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» interlocuteurs dans ces trois dialogues que je » mets aujourd'hui sous vos yeux. En effet, quoi" que la mort.de Crassus ait excité de justes » regrets, qui ne la trouve pas heureuse, en se rappelant le sort de tous ceux qui dans ce séjour » de Tusculum, eurent avec lui leur dernier en» tretien? Ne savons-nous pas que Catulus, ce citoyen si éminent dans tous les genres de mérite, qui ne demandait à son ancien collégue » Marius que l'exil pour toute grace, fut réduit à » la nécessité de s'ôter la vie? Et Marc-Antoine, quelle a été sa fin? La tête sanglante de cet » homme, à qui tant de citoyens devaient leur salut, fut attachée à cette même tribune où pen» dant son consulat il avait défendu la république » avec tant de fermeté, et que pendant sa censure

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il avait ornée des dépouilles de nos ennemis. » Avec cette tête tomba celle de Caïus César, » trahi par son hôte, et celle de son frere Lucius, » en sorte que celui qui n'a pas été le témoin de » ces horreurs, semble avoir vécu et être mort avec » la république. Heureux encore une fois Crassus, qui n'a point vu son proche parent Publius,

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citoyen du plus grand courage, mourir de sa » propre main; la statue de Vesta, teinte du sang » de son collégue le grand pontife Scævola, ni » l'affreuse destinée de ces deux jeunes gens qui

» s'étaient attachés à lui; Cotta qu'il avait laissé

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florissant, peu de jours après déchu de ses pré»tentions au tribunat par la cabale de ses ennemis, » et bientôt obligé de se bannir de Rome; Sul

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pitius en butte au même parti; Sulpitius, qui » croissait pour la gloire de l'éloquence romaine, » attaquant témérairement ceux avec qui on l'avait » vu le plus lié, périr d'une mort sanglante, victime » de son imprudence, et perdu pour la république. Ainsi donc, quand je considere, ô Crassus! l'éclat » de ta vie et l'époque de ta mort, il me semble » que la providence des dieux a veillé sur l'une et » sur l'autre. Ta fermeté et ta vertu t'auraient fait » tomber sous le glaive de la guerre civile, ou si

la fortune t'avait sauvé d'une mort violente » c'eût été pour te rendre témoin des funérailles » de ta patrie; et tu aurais eu non-seulement à

gémir sur la tyrannie des méchans, mais encore » à pleurer sur la victoire du meilleur parti, souil»lée par le carnage des citoyens.

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Quand Cicéron écrivait ce morceau, les maux présens devaient le rendre encore plus sensible sur le passé. Cet ouvrage fut composé dans le tems de la guerre civile entre César et Pompée; et quand l'auteur nous montre cette tête sanglante de l'orateur Antoine, attachée à la tribune, ne se rappelle-t-on pas aussitôt celle de Cicéron lui

même, placée, quatre ans après, à cette même tribune par cet autre Antoine, qui, bien différent de son illustre aïeul, se signala par le crime et la tyrannie, comme l'orateur s'était signalé par ses talens et ses vertus?

Ce dernier livre roule principalement sur l'élo-` cution et sur tout ce qui est relatif à l'action oratoire. C'est Crassus qui porte la parole, parce qu'il excellait particuliérement dans cette partie. C'est là qu'on aperçoit, plus qué partout ailleurs, sous quel point de vue aussi vaste que hardi et lumineux, Cicéron avait embrassé tout l'art oratoire. Il ne peut se résoudre à séparer l'orateur du philosophe et de l'homme d'État. Il se plaint du préjugé des esprits étroits et pusillanimes, qui rappetissant tout à leur mesure, ont séparé ce qui de sa nature devait être inséparable. Il reproche aux rhéteurs d'avoir renoncé par négligence et par paresse à ce qui leur appartenait en propre, en se tenant au talent de bien dire, comme s'il était possible de bien dire sans bien penser, et souffrant que les philosophes s'attribuassent exclusivement tout ce qui est du ressort de la morale, usurpation évidente sur l'éloquerce. Il va jusqu'à réclamer en faveur de ses prétentions, cette chaîne immense qui lie ensemble toutes les connaissances de l'esprit humain. Il les voit comme nécessairement combie

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nées et dépendantes les unes des autres; et cette idée aussi grande que vraie, qui a été de nos jours la base de l'Encyclopédie, et qui est mieux exposée dans la préface qu'elle n'est exécutée dans le livre, Cicéron, de tous les Anciens, paraît être le seul qui l'ait connue.

Dans cet autre traité qui a pour titre l'Orateur, où Cicéron, s'adressant à Brutus, parle en son propre nom, et se propose de tracer les caracteres de la plus parfaite éloquence, il pose encore pour premiere base la philosophie. Il traite des trois genres de style, le simple, le sublime et le tempéré, dont la division (depuis lui et Quintilien qui l'a suivi presqu'en tout) est devenue généralement classique, quoiqu'au fond elle ne soit pas fort importante, et que ni l'un ni l'autre ne s'y soient beaucoup attachés. Il se moque très-gaiement de ceux des Romains qui couvrant d'un beau nom leur médiocrité, nommaient exclusivement atticisme une simplicité nue, dénuée de tout ornement, et s'appelaient, comme par excellence, les seuls écrivains attiques, semblables à cet historien français qui, persuadé qu'il était du très-bon air de prendre l'esprit en aversion, parce qu'on en a souvent abusé, disait à un homme de lettres de ses confreres, avec une fierté qu'il croyait trèsnoble, en lui présentant un livre de sa composi

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tion: Tenez, monsieur, lisez cela il n'y a pas d'esprit là-dedans ; et il faut avouer qu'il disait vrai.

L'atticisme consistait dans une grande pureté de style et dans une extrême délicatesse de goût qui rejetait toute recherche et toute enflure, mais qui n'excluait aucun des ornemens convenables au sujet, aucun des grands mouvemens de l'éloquence. Cicéron le prouve par l'exemple de Démosthene, qui était bien aussi attique qu'un autre, et qui abonde en figures hardies, beaucoup moins, il est vrai, de celles qu'on appelle figures de diction, que de celles qu'on nomme figures de pensée. C'est ce qu'oubliaient ou voulaient oublier ces mauvais écrivains de Rome, qui sentaient bien qu'il était plus aisé d'éviter la bouffissure des orateurs d'Asie, que d'atteindre à l'éloquente simplicité de Démosthene, mais qui auraient bien voulu que l'un parût une conséquence de l'autre.

Outrez un principe vrai, vous trouverez l'erreur. Il y a un autre excès opposé à cette faiblesse timide dont se moque Cicéron : c'est la prétention continuelle au grand, au sublime. Ceux qui croient que ce vice de style a quelque chose de noble en lui-même, et que c'est ce qu'on appelle un beau défaut, seront un peu étonnés des expressions de Cicéron elles méritent d'être rapportées : elles paraîtront peut-être un peu dures, mais il les

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