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silence de tous les autres, prétend que cette fermeté si long-tems inébranlable, ce désintéressement si soutenu, se démentit une fois; qu'après · s'être élevé contre Alexandre avec la même force qu'il avait déployée contre Philippe, il se laissa enfin corrompre, et feignit d'être malade pour ne pas monter à la tribune; que cette indigne faiblesse l'obligea de se retirer d'Athenes; mais on peut douter de la faute, et il est sûr que sa mort fut honorable et courageuse. Revenu dans Athenes après celle d'Alexandre, il ne cessa de parler contre la tyrannie des Macédoniens, jusqu'à ce qu'Antipater leur roi eût obtenu, la force en main, qu'on lui livrât tous les orateurs qui s'étaient déclarés ses ennemis. Démosthene prit la fuite; mais se voyant près d'être arrêté par ceux qui le poursuivaient, il eut recours au poison qu'il portait toujours avec lui. On a remarqué que Cicéron et lui eurent une fin également tragique, et périrent victimes de la patrie, après avoir vécu ses défenseurs.

Note sur le troisieme chapitre.

On lit dans le nouveau Dictionnaire historique, à l'article de Démosthene, et à propos de cet éloge funebre qu'il prononça, qu'Eschine ne manqua pas de relever cette inconséquence. On peut voir par la réponse victorieuse de Démosthene, que j'ai traduite dans ce chapitre, ce qu'il faut penser de cette

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COURS DE LITTÉRATURE.

prétendue inconséquence, qui eût été celle des Athéniens tout autant que la sienne. Il est bien étrange de citer un reproche injuste, sans dire un mot de la réfutation, surtout quand elle est péremptoire, et c'est venir bien tard pour se ranger du côté des détracteurs d'un grand-homme et d'un excellent citoyer. On cite encore (et toujours sans réponse) la déclamation d'Eschine, qui invoque les peres et les meres de ceux qui avaient péri à Chéronée, contre les honneurs qu'on voulait rendre à Démosthene, que l'on pouvait regarder comme leur assassin ; comme si l'orateur citoyen, qui conseille une guerre légitime et nécessaire, était l'assassin de ceux qui succombent glorieusement dans la cause de la liberté contre la tyrannie. Il n'est permis de rapporter de semblables reproches, que pour faire voir tout ce qu'ils ont d'odieux et d'absurde. L'auteur de l'article appelle ces clameurs de la haine, des désagrémens. Non, ce sont des attaques mal-adroites qui amenent le triomphede l'accusé : ce sont des titres de gloire.

Dans ce même Dictionnaire, à l'article Eschine, il est dit que les deux harangues pour la Couronne pourraient s'appeler des chefs-d'œuvre, si elles n'étaient encore plus chargées d'injures que de traits d'éloquence. C'est encore un jugement injuste et erroné de toute maniere. D'abord, il ne fallait pas mettre sur la même ligne le discours d'Eschine et celui de Démosthene quoique le premier ait des beautés réelles, il ne peut pas soutenir la comparaison avec l'autre, qui est en son genre un morceau unique et achevé. Ensuite il n'est nullement vrai que les injures, autorisées par la nature des controverses judiciaires et par la liberté républicaine, détruisent dans ces sortes d'ouvrages le mérite de l'éloquence, et qu'un défaut qui n'em est guere un que pour nous, l'emporte sur tant de beautés.

FIN DU TOME SECOND.

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