Imagens da página
PDF
ePub
[ocr errors]

accordent généralement, c'est-à-dire, de cette pureté de diction, de cette élégance qui était par ticuliere aux Athéniens, et qui faisait que Platon même, le disciple de Socrate, trouvait tant de plaisir à la lecture d'Aristophane. Sans doute il en faut croire, les Grecs sur ce point, et surtout Platon, si bon juge en cette matiere, et si peu suspect de partialité en faveur de l'ennemi de son maître. Mais en mettant à part ce méritel à près perdu pour nous, parce que lės graces du lan→ gage familier sont les moins sensibles de toutes dans une langue morte, il est difficile d'ailleurs, en lisant cet auteur, de n'être pas de l'avis de Plutarque, qui s'exprime ainsi dans un parallele de Ménandre et d'Aristophane.

دو

دو

peu

"Ménandre sait adapter son style et propor,

tionner son ton à tous les rôles, sans négliger » le comique, mais sans l'outrer. Il ne perd jamais » de vue la nature, et la souplesse et la flexibilité » de son expression ne saurait être surpassée. On » peut dire qu'elle est toujours égale à elle-même » et toujours différente suivant le besoin; semblable à une eau limpide qui, courant entre des rives inégales et tortueuses, en prend toutes les formes

دو

[ocr errors]

"sans rien perdre de sa pureté. Il écrit en homme d'esprit, en homme de bonne société ; il est fait

[ocr errors]

» pour être lu, représenté, appris par cœur, pour

[ocr errors]

plaire en tous lieux et en tout tems, et l'on n'est » pas surpris, en lisant ces pieces, qu'il ait passé l'homme de son siecle qui s'exprimait avec » le plus d'agrément, soit dans la conversation, 'écrit. »>

» pour

❞ soit

دو

[ocr errors]

par

Un pareil éloge doit augmenter nos regrets sur la perte totale des pieces de cet auteur; et ce qui confirme le jugement de Plutarque, c'est que tous ces caracteres sont précisément ceux de Térence, qui avait pris Ménandre pour son modele. Plutarque parle bien différemment d'Aristophane.« Il outre la nature, et parle à la populace plus qu'aux hon» nêtes gens; son style est mêlé de disparates continuelles, élevé jusqu'à l'enflure, familier jusqu'à » la bassesse, bouffon jusqu'à la puérilité. Chez » lui l'on ne peut distinguer le fils du pere, le » citadin du paysan, le guerrier du bourgeois, le dieu du valet. Son impudence ne peut être portée que par le bas peuple; son sel est amer, »âcre, cuisant; sa plaisanterie roule presque tou» jours sur des jeux de mots, sur des équivoques

دو

دو

[ocr errors]

sup

grossieres, sur des allusions entortillées et licen» cieuses. Chez lui la finesse devient malignité,

la naïveté devient bêtise; ses railleries sont plus » dignes d'être sifflées, qu'elles ne sont capables de » faire rire, sa gaieté n'est qu'effronterie; enfin, » il n'écrit pas pour plaire aux gens sensés et

» honnêtes, mais pour flatter l'envie, la méchanceté et la débauché. »

Quoi qu'en dise Brumoy, qui trouve ce jugement trop sévere, on ne peut nier que la lecturé d'Aristophane ne justifie Plutarque dans tous les points. Le seul reproche qu'on puisse lui faire, c'est de n'avoir pas marqué l'espece de mérite qui se fait sentir à travers tant de défauts, et qui peut faire concevoir pourquoi cet auteur plaisait tant aux Athéniens. J'avoue qu'il est extrêmement difficile d'en donner une idée; car pour saisir l'esprit d'Aristophane, il faudrait avoir dans sa mémoire tous les faits, tous les détails de l'histoire de son tems, et connaître les principaux personnages d'Athenes, comme nous connaissons ceux dé nos jours. Cette connaissance ne pouvant jamais être qu'imparfaite, à cause de l'éloignement des il y a nécessairement une foule de traits dont l'à-propos doit nous échapper. Cependant ceux qui ont assez étudié la langue des Grecs et leur hispour lire Aristophane, en savent du moins assez pour en comprendre une bonne partie, et pour voir en quoi consistait son talent. Mais cetté difficulté même en fait voir le faible, et nous ap→ prend ce qui lui a manqué. Car pourquoi est-il si mal-aisé de l'entendre, tandis que nous lisons avec délices les pieces de Térence, quoique nous n'ayons

tems,

toire

pas une connaissance plus particuliere de Ronie que d'Athenes? c'est qu'Aristophane n'a peint que des individus, et que Térence a peint l'homme; c'est que les pieces de l'un ne sont que des satyres personnelles ou politiques, des parodies, des allégories, toutes choses dont l'à- propos et l'intérêt tiennent au moment; celles de l'autre sont des comédies faites pour peindre des caracteres, des vices, des ridicules, des passions, qui varient à un certain point dans les formes extérieures, mais dont le fond est le même dans tous les tems; c'est qu'en un mot Aristophane n'était qu'un satyrique, et que Térence, ainsi que Ménandre, était véritablement un comique. Il y a entr'eux la même différence qu'entre un mime et un comédien, entre celui qui ne sait que contrefaire, et celui qui a le talent d'imiter. Et quelle distance il y a entre ces deux arts? Celui qui contrefait prend un masque; il ne peut vous amuser qu'autant que vous connaissez le modele, encore ne vous amuse-t-il pas long-tems; celui qui sait imiter, vous présente un tableau qui peut plaire toujours, parce que le modele est la nature, et que tout le monde en est juge. Allons plus loin, et comparons celui qui contrefait, à celui qui trace un portrait; c'est accorder beaucoup, car il y a encore bien loin de l'un à l'autre. Regarderai-je long-tems le portrait

[ocr errors]

d'un homme que je n'ai jamais connu, d'un homme mort il y a cent ans, surtout si ce portrait n'est qu'une caricature, une fantaisie, un grotesque? Non, assurément; mais une peinture où je verrai des caracteres, des situations, de l'ame, aura toujours de quoi m'attacher, quand même je n'aurais jamais connu un seul des personnages. Voilà le principe des beaux-arts. Je me suppose dans l'ancienne Rome, assistant à une piece de Térence. Dès l'ouverture, je vois arriver un jeune homme agité, hors de lui, se promenant à grands pas: « Quel parti prendre? Irai-je ou

[ocr errors]

دو

n'irai-je pas? Quoi! je n'aurai jamais le cœur de

prendre une bonne fois ma résolution, de ne plus » souffrir les affronts, les caprices, les rebuts! Elle » m'a chassé, elle me rappelle, et j'irais! Non, » non, quand elle viendrait elle-même m'en prier. » Je ne sais encore qui est-ce qui parle, mais je dis en moi-même : Voilà un jeune homme bien amoureux; je suis déjà intéressé et attentif, et j'entends, avec autant de facilité que de plaisir, le reste de la piece, qui est dans le même goût.

Je me transporte maintenant dans Athenes, et je me suppose, non pas un Français d'aujourd'hui, mais un habitant de quelque colonie grecque de l'Asie mineure, du tems de Périclès. Je suis venu pour la premiere fois, comme bien d'autres curieux,

« AnteriorContinuar »