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» vous donne ces indignes conseils; qu'il paraisse, » s'il en est un qui en soit capable; écoutez-le si » vous êtes capables de l'entendre: quant à moi, plutôt mourir mille fois, avant qu'un pareil avis » sorte de ma bouche! »

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Cette espece de provocation, cet imposant défi est un de ces mouvemens dont l'effet est sûr quand l'orateur a établi ses preuves victorieusement : son objet est d'empêcher qu'on ne lui fasse perdre un moment précieux, un moment décisif, par une de ces résistances obliques et déguisées, derniere ressource de ceux qui n'osent plus lutter de front. Ils ont recours alors à des restrictions partielles, à des motions incidentes, prétextes pour prendre la parole, mais qui ne tendent qu'à remettre en discussion ce qu'on n'ose plus combattre et ce qui semblait convenu. C'est ainsi qu'on parvient à refroidir l'impression générale, à prolonger une délibération qui semblait terminée, jusqu'à ce que les esprits soient revenus de cette commotion produite par le pouvoir de la vérité, et que toutes les petites passions, étourdies et déconcertées un moment, aient eu le tems de se reconnaître. C'est ce qu'on a fait si souvent parmi nous par des motions d'ordre et des amendemens, et ce qu'un habile orateur doit prévenir, ou en réservant ses plus grandes forces pour la république, ou (ce qui

vaut encore mieux, et ce qui est plus sûr) en fondant, comme Démosthene, la réfutation dans les preuves, de façon à ruiner d'avance de fond en comble toutes les objections possibles, à rendre tout avis contraire, ou ridicule, ou odieux, à faire rougir les uns de le proposer, et les autres de l'entendre. Voyez ici comme Démosthene, en deux phrases, a su fermer à la fois la bouche des orateurs et l'oreille des Athéniens ! Il va multiplier les mouvemens à mesure qu'il en aperçoit l'effet; il va grandir et s'élever à la vue de ses antagonistes, jusqu'à demander contre eux des peines capitales, et à les signaler comme des ennemis de l'État. Aussi resta-t-il maître du champ de bataille, comme cet athlete que nous a peint Virgile, qui, jetant un ceste énorme au milieu de l'arêne, et montrant à nu ses larges épaules et ses membres masculeux inspirait l'épouvante aux plus hardis lutteurs, et leur ôtait l'envie de se mesurer avec lui.

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"Mais si mes sentimens sont les vôtres, si vous » voyez, comme je le vois, que plus vous laissez » faire de progrès à Philippe, plus vous fortifiez l'ennemi tôt ou tard il vous faudra comque battre, qui peut donc vous faire balancer? qu'at» tendez-vous encore? pourquoi des délais, des » lenteurs? quand voulez-vous enfin agir? quand

» la nécessité vous y contraindra? Et quelle né»cessité voulez-vous dire? En est-il une autre,

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grands dieux ! pour des hommes libres, que

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» crainte du déshonneur? Est-ce celle-là que vous » attendez ? elle vous assiége, elle vous presse, et

depuis long-tems. Il en est une autre, il est vrai, » pour les esclaves...... Dieux protecteurs! éloignez» la des Athéniens..... la contrainte, la violence, » la vue des châtimens..... Athéniens, je rougirais » de vous en parler.

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Il serait trop long de vous développer tous » les artifices que l'on met en œuvre auprès de » vous; mais il en est un qui mérite d'être remarqué. Toutes les fois qu'il est question de Philippe

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cette tribune, il ne manque jamais de se trou» ver des gens qui se levent et qui s'écrient: Quel » trésor que la paix ! quel fléau que la guerre ! à quoi

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tendent toutes ces alarmes, si ce n'est à ruiner nos finances! C'est avec de semblables discours qu'ils » vous endorment dans votre sécurité, et qu'ils » assurent à Philippe les moyens d'achever ses pro

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jets. C'est ainsi que chacun a ce qu'il desire:

vous restez dans votre oisiveté chérie (et plaise >> au ciel qu'un jour elle ne vous coûte pas cher !); » votre ennemi s'agrandit, et vos flatteurs gagnent » votre bienveillance et son argent. Pour moi, ce » n'est pas à vous que je voudrais persuader la

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paix; c'est un soin dont on peut se reposer sur » vous mêmes; c'est à Philippe que je voudrais » la persuader, parce que c'est lui qui ne respire » que la guerre. A l'égard de nos finances, prenez garde que ce qu'il y a de plus fâcheux, ce n'est » pas ce que vous aurez dépensé pour votre sûreté, » c'est ce que vous aurez à perdre et à souffrir » si vous ne voulez rien dépenser. Il convient » sans doute d'empêcher la dissipation de vos deniers, mais par le bon ordre et la surveillance,

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et non par des épargnes prises sur le salut public. "Ce qui m'afflige encore, c'est de voir que ces » mêmes gens qui crient sans cesse contre le pillage de vos finances, qu'il ne tient qu'à vous » de réprimer et de punir, trouvent fort bon que Philippe pille tout à son aise et la Grece et vous. » Comment se fait-il en effet que tandis que le » Macédonien renouvelle sans cesse ses invasions, " tandis que de tous côtés il prend des villes, jamais on n'entende ces gens-là condamner ses injustices et réclamer contre ses agressions, et

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qu'au contraire, dès que l'on vous conseille de " vous opposer à ses démarches et de veiller sur » votre liberté, sur le champ tous se récrient à la fois, que c'est provoquer la guerre ? Il n'est pas difficile de l'expliquer : ils veulent, si la guerre l'on propose entraîne des inconvéniens (et

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que

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quelle guerre n'en entraîne pas!), tourner vos ressentimens, non pas contre Philippe, mais contre » ceux qui vous ont donné d'utiles conseils; ils » veulent en même tems pouvoir accuser l'inno»cence et s'assurer l'impunité de leurs crimes. » Voilà le vrai motif de ces éternelles réclama» tions contre la guerre ; car encore une fois, qui » peut douter qu'avant même que personne eût songé à vous en parler, Philippe ne vous la fît réellement, lui qui envahissait vos places, lui qui tout à l'heure a fourni contre vous ses se » cours aux rebelles de Cardie? Mais après tout,

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quand nous avons l'air de ne pas nous en aper

cevoir, ce n'est pas lui qui viendra nous en aver»tir et nous le prouver. Il y aurait de la folie de » sa part; que dis-je, quand il sera venu jusque » sur votre territoire, il soutiendra toujours qu'il » ne vous fait pas la guerre. Et n'est-ce pas ce » qu'il disait aux habitans d'Orée', lors même qu'il » était sur leurs terres; à ceux de Phéres, au mo» ment de les assiéger; à ceux d'Olynthe, dans » le tems qu'il marchait contr'eux ? Il en sera de » même de nous; et si nous voulons le repous» ser, ses honnêtes amis vous répéteront que c'est » nous qui rallumons la guerre. Eh bien donc ! » subissons le joug: c'est le sort de quiconque ne » veut pas se défendre.

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