Ajoutons qu'il y a dans tout ouvrage de poësie deux sortes d'intérêt, celui du sujet et celui de la composition. C'est dans les poëmes du genre de celui que je donne au public, que doit se trouver au plus haut degré l'intérêt de la composition. Là, vous n'offrez au lecteur ni une action qui excite vivement la curiosité, ni des passions qui ébranlent fortement l'ame. Il faut donc suppléer cet intérêt par les détails les plus soignés, et la perfection du style le plus brillant et le plus pur. C'est là qu'il faut que la justesse des idées, la vivacité

du coloris, l'abondance des images, le charme de la variété, l'adresse des contrastes, une harmonie enchanteresse, une élégance soutenue, attachent et réveillent continuellement le lecteur. Mais ce mérite demande l'organisation la plus heureuse, le goût le plus exquis, et le travail le plus opiniâtre. Aussi les chefs-d'œuvres en ce genre sont-ils rares. L'Europe compte deux cents bonnes tragédies: les Géorgiques et le poëme de Lucrèce, chez les anciens, sont les seuls monumens du second genre; et, tandis que les tragédies d'Ennius de Pacuvius, la Médée même d'Ovide, ont péri, l'antiquité nous a transmis ces deux poëmes, et il semble que le génie de Rome ait encore veillé sur sa gloire, en nous conservant ces chefs-d'oeuvres. Parmi les modernes nous ne connoissons guère que les deux poëmes des Saisons, anglois et françois, l'Art poëtique de Boileau, et l'admirable Essai sur l'homme, de Pope, qui aient obtenu et conservé une place distinguée parmi les ouvrages de poësie.

Un auteur justement célèbre, dans une épître imprimée long-temps après des lectures publiques de quelques parties de cet ouvrage, a paru vouloir déprécier ce genre de composition. Il nous apprend que le sauvage lui-même chante sa maîtresse, ses montagnes, son lac, ses forêts, sa pêche et sa chasse. Quel rapport, bon Dieu ! entre la chanson informe de ce sauvage, et le talent de l'homme qui sait voir les beautés de la nature avec l'oeil exercé de l'observateur et les rendre avec la palette brillante de l'imagination; les peindre, tantôt avec les couleurs les plus riches, tantôt avec les nuances les plus fines; saisir cette correspondance secrète, mais éternelle, qui existe entre la nature physique et la nature morale, entre les sensations de l'homme et les ouvrages d'un Dieu; quelquefois sortir heureusement de son sujet par des épisodes qui s'élèvent jusqu'à l'intérêt de la tragé die, ou jusqu'à la majesté de l'épopée ! C'est ici le lieu de répondre à quelques critiques, au moins rigoureuses, qu'on a faites du poëme des Jardins. Peut-être est-il permis, après quinze

ans de silence, de chercher à détruire l'impression fâcheuse que ces critiques ont pu faire.

Les uns lui ont reproché le défaut de plan. Tout homme de goût sent d'abord qu'il étoit impossible de présenter un plan parfaitement régulier, en traçant des jardins, dont l'irrégularité pittoresque et le savant désordre font un des premiers charmes. Lorsque Rapin a écrit / un poëme latin sur les jardins réguliers, il lui a été facile de présenter dans les quatre chants qui le composent, 1.o les fleurs, 2.0 ́les vergers, 3.o les eaux, 4.0 les forêts. Il n'y a à cela aucun mérite, parce qu'il n'y a aucune difficulté. Mais dans les jardins pittoresques et libres, où tous ces objets sont souvent mêlés ensemble, où il a fallu remonter aux causes philosophiques du plaisir qu'excite en nous la vue de la nature embellie et non pas tourmentée par l'art; où il a fallu exclure les alignemens, les distributions symétriques, les beautés compassées; un autre plan étoit nécessaire. L'auteur a donc montré dans le premier chant l'art d'emprunter à la nature et d'employer heureusement les riches

matériaux de la composition pittoresque des jardins irréguliers, de changer les paysages en tableaux; avec quel soin il faut choisir l'emplacement et le site, profiter de ses avantages, corriger ses inconvéniens; ce qui dans la nature se prête ou résiste à l'imitation; enfin la distinction des différens genres du jardin et des paysages, des jardins libres et des jardins réguliers. Après ces leçons générales viennent les différentes parties de la composition pittoresque des jardins : ainsi le second chant a tout entier pour objet les plantations, la partie la plus importante du paysage. Le troisième renferme les objets dont chacun n'auroit pu remplir un chant sans tomber dans la stérilité et la monotonie tels sont les gazons, les fleurs, les rochers et les eaux.

Le quatrième chant, enfin, contient la distribution des différentes scènes majestueuses ou touchantes, voluptueuses ou sévères mélancoliques ou riantes; l'artifice avec lequel doivent être tracés les sentiers qui y conduisent; enfin ce que les autres arts, et particulièrement

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