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exclusive pour un seul objet. C'est ainsi qu'il a composé son Andrienne, qui a été transportée avec succès sur la scene française. Il n'y a pas chez lui un seul des caracteres bas qui s'offrent dans Plaute, pas une trace de bouffonnerie, nulle licence, nulle grossiéreté, nulle disparate. Des comiques anciens qui nous restent, il est le seul qui ait mis sur le théâtre la conversation des honnêtes gens, le langage des passions, le vrai ton de la nature. Sa morale est saine et instructive, sa plaisanterie de très-bon goût, son dialogue réunit la clarté, le naturel, la précision, l'élégance. Toutes les bienséances théâtrales sont observées dans le plan et dans la conduite de ses pieces. Que lui a-t-il donc manqué? Plus de force et d'invention dans l'intrigue, plus d'intérêt dans les sujets, plus de comique dans les caracteres. Mais est-il bien sûr que ce soit là ce que Jules César a voulu dire dans ces vers qu'on nous a conservés? « Et toi aussi, demi-Ménandre, tu es placé

parmi nos plus grands écrivains, et tu le mérites » par la pureté de ton style. Et plût au ciel qu'au » charme de tes écrits se joignît cette force comi» que qui t'était nécessaire pour égaler les Grecs, » et que tu ne leur fusses pas si inférieur dans cette partie ! Voilà ce qui te manque, Térence, et j'en ai bien du regret. »

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Quels étaient donc ces Grecs qui avaient cette force comique qui manquait à Térence ? et comment Térence n'était-il que la moitié de Ménandre? On sait qu'il prenait communément deux pieces de l'auteur gree pour en faire une des siennes; et comme il n'a jamais de duplicité d'action, il est vraisemblable que les pieces qu'il empruntait, étaient d'une extrême simplicité. Son exécution est en général forr bonne; il n'est faible que dans l'invention; et qui l'empêchait de profiter de celle des Grecs? Voilà une de ces questions que rendra toujours insoluble la perte que nous avons faite de tant d'ouvrages des Anciens.

Térence était né en Afrique, et fut élevé à Rome. Il faut qu'il y ait été transporté de trèsbonne heure, puisqu'il a écrit si parfaitement en latin, Afranius, poëte comique, qui eut de la réputation dans le même siecle, dit en propres termes: Vous ne comparerez personne à Térence. Quand il proposa son premier ouvrage, l'Andrienne, aux édiles qui étaient dans l'usage d'acheter les pieces pour les faire représenter dans les jeux publics qu'ils donnaient au peuple, les édiles, avant de conclure avec lui, le renvoyerent à Cécilius, anteur comique, à qui ses succès avaient donné en ce genre une grande autorité. Le vieux poëte était à table quand Térence, encore jeune et inconnu,

se présenta chez lui avec un extérieur fort peu imposant. Cécilius lui fit donner un petit siége près du lit où il était assis. Térence commença à lire. Il n'avait pas fini la premiere scene, que Cécilius se leva, l'invita à souper et le fit asseoir à sa table; et lorsqu'après le repas il eut entendu toute la piece, il lui donna les plus grands éloges : exemple d'équité et de bonne foi d'autant plus intéressant, qu'il est plus rare que les grands écrivains soient disposés à louer leurs rivaux et à aimer leurs successeurs.

Térence était esclave; Phedre le fabuliste le fut aussi. Plaute fut réduit à travailler au moulin : Horace était fils d'un affranchi. D'un autre côté, César et Frédéric ont cultivé les lettres; ce qui prouve qu'elles peuvent relever les plus basses conditions, et qu'elles ne dégradent pas les plus hautes.

Il fallait qu'on fût persuadé à Rome de cette vérité, même long-tems avant le siecle d'Auguste ; car Scipion et Lælius passerent pour avoir eu part aux comédies de Térence. Ce qui est certain, c'est qu'il fut honoré de l'amitié de ces grandshommes ; et ce qui est vraisemblable, c'est qu'ils l'aiderent de leurs conseils, et que leur bon goût lui apprit à ne pas suivre celui de Plaute.

S'il eut à se louer de Cécilius, il n'en fut

pas

de même d'un certain Lucius, vieux poëte dont il se plaint dans tous ses prologues, comme du plus ardent et du plus acharné de ses détracteurs. Ce Lucius traitait Térence de plagiaire parce qu'il traduisait les Grecs, et Térence lui répond: « Toutes nos pieces sont-elles autre chose que » des emprunts faits aux Grecs? » Il paraît que Lucius n'avait pas su emprunter avec autant de succès que Térence.

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Il ne fut pourtant pas toujours heureux au théâtre. Sa piece intitulée Hecyra, la Belle-Mere, ne fut pas achevée, parce qu'au milieu de la représentation on annonça un spectacle de gladiateurs, et que le peuple se porta en foule dans le cirque pour retenir ses places; ce qui obligea les comédiens de quitter la scene quand ils se virent abandonnés. Cette piece me paraît la plus intéressante de toutes celles de Térence, quant au sujet; car on y desirerait plus d'action et de mouvement. Mais la fable pourrait servir à faire ce qu'on appelle aujourd'hui un drame qui, s'il était traité avec art, serait susceptible d'effet. Voici quel est ce roman : Un jeune Athénien dans le désordre d'une de ces fêtes des Anciens, cù régnait une extrême liberté, sortant d'un repas au milieu de la nuit, et pris de vin, rencontre dans l'obscurité, et dans une rue détournée, une

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jeune fille, et lui fait violence. Il va chez une courtisane qu'il aimait beaucoup, et avec qui il vivait depuis long-tems, lui conte son aventure, et lui donne un anneau qu'il avait pris à cette fille. Quelque tems après son pere le marie. Toujours épris de sa maîtresse, il traite sa nouvelle épouse pendant deux mois avec une entiere indifférence. Elle souffre ses froideurs avec une douceur et une patience inaltérable, ne se plaint point, et ne songe qu'à lui plaire et à s'en faire aimer. Elle commence à faire d'autant plus d'impression sur lui, qu'il est plus mécontent de l'humeur de sa maîtresse, qui ne peut lui pardonner son mariage. Enfin, il y renonce absolument, et devient trèsamoureux de sa femme; cependant il est obligé de la quitter pour un voyage d'affaires. L'action de la piece commence au moment du retour de Pam phile, et tout ce que je viens d'exposer s'est passé dans l'avant-scene. A son arrivée, Pamphile apprend que Philumene (c'est le nom de sa femme) ne pouvant pas vivre avec sa belle-mere, s'est retirée depuis quelque tems chez ses parens; que dans ce même jour Sostrata (la mere de Pamphile) est allée pour rendre visite à sa brù, et n'a point été reçue chez elle. Il y va lui-même, et s'aperçoit que sa femme vient d'accoucher en secret, après avoir caché sa grossesse à tout le

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