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monde. Il n'est pas étonné qu'elle en ait fait un mystere, parce qu'il sait que l'époque où ses froideurs ont cessé, et où il a commencé à vivré avec elle, ne peut s'accorder légitimement avec la naissance de l'enfant. Il gémit d'être forcé de la juger coupable, et se résout dans sa douleur à ne la plus revoir. Mais ses parens et ceux de Philumene, qui ne sont pas dans le secret du lit conjugal, ne conçoivent rien à cette conduite de Pamphile, et s'imaginent que son éloignement pour sa femme n'a d'autre cause qu'un renouvellement d'amour pour Bacchis, cette courtisane qu'il aimait auparavant. Les deux peres prennent le parti de la faire venir, et de lui représenter le tort qu'elle se fait, et les dangers où elle s'expose, en brouillant ainsi un fils de famille avec son épouse. Bacchis proteste que depuis le mariage de Pamphile elle n'a voulu avoir aucun commerce avec lui. On lui demande si elle osera bien affirmer ce fait en présence de Philumene et de sa mere. Elle y consent, et cette entrevue éclaircit tout, et amene le dénoûment dont on est instruit par un récit. La mere de Philumene reconnaît au doigt de Bacchis la bague de sa fille, cette même bague que Pamphile avait arrachée du doigt de la jeune personne à qui, peu de tems avant son mariage, il avait fait violence dans l'ivresse

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et dans la nuit. C'était Philumene elle-même, qui n'avait fait confidence de son malheur qu'à sa mere; et sa mere ne pouvant pas prévoir ce qui se passa entre sa fille et Pamphile, et croyant que le mariage couvrirait cette fatale aventure en avait gardé le secret.

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Il est à remarquer que cette piece, dont le fond offrait peut-être plus d'intérêt que toutes les autres du même auteur, est très froidement traitée. Philumene ne paraît point sur la scene: son état ne serait pas une raison pour Térence; car rien n'était plus facile que de la supposer accouchée en secret chez sa mere, peu de tems avant le retour de Pamphile. Bacchis ne paraît que pour l'éclaircissement de l'intrigue ces deux personnages étaient ceux qui auraient pu y répandre le plus d'intérêt. Tout se passe au contraire en scenes de contestation entre les deux beaux-peres et la belle-mere; scenes inutiles et ennuyeuses. Cette piece est celle qui justifie le plus le reproche que l'on a fait à Térence, de manquer de force dramatique.

Brueys et Palaprat ont emprunté de l'Eunuque leur Muet, dont la représentation est agréable et gaie. On se doute bien que la piece française est plus vivement intriguée que celle de Térence. Les comédies de l'ancien théâtre n'ont pas assez

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de mouvement et d'action, et c'est un des avantages que le nôtre s'est appropriés. La situation d'un jeune homme amoureux, introduit chez celle qu'il aime, à titre de muet, fournit nécessairement des jeux de théâtre d'un effet comique. Le Chérea de Térence, introduit en qualité d'eunuque dans la maison d'une courtisane, où loge une jeune fille dont il vient de devenir amoureux en la voyant passer dans la rue, et qu'il viole un moment après, ne prouve que l'extrême liberté des mœurs théâtrales chez les Anciens. Le viol est chez eux un moyen dramatique assez fréquent. Ce qui peut les excuser, c'est que les lois n'accordaient aucune vengeance de cet outrage aux filles qui n'étaient pas de condition libre. Dans l'Eunuque de Térence, celle qui a éprouvé les violences de Chérea, est reconnue à la fin pour être citoyenne, et il l'épouse.

Ce qui nous paraîtrait bien plus étrange, et ce qui tient aussi à cette disparité de mœurs, qu'il faut soigneusement observer dans les comparaisons du théâtre ancien et du nôtre, c'est le singulier marché conclu dans cette même piece, entre Phadria, l'amant de la courtisane Thaïs, et le capitaine Thrason son rival. Thaïs demande ingénûment à Phædria qu'elle aime, qu'il veuille bien céder Cours de littér. Tome II.

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la place, pendant deux jours, au capitaine qui lui a promis une jeune esclave qu'il a achetée pour elle, et qu'elle voudrait rendre à ses parens. L'intention est bonne, mais la proposition nous semblerait un peu extraordinaire; cependant Phadria y consent. Il fait plus : à la fin de la piece, un parasite, ami du capitaine, représente au jeune amant de Thaïs que ce capitaine est riche, qu'il aime la dépense et la bonne chere, que Thaïs aime aussi l'une et l'autre, et il conseille à Phædria, qui n'a pas les moyens de subvenir à tout, de consentir au partage avec le capitaine, et Phædria y consent. Il s'est montré cependant fort amoureux et est fort jaloux pendant toute la piece; mais c'est que les mœurs de ces peuples ne permettant guere aux jeunes gens d'autres amours que celles des courtisanes, il y entrait nécessairement plus de débauche que de passion; et cela seul explique combien nos mœurs sont plus favorables à l'intérêt dramatique, que celles des Grecs et des Romains.

Les auteurs du Muet ont emprunté à Térence ses plus heureux détails; mais c'est ici que l'original prend sa revanche : les imitateurs sont bien loin d'égaler sa diction et son dialogue.

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surpasser Térence, même dans cette partie, quand il lui fait l'honneur de l'imiter. On sait d'ailleurs combien, sous tous les rapports, notre Moliere est supérieur à tous les comiques anciens et modernes. Il a pris dans le Phormion de Térence le fond de l'intrigue de ses Fourberies de Scapin: içi c'est un valet fourbe qui dupe deux vieillards cré→ dules, et leur escroque de l'argent pour servir les amours de deux jeunes gens; là, c'est un parasite qui fait le même rôle, de concert avec un valet. Mais l'auteur français est bien au dessus du latin par la gaieté et la verve comique. C'est pourtant dans cette piece que Boileau lui reproche, et avec raison, d'avoir à Térence allié Tabarin. Moliere, en effet, y est descendu jusqu'à la farce, ce que Térence n'a pas fait; mais nous savons aussi que Moliere avait besoin de farces pour plaire à la multitude qu'il n'avait pas encore assez formée ; et dans cette même piece de Scapin, ce qui n'est pas de la farce est bien au dessus de la piece de Térence, et les scenes imitées du latin sont bien autrement comiques en français.

Il en est de même des Adelphes, quoique ce soit, après l'Andrienne, le meilleur ouvrage de l'auteur. Moliere, dans l'Ecole des Maris, a imité le contraste des deux freres, dont l'un a pour

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