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Et quel homme eut jamais à jouer un plus grand rôle sur un plus grand théâtre? Ce n'est pas icile lieu de s'y arrêter; il faut suivre Quintilien.

Quoique ces trois genres doivent avoir des caracteres différens, suivant la différence de leur objet, il observe avec raison, non-seulement qu'il y a des qualités qui doivent leur être communes, mais même qu'il est certains côtés par lesquels ils se touchent de très-près, et rentrent même en partie les uns dans les autres. Ainsi, par exemple, l'orateur qui délibere, doit souvent mettre en usage les mêmes moyens d'émouvoir que celui qui plaide. Ils doivent tous deux employer le raisonnement et le pathétique, quoique ce dernier ressort soit plus particuliérement du genre judiciaire chez les Anciens, où l'on s'étudiait surtout à chercher tout ce qui pouvait émouvoir les juges ou les citoyens rassemblés. C'est dans cette partie que Cicéron excellait, au jugement de Quintilien, et par laquelle il a surpassé Démosthene. On croyait à Athenes ce talent si dangereux, qu'il était expressément défendu de s'en servir dans les causes portées devant l'aréopage. La loi prescrivait aux avocats de se renfermer exactement dans la discussion du fait, et s'ils s'en écartaient, un huissier était chargé de les interrompre et de les faire rentrer dans leur sujet. S'il y en avait eu un de

cette espece au palais, il aurait eu de l'occupation: Au reste, cette défense n'avait lieu que dans l'aréopage, regardé comme le plus sévere et le plus inflexible de tous les tribunaux : ailleurs, il était permis à l'orateur de se servir de toutes ses

armes.

Ce serait une question assez curieuse, de savoir si la plaidoierie ne doit être effectivement que la discussion tranquille d'un fait. A raisonner en rigueur, on n'en saurait douter; et certes, si nous avions une idée exacte de ce mot, le plus auguste que l'on puisse prononcer parmi les hommes, la loi, un juge qui n'en est que l'organe, qui doit être impassible comme elle, et ne connaître ni la colere ni la pitié, devrait regarder comme un outrage, que l'on cherchât à l'émouvoir, c'est-àdire, à le tromper. C'est le croire capable de juger suivant ses propres impressions, et non suivant la loi, qui n'en doit point recevoir, qui ne doit prononcer que sur les faits, et demeurer étrangere à tout le reste. Mais, il faut l'avouer, il est bien difficile que la rigueur de la théorie soit applicable à la pratique. Avant tout, il faudrait que les lois fussent au point de perfection où le juge n'a rien à faire qu'à les appliquer au cas proposé, n'a rien à prendre sur lui, rien à interpréter, rien à restreindre, en un mot n'est la voix d'une puissance

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que

qui par elle-même est muette. Or, cette perfection est-elle possible? Dans la jurisprudence criminelle, je le crois, surtout avec un jury bien institué : dans la jurisprudence civile, beaucoup plus compliquée, je ne le crois pas. Ce qui est certain, c'est que, même sans atteindre à ce dernier période, il faut au moins s'en rapprocher le plus qu'il est possible; et comme nous en étions infiniment éloignés, comme par la nature de nos ordonnances judiciaires, le juge pouvait beaucoup plus que la loi, il fallait bien laisser l'orateur remplir son premier devoir, qui est sans contredit de défendre, par tous les moyens qu'on lui permet, les intérêts qui lui sont confiés.

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Quant aux caracteres principaux qui distinguent en général les trois genres, le résultat de Quintilien est que le panégyrique, l'oraison funebre et tous les discours d'appareil sont ceux où l'éloquence peut déployer le plus de pompe et de richesse parce que l'orateur qui n'est chargé d'aucun intérêt, n'a d'autre objet que de bien parler. C'est là que style est susceptible de tous les ornemens de l'art, que la magnificence des lieux communs, l'artifice des figures, l'éclat des pensées et de l'expression trouvent naturellement leur place. L'éloquence délibérative doit être moins ornée et plus sévere; elle doit avoir une dignité proportionnée aux grands

sujets qu'elle traite. Il n'est pas permis alors à l'ora teur d'occuper de lui, mais seulement de la chose qui est en délibération. Il doit cacher l'art et ne montrer que la vérité. L'éloquence judiciaire doit être principalement forte de preuves, pressante de Faisonnemens, adroite et déliée dans les discussions, impétueuse et passionnée dans les mouvemens, et puissante à émouvoir les affections dans le cœur des juges.

Après avoir assigné ces caracteres, il avertit que, suivant l'occasion et les circonstances, chacun des trois genres emprunte quelque chose des autres; qu'il y a des causes où le style peut être très-orné, des délibérations où peut entrer le pathétique. Parmi nous, le genre démonstratif l'admet très-heureusement, comme on le voit dans les oraisons funebres de Bossuet et de Fléchier, dans les sermons de Massillon et de l'abbé Poulle, et dans ceux qui se sont montrés dignes de marcher sur leurs traces.

Le genre judiciaire est celui sur lequel Quintilien s'étend davantage, comme sur celui qui, de son tems surtout, était d'un plus grand usage. Il y distingue cinq parties : l'exorde, la narration, la confirmation, la réfutation et la péroraison. Ce sont encore celles qui composent la plupart des plaidoyers de nos jours. L'exorde a pour but de rendre le juge favorable, attentif et docile; la

narration expose le fait; la confirmation établit les moyens; la réfutation détruit ceux de la partie adverse; la péroraison résume toute la substance du discours, et doit graver dans l'esprit et dans l'ame du juge les impressions qu'il importe le plus

de lui donner.

Je ne le suivrai pas dans le détail des préceptes; c'est l'étude de l'avocat. Je me borne à choisir quelques traits dont l'application peut s'étendre à tout, et intéresser plus ou moins tous ceux qui lisent ou qui écoutent.

Il veut que l'exorde en général soit simple et modeste, qu'il n'y ait rien de hardi dans l'expression, rien de trop figuré, rien qui annonce l'art trop ouvertement. Il en donne une raison plausible. « L'orateur n'est pas encore introduit dans » l'ame de ses auditeurs; l'attention qui ne fait » que de naître, l'observe de sang-froid. On lui » permettra davantage quand les esprits seront » échauffés.

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» La narration doit être courte, claire et probable. Elle sera courte s'il n'y a rien d'inutile; car dans le cas même où vous aurez beaucoup de

choses à dire, si vous ne dites rien de trop, vous » ne serez pas trop long. Elle sera claire si vous » ne vous servez pour chaque chose que du mot »propre, et si vous distinguez nettement les tems,

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