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Démophile et Philemon furent ceux dont il em prunta le plus. Si l'on en juge par ses imitations, on n'aura pas une grande idée de ses modeles, Le comique de Plaute est très défectueux : il est si borné dans ses moyens, si uniforme dans son ton, qu'on peut l'appeler un comique de convention, tel qu'a été long-tems celui des Italiens, c'est-à-dire, un canevas dramatique retourné en plusieurs façons, mais dont les personnages sont toujours les mêmes. C'est toujours une jeune courtisane, un vieillard ou une vieille femme qui la vend, un jeune homme qui l'achete et qui se sert d'un valet fourbe pour tirer de l'argent de son pere, Joignez-y un parasite, espece de complaisant du plus bas étage, et dont le métier, à Athenes comme à Rome, était d'être prêt à tout faire pour le patron qui lui donnait à manger; de plus, un soldat fanfaron, dont la jactance extravagante et burlesque a servi de modele aux capitans, aux matamores de notre vieille comédie, qui ne reparaissent plus aujourd'hui même sur nos tréteaux : voilà les caracte¬ res qui se représentent sans cesse dans les pieces de Plaute. Cette uniformité de personnages et d'intrigues n'est que fastidieuse : celle du style et du dialogue est dégoûtante. Tous ces gens-là n'ont qu'un langage dans toutes les situations : c'est celui

de la bouffonnerie, souvent la plus plate et la plus grossiere. Vieillards, jeunes gens, femmes, esclaves, soldats, parasites, tous sont des bouffons qui ne s'expriment guere que par des quolibets et des turlupinades. Il paraît que Plaute et ceux qu'il a suivis, se sont entiérement mépris sur l'espece de gaieté qui doit régner dans la comédie, et sur la plaisanterie qui convient au théâtre. Elle doit être naturelle et conforme à la situation et au caractere : les personnages d'une comédie ne sont point des baladins qui ne songent qu'à faire rire, n'importe comment; il faut que le poëte les fasse agir et parler de maniere à faire rire, sans qu'ils aient l'air de le vouloir et d'y penser; sans quoi il n'y a plus d'illusion. L'humeur du Misantrope et le jargon mystique et hypocrite de Tartuffe nous font rire; mais il s'en faut de beaucoup que ni l'un ni l'autre ait l'air d'en avoir le dessein : c'est parce qu'ils sont vrais; c'est parce qu'ils sont euxmêmes, qu'ils sont plaisans et risibles. Aussi rien n'est meilleur que le Misantrope, quand il dit à tout un cercle que ses boutades divertissent beaucoup :

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Par la sembleu, messieurs, je ne croyais pas être
Si plaisant que je suis.

Et vraiment non, il ne le croit pas;

il ne doit

pas le croirè, et c'est pour cela même qu'il l'est infiniment. Mais qu'un amant qui vient de perdre sa maîtresse ou qui est brouillé avec elle, qu'un eslcave menacé d'un châtiment rigoureux, qu'un pere irrité contre ses enfans ou contre ses valets, ne s'occupent qu'à bouffonner, c'est là proprement la farce et nullement la comédie,

Plaute ne connaît pas davantage toutes les autres convenances théâtrales. Ses acteurs adressent à tout moment de longs narrés, de longs monologues, d'insipides lieux communs au spectateur, et causent sans cesse avec lui. Ses scenes sont remplies de longs à parte hors de toute vraisemblance; ses personnages entrent et sortent sans raison, ou laissent le théâtre vide. Des gens qui se disent trèspressés, parlent un quart-d'heure lorsque rien ne les empêche d'aller où ils ont affaire. Enfin, l'auteur ne paraît point avoir but d'imiter la nature, ce n'est celle qu'il ne faut pas imiter; car il met sur la scene, avec la plus révoltante vérité, les mœurs des femmes perdues et toute l'infamię des lieux de prostitution; et quoiqu'il y ait eu, même de nos jours, des auteurs assez insensés pour croire qu'une pareille peinture pouvait être bonne à quelque chose et avoir quelque mérite, on peut assurer qu'il est du devoir de l'écrivain et de l'artiste de ne jamais présenter des objets d'une telle

pour

si

nature, qu'un honnête homme ne puisse y arrêter

ses regards,

Plaute eut beaucoup de réputation de son tems, et en conserva même dans le siecle d'Auguste. Varron, Quintilien, Cicéron en font l'éloge, et cependant Térence avait écrit. On loue particuliérement Plaute d'avoir bien connu le génie de sa langue, mérite très-grand pour les Latins, surtout dans un auteur qui écrivait avant que cette langue fût arrivée à sa perfection; mérite qui peut s'accorder avec un très-mauvais goût de plaisanterie et un très-mauvais dialogue, C'est ce que nous sommes autorisés à penser d'après Horace, juge si fin et si délicat, et qui dit en propres termes : « Nos aïeux ont admiré les vers et les » bons mots de Plaute avec une complaisance » qu'on peut appeler sotise.» Mais parmi tant de défauts, quel fut donc son mérite? Le voici : un fonds de comique dans quelques situations, de la gaieté dans quelques scenes, enfin un caractere, le seul à la vérité qui mérite ce nom, mais que Moliere a immortalisé en le surpassant, celui de l'Avare. Il a fourni à ce même Moliere l'Amphytrion, l'original de Scapin et quelques détails; à Regnard, les Menechmes et le Retour imprévu. Voilà sa gloire, elle est réelle; car quoique dans Les pieces même où ils l'ont imité, nos deux

comiques l'aient laissé bien loin derriere eux, c'est quelque chose d'avoir eu des idées assez heureuses pour que de si grands maîtres les aient employées.

Observons pourtant qu'aucun de ces ouvrages n'est du genre de ceux qui tiennent parmi nous le premier rang, n'est ce qu'on appelle du haut comique; que les Fourberies de Scapin et le Retour imprévu ne sont que de petites pieces, des intrigues de valets, et que si l'Amphytrion et les Menechmes sont des pieces très-plaisantes, il faut commencer par admettre dans l'une le merveilleux de la fable, et dans l'autre un jeu de la nature, qui est une sorte de merveilleux, tant il est loin de la vraisemblance. L'Avare est à la vérité un caractere de comédie; mais outre que Moliere l'a placé dans des situations beaucoup plus variées, il a su l'attacher à une excellente intrigue, et celle de Plaute est très-mauvaise, ou plutôt il n'y a point du tout d'intrigue. Je ne dirai rien de ses autres pieces: l'analyse en serait aussi ennuyeuse qu'inutile. Je ne m'arrêterai que sur celles dont la comparaison avec les Modernes peut être un objet de curiosité et d'instruction. Moliere a suivi à peu près la marche de l'Amphytrion latin, en y ajoutant le rôle de Cléanthis; ce qui produit des scenes si plaisantes entr'elle et Sosie. Il donne encore à celui-ci une scene de plus avec

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