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» dont ils se méfieraient encore plus que de vous),

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plutôt que de rester à la merci de Philippe, à » moins cependant qu'il ne vienne à bout de s'em» parer de leur ville avant que personne puisse » le savoir; et si nous n'avons point de troupes » sur les lieux, si, quand nous voudrons y en en» voyer, les vents s'y opposent, n'en doutez pas, » les Bizantins sont perdus. Mais ce sont des

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peuples qu'a égarés un mauvais génie, et leur » conduite envers nous a été insensée. — Qui, » mais ces insensés, il faut les sauver, et les sauver " pour nous.

dit

» Sommes-nous sûrs enfin que Philippe ne se » porte pas dans la Chersonese? n'a-t-il pas » dans sa lertre, qu'il comptait se venger de ces

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peuples? et n'est-ce pas une raison de plus pour » y laisser une armée que nous avons là toute formée, qui pourra défendre le pays et inquiéter » l'ennemi? Si nous la perdons, cette armée, et » que Philippe entre dans la Chersonese, que ferons-nous alors? Nous mettrons Diopithe » en justice. Nous voilà bien avancés. » Nous ferons passer des secours. Et si la mer n'est tenable? - Mais Philippe n'attaquera » pas la Chersonese.

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pas

» vous en répond ? »

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Et qui vous l'a dit? qui

Voilà un modele de précision dans le dialogue

hypothétique, l'une des formes les plus piquantes que l'on puisse donner à la discussion. Mais il faut bien prendre garde à un inconvénient très-dangereux, où tombent souvent ceux qui emploient ce moyen sans en connaître le principe et les effets. Ils se font des objections faibles ou ineptes, qui ne sont nullement celles qu'on leur oppose ou qu'on peut leur opposer; et alors ce petit artifice devient puéril et retombe sur eux. Quand on fait parler ses adversaires, il faut répondre à leur pensée et non à la sienne; être bien sûr de ce qu'ils peuvent dire, et bien sûr de la réplique. Ici Démosthene ne met dans leur bouche que ce qu'ils avaient dit, ou ce qu'ils étaient obligés de dire n'être pas inconséquens. Trois fois il les fait parler, et trois fois il les terrasse d'un seul mot. Il reprend.

pas

دو

pour

« Considérez donc, Athéniens, dans quel tems » et dans quelle saison de l'année on vous conseille » de retirer vos troupes de l'Hellespont, et de l'exposer sans défense aux entreprises de Philippe. Que dis-je ? voici une considération d'une » toute autre importance: si, revenant de la haute Thrace, il laisse de côté la Chersonese et Bizance, » et attaque Chalcis et Mégare, comme en dernier » lieu la ville d'Orée, aimez-vous donc mieux » être obligés de l'arrêter súr vos frontieres, que » de l'occuper loin de vous ? »

à

L'orateur, bien affermi sur les faits qu'il a exposés et sur les conséquences à en tirer, ce qui, graces sa forte logique, a été pour lui l'affaire d'un mo: ment, ne craint point de risquer un avis qu'il sait bien n'être point du goût de la plupart des Athéniens; mais aussi s'est-il réservé, pour le soutenir, les moyens les plus puissans, ceux qu'il va tirer des affections morales d'un peuple qu'il avait bien étudié. Il le connaissait sensible à la honte, jaloux de sa réputation et de ses lumieres, très-sujet à se laisser tromper par négligence, mais aussi trèsirascible contre ceux qu'il voyait convaincus de l'avoir trompé. Ce sont autant de leviers dont l'orateur va se servir pour mettre en mouvement cette multitude indolente et inattentive. Il a fait briller l'évidence; il va faire tonner la vérité, et vous verrez comment un citoyen parle à un peuple. On n'avait pas imaginé dans Athenes, non plus qu'en aucun endroit du Monde, de donner ce titre de peuple à un ramas de brigands: ceux-là, il faut bien les flatter; comment ne pas flatter des complices? ceux-là, il faut bien les appeler un peuple essentiellement bon: c'était le refrein de nos tyrans. Mais Démosthene savait, comme les Athéniens, que si les hommes étaient essentiellement bons, ils n'auraient pas besoin de lois; il parlait à un véritable peuple, très-susceptiblé d'erreurs, de

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faiblesse, de prévention, mais qui avait une patrie, une religion, une morale et des mœurs sociales, et à qui l'on pouvait en conséquence montrer impunément la vérité, même la dure vérité, la vérité poignante, pourvu qu'il fût sûr de la bonne foi et des intentions de l'orateur. Ceux qui ne sont pas familiarisés avec les Anciens, et qui ne connaissent que cette vile adulation sans cesse prodiguée parmi nous à la plus vile multitude, cet abject popularisme, nommé si improprement popu larité, ne concevront rien à la véracité hardie et véhémente de Démosthene, à ces reproches amers et violens dont il frappe ses concitoyens pour les réveiller et les éclairer, et ils seront encore bien plus surpris de l'accueil qu'on fit à ce discours et du succès qu'il obtint.

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D'après ces faits et ces réflexions, mon avis » est que, bien loin de licencier l'armée que Diopithe s'efforce de maintenir pour le service de la république, il faut au contraire lui fournir de » nouvelles forces, de l'argent et des munitions. » En effet, si l'on demandait à Philippe ce qu'il » aime le mieux, que les troupes de Diopithe

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(de quelque espece qu'elles soient; je ne veux disputer là-dessus avec personne) soient auto» risées, honorées, renforcées par le peuple d'Athenes, ou dispersées et détruites par la

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» malveillance de vos orateurs, qui doute que ce » dernier parti ne fût celui qu'il préférât? Ainsi ce » que notre ennemi souhaiterait le plus au monde, » c'est précisément ce que vous voulez faire!........ » Et vous demanderez encore pourquoi nos affaires » vont si mal!.... Je vais vous le dire nettement," Athéniens; je vais mettre sous vos yeux, et votre situation, et votre conduite : en deux mots, nous » ne voulons ni combattre ni payer. Nous voulons » attirer à nous les deniers publics; nous refusons » à Diopithe ceux qui lui étaient assignés légalement, et nous le chicanons encore sur ceux

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qu'il se procure et sur l'emploi qu'il en fera: » c'est ainsi que nous nous conduisons en tout, et » que nous persistons à ne jamais nous charger de affaires, Nous louons, il est vrai, nos propres » tant qu'on veut, ceux qui élevent la voix pour » l'honneur de la patrie; mais dans le fait, nous

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agissons comme si nous étions d'accord avec ses » ennemis. Vous demandez à ceux qui montent à cette tribune ce qu'il faut faire; et moi je vous » interroge à mon tour, et je vous demande ce qu'il faut vous dire; car, je vous le répete, si » vous ne voulez servir l'État ni de votre personne »ni de votre argent; si vous ne voulez ni faire » passer à Diopithe les fonds qui lui sont dus ni

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