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» sont simples comme le langage de la vérité; au » contraire, ces mots, qui ne montrent que la peine

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qu'on a eue à les trouver, n'ont pas la grace qu'ils affectent, ne laissent rien dans l'esprit et offusquent » la pensée. Cependant Cicéron avait déclaré assez » nettement que le plus grand vice qu'un discours

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puisse avoir, c'est de s'éloigner trop de la ma» niere ordinaire de parler. Mais apparemment » Cicéron n'y entendait rien : c'est un barbare en comparaison de nous. Nous n'aimons plus rien » de ce que la nature a dicté; nous voulons, non pas » des ornemens, mais des raffinemens, comme si les mots pouvaient avoir quelque beauté quand ils ne conviennent pas aux choses qu'ils veulent exprimer..... Je conclus qu'il faut avoir un grand soin de l'élocution, pourvu qu'on sache bien qu'il ne faut rien faire l'amour des mots, » les mots eux-mêmes n'ayant été inventés que » pour les choses. »

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pour

les

yeux.

SECTION III.

De l'Élocution et des Figures.

Quintilien distingue trois qualités principales dans l'élocution oratoire, la clarté, la correction, l'ornement. La clarté dépend surtout de la propriété et de l'arrangement naturel des mots; la correction résulte de la régularité des constructions; l'ornement naît de l'heureux emploi des figures. Il veut que la diction de l'orateur soit si claire, que la pensée frappe l'esprit comme la lumiere frappe Il a raison sans doute, puisque ceux à qui l'orateur s'adresse, ne peuvent l'entendre trop tôt ni trop bien; mais quoiqu'en général la premiere qualité du style soit la clarté, il serait trop rigoureux d'exiger qu'en tout genre d'écrire elle fût toujours portée au même point. Il est des matieres abstraites qui ne comportent que le degré de clarté proportionné à l'étendue et à la profondeur des idées et à l'attention du lecteur; et ce serait alors une prétention de la paresse, de vouloir que l'écrivain rendît sensible, au premier aperçu, ce qui, pour être entendu, a besoin d'être médité. Un ouvrage tel que le Contrat Social ou l'Esprit des Lois ne peut pas se lire comme un ouvrage oratoire.

La raison en est simple; c'est que le philosophe et l'orateur se proposent un but différent : l'un veut surtout vous forcer à réfléchir, l'autre ne doit pas même vous laisser le tems de la réflexion.

Pour ce qui regarde la propriété des termes, Quintilien observe qu'il ne faut pas prendre ce mor dans un sens trop littéral; car il n'y a point de langue qui ait précisément un mot propre pour chaque idée, et qui ne soit souvent obligée de se servir du même terme pour exprimer des choses différentes. La plus riche est celle qui a le moins besoin de ces sortes d'emprunts, qui sont toujours des preuves d'indigence. Parmi nous, par exemple, on se sert du même mot pour dire qu'on aime le jeu et les femmes. Les Grecs avaient au moins un mot particulier pour signifier l'amour d'un sexe pour l'autre, pas, et cette distinction était juste. Les Latins en avaient un, pietas, qui, en exprimant l'amour des enfans pour caractérisait un leurs parens, sentiment religieux, et cette idée était un précepte de morale.

Quintilien remarque aussi que la propriété des termes est si essentielle au discours, qu'elle est plutôt un devoir qu'un mérite. Je ne sais ce qui en était de son tems: on peut croire que les premieres études étant généralement plus soignées, l'habitude

de s'énoncer en termes convenables, et d'avoir, en écrivant, l'expression propre, n'était pas très-rare. Aujourd'hui, si c'est un devoir, comme il le dit, ce devoir est si rarement rempli, qu'on peut sans scrupule en faire un mérite. Nous nous sommes tellement accoutumés à croire que tout se devine et que rien ne s'apprend; il y a si peu de gens qui aient cru devoir étudier leur langue, qu'il ne faut pas s'étonner si, parmi ceux qui écrivent, il en est tant à qui la propriété des termes est une science à peu près étrangere. Il n'y a que nos bons écrivains à qui l'usage du mot propre soit familier. Lorsque nous en serons à la littérature moderne, nous serons peut-être étonnés de l'excès honteux d'ignorance que l'on peut reprocher en ce genre à beaucoup d'auteurs qui ont eu de la réputation, ou qui même en conservent encore. Sans doute il n'y a point d'écrivain qui ne fasse quelques fautes de langage, et celui même qui se mettrait dans la tête de n'en jamais faire, y perdrait beaucoup plus de tems que n'en mérite un si minutieux travail. Mais il y a loin de quelques légeres inexactitudes, de quelques négligences, à la multitude des solécismes et des locutions vicieuses l'on rencontre de tous côtés. Parmi les maux qu'a faits aux lettres ce déluge d'écrits périodiques,

que

qui depuis vingt-cinq ans inonde toute la France, il faut compter cette corruption épidémique du langage, qui en a été une suite nécessaire. Pour peu qu'on réfléchisse un moment, il est aisé de s'en convaincre. Mais je me réserve de développer cette vérité lorsque je traiterai en particulier des journaux, depuis leur naissance jusqu'à nos jours. Avouons-le: ce qu'on lit le plus, c'est les journaux. Ils contiennent, en quelque genre que ce soit, la nouvelle du jour, et c'est en conséquence la lecture la plus pressée pour le plus grand nombre, et assez souvent la seule. Or, par qui sont faits ces journaux ( je laisse à part les exceptions que chacun fera aussi bien que moi, et je parle en général)? Par des hommes qui certainement n'ont choisi ce métier facile et vulgaire que parce qu'ils ne sauraient faire mieux; par des hommes qui savent fort peu, et qui n'ont ni la volonté ni même le tems d'en apprendre davantage. De plus, comment les lit-on ? Aussi légérement qu'ils sont faits. Chacun y cherche d'un coup d'œil ce qui lui convient, et personne ne pense à examiner comme ils sont écrits: ce n'est pas là ce dont il s'agit. Qu'arrive-t-il? Ces feuilles éphémeres, rédigées avec une précipitation qui serait dangereuse même pour le talent, à plus forte raison pour ceux qui

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