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pour principe la sévérité dans l'éducation des enfans, et l'autre l'indulgence. Le mérite des Adelphes consiste en ce que l'intrigue est nouée de maniere que celui des deux jeunes gens qui a le plus de liberté, n'en abuse qu'en faveur de celui qui est élevé dans la contrainte. S'il enleve une fille à force ouverte dans la maison d'un marchand d'esclaves, c'est pour la remettre à son jeune frere, dont elle est aimée. Il arrive de là que l'instituteur rigoureux, qui oppose sans cesse la sagesse de son éleve aux désordres qu'il reproche à l'autre, joue sans cesse le rôle d'une dupe, et c'est là le comique. Moliere l'a fort bien saisi, et dans l'Ecole des Maris, le tuteur à verroux et à grilles est dupé continuellement par Isabelle, dont il vante la sagesse, tandis que Léonore, élevée dans les principes d'une liberté raisonnable, ne trompé pas un

moment la confiance de son tuteur. Mais l'on voit

aussi que le plan de Moliere remplit beaucoup mieux le but moral. Térence n'a fait qu'opposer un excès à un excès: si l'un des vieillards refuse tout à son fils, l'autre permet tout au sien : ce sont deux extrêmes également blâmables; et qu'Eschyne commette des violences et fasse des dettes pour son compte ou pour celui de son frere, sal conduite n'en est pas moins répréhensible. Il en

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résulte seulement que le vieillard trompé fait rire en s'applaudissant d'une éducation qui dans le fait n'a pas mieux réussi que l'autre; au lieu que Moliere, au comique de la méprise, a joint l'utilité de la leçon. Chez lui, le tuteur de Léonore est dans la juste mesure, et ne permet à sa pupille que ce qui est conforme à la décence. Il est récompensé par le succès, comme le tuteur tyran est puni par les disgraces qu'il s'attire: tout est dans l'ordre, et ce plan est parfait.

La plus faible des pieces de Térence est celle qui a pour titre Heautontimorumenos, mot grec qui signifie l'homme qui se punit lui-même. On voit encore ici un excès remplacé par un excès. C'est un pere qui a séparé son fils d'une courtisane qu'il aimait, et l'a forcé de s'éloigner: depuis tems il est au désespoir du départ de son fils; il s'est retiré à la campagne, où il se condamne aux plus rudes travaux. Ce chagrin peut se concevoir; mais dès que son fils est revenu, il devient le flatteur de ses passions et le complice de ses esclaves, dont il encourage les mensonges et les escroqueries toujours du trop. L'intrigue d'ailleurs roule sur une méprise à peu près semblable à celle des Adelphes, mais très-froide ici, parce qu'il n'y a personne à tromper.

Les six comédies que nous avons de Térence; étaient composées avant qu'il eût atteint l'âge de trente-cinq ans. Il entreprit alors un voyage en Grece, et périt dans le retour. Mais sur la durée de son voyage, sur l'époque et les circonstances de sa mort, on n'a que des traditions incertaines,

CHAPITRE VI I.

De la poésie lyrique chez les Anciens.

SECTION PREMIERE.

Des lyriques grecs.

ON convient que l'ode était chantée chez les Anciens. Le mot d'ode lui-même signifie chant. Je ne prétends point m'enfoncer dans des discussions profondes sur la lyre des Grecs et celle des Latins, sur l'accord de la musique, de la danse et de la poésie chez ces peuples; sur la strophe, l'antistrophe et la péristrophe, qui marquaient les mouvemens faits pour accompagner celui qui maniait l'instrument; sur la mesure des vers lyriques, sur cette liberté d'enjamber d'une strophe à l'autre, de maniere qu'un sens commencé dans la premiere, ne finissait que dans la seconde; sur la possibilité d'accorder ces suspensions de sens avec les phrases musicales et les pas des danseurs : toutes ces difficultés ont souvent exercé les savans, et plusieurs ne sont pas encore éclaircies. On peut se représenter l'histoire des arts chez les Anciens, comme un pays immense, semé de monumens et de ruines,

de chefs-d'œuvre et de débris. Nous avons mis notre gloire à imiter les uns et à étudier les autres. Mais le génie a été plus loin que l'érudition, et il est plus sûr que l'Iphigénie de Racine est au dessus de celle d'Euripide, qu'il n'est sûr que nous ayons bien compris la combinaison et les procédés de tous les arts qui concouraient chez les Grecs à la représentation d'Iphigénie,

D'ailleurs, les Anciens n'ont rien fait pour nous conserver une tradition exacte de leurs connaissances et de leurs progrès. Ils n'ont point pris de précaution contre le tems et la barbarie. Il semblait qu'ils ne redoutassent ni l'un ni l'autre, et peutêtre doit-on pardonner à ces peuples qui jouerent long-tems dans le Monde un rôle si brillant, d'avoir été trompés par le sentiment de leur gloire et de leur immortalité.

Les différences dans les mœurs, dans la religion, dans le gouvernement, dans la langue, ont dû nécessairement en amener aussi dans les arts que nous avons imités, et qui ont pris sous nos mains de nouvelles formes. Ainsi les mêmes mots n'ont plus signifié les mêmes choses. Nous avons continué d'appeler une action héroïque, dialoguée sur la scene, du nom de tragédie (qui signifie chanson du bouc, parce qu'autrefois un bouc en était le prix), quoique nos tragédies ne soient plus chantées,

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