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Mercure, celle où le dieu l'empêche d'entrer à l'instant où l'on va se mettre à table. On se doute bien d'ailleurs qu'il a fait tous les changemens, toutes les corrections que le goût peut indiquer, et que son dialogue est beaucoup plus châtié, plus précis, plus piquant que celui de Plaute. Mais il ne faut pas dissimuler que que les traits les plus heu reux appartiennent à l'original. Ce que Moliere a très-bien fait, c'est de ne pas imiter un prologue de cent cinquante vers que débite Mercure avant la piece. Il y a substitué un dialogue très-ingénieux entre Mercure et la Nuit. Mais il est bon de faire connaître quelques endroits du prologue de Plaute.

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pere, afin

: « Je m'appelle Mercure. Je viens de la part » de Jupiter vous prier bien doucement et bien » humblement de nous être favorables; car mon que vous vous le sachiez, est aussi poltron » qu'aucun de vous autres. Etant né de race humaine, il ne faut pas s'étonner s'il est timide. Moi-même, quoique fils de Jupiter, je n'en » suis pas plus hardi, et je crois que mon pere » m'a communiqué sa poltronnerie..... Ce Jupiter jouera dans la piece; j'aurai l'honneur de jouer » avec lui. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on a vu Jupiter faire le bateleur..... Vous savez d'ailleurs

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» qu'il ne se contraint pas dans ses goûts; il est de

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complexion fort amoureuse. Il est maintenant » avec Alcmene, sous la figure d'Amphytrion.....: Et le reste, qui explique tout le sujet de la piece. C'est ainsi qu'on s'égayait aux dépens de Jupiter, très-bon et très-grand, sur le théâtre de Rome. Sosie ouvre la piece au milieu de la nuit, mais il n'a point la lanterne dont Moliere fait un usage si heureux. Il meurt de peur d'être rencontré et d'être battu; ce qui amene d'abord un défaut de vraisemblance; car plus il est peureux, plus il doit être pressé d'arriver, et ce n'est pas là le moment d'avoir avec lui-même une conversation de deux cents vers, et de préparer le long récit qu'il doit faire à sa maîtresse. Le plus pressé pour lui, c'est d'entrer à la maison. Moliere a senti cette objection et l'a prévenue. Après une vingtaine de vers sur sa frayeur et sur la condition des esclaves, Sosie dit :

Mais enfin dans l'obscurité

Je vois notre maison, et ma frayeur s'évade.

Le voilà rassuré. Il est devant sa porte : c'est alors qu'il s'occupe de son message:

Il me faudrait pour l'ambassade,
Quelque discours prémédité.

La vraisemblance est observée. Suit ce dialogue si

comique de Sosie avec sa lanterne, qui n'est pas même indiqué dans le latin. Plaute, qui ailleurs a tant d'envie de faire rire, même quand il ne le faut pas, est tombé ici dans un défaut tout opposé. Il a mis dans la bouche de Sosie un récit très-suivi, très-détaillé et très-sérieux de la victoire des Thébains, tel qu'il pourrait être dans une histoire ou dans un poëme. Moliere a conservé le ton de la comédie et la mesure de la scene. Il a senti qu'on s'embarrassait fort peur du combat, et que le comique ne tenait qu'à la maniere dont Sosie s'en tirerait. Il lui fait tracer comme

peur

la disposition des troupes; il l'arrête prudemment au corps d'armée, et amene Mercure quand Sosie ne sait plus où il en est. Cela vaut un peu mieux que la description de Plaute, qui n'aurait pas manqué d'ennuyer. Autre défaut non moins choquant dans l'auteur latin : Mercure est sur la scene dès le commencement de la piece. Il entend toute la narration, tous les raisonnemens de Sosie, er depuis le moment où celui-ci l'aperçoit, il y a encore quatre pages d'un double à parte, c'està-dire que Mercure s'épuise en fanfaronades et en menaces pour épouvanter le pauvre Sosie, et que celui-ci, quoique demi-mort de frayeur, répond par des quolibets qui font un contre-sens dans la situation. Moliere en savait trop pour commettre

toutes ces fautes. Il ne fait entrer Mercure qu'à propos, se garde bien de prolonger les à parte, ni de faire goguenarder Sosie dès qu'il a aperçu Mercure. C'est la différence d'une peinture naïve à une caricature grotesque. Sosie fait rire par l'excès de sa frayeur, et non pas par des rébus et des calembours. On s'étonnera peut-être que ce genre de plaisanterie se trouve dans Plaute. Mais il faut rendre justice à qui elle est due : les calembours sont de toute antiquité. Dans toutes les langues on a joué sur les mots : Cicéron lui-même en a donné l'exemple plus d'une fois; et Boileau, en proscrivant les pointes, ne défend pas à la gaieté d'en faire quelquefois usage. Mais il observe avec tous les gens de goût, que rien n'étant plus aisé ni plus frivole que cette espece de débauche d'esprit, il ne faut se la permettre que très-rarement et avec beaucoup de réserve. Voici un des calembours de Plaute. Mercure dit que la veille il a assommé quatre hommes. Je crains bien, dit Sosie, de changer aujourd'hui de nom, et de m'appeler Quintus. C'est que Quintus, qui était un nom romain, voulait dire aussi cinquieme, et Sosie craint de faire le cinquieme. Il continue à bouffonner sur le même ton. Mercure. Je ferai manger mes poings au premier que je rencontrerai. Sosie. J'ai soupé, garde ce ragoût pour ceux qui ont faim. Mer. Une voix

a volé vers moi. Sos. Je suis bien malheureux de n'avoir pas coupé les ailes à ma voix, puisqu'elle est volatile. Mer. Il faut que je le charge de coups. Sos. Je suis las, je ne puis porter aucune charge. Mer. Je ne sais qui parle là. Sos. Je suis sauvé : il ne me voit pas. Je m'appelle Sosie, et non pas Je ne sais qui. Mer. Une voix a frappé à droite. Sos. Si ma voix l'a frappé, je crains bien qu'il ne me frappe moi-même. Tous ces jeux de mots sont du ton d'Arlequin et non pas de celui de Moliere. Mais je le répete, toutes les plaisanteries de la scene qui suit et qui roulent sur les deux moi, sont excellentes, et Moliere n'a pu rien faire de mieux que de se les approprier. Il a emprunté aussi la querelle et le raccommodement avec Alcmene, et la scene où Mercure, du haut d'une fenêtre, traite si mal Amphytrion et acheve de le pousser à bout, et même le dénoûment, qu'il a accommodé à notre théâtre.

La piece dont il a tiré le rôle de l'Avare a pour titre l'Aululaire, d'un mot latin qui signifie potde-terre, parce que l'Avare de Plaute, Euclion, a trouvé dans sa maison un trésor dans un potde-terre, que son grand-pere avait enfoui. Dans la piece française, ce trésor n'a pas été trouvé, il a été amassé; ce qui vaut beaucoup mieux. De

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