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commandement des légions d'Asie, destinées à faire la guerre contre Mithridate. Cette commission ne pouvait être décernée que par un plébiciste, c'està-dire, par une loi particuliere, revêtue de l'autorité du peuple, et souffrait d'autant plus de difficultés, qu'on venait d'en donner une toute semblable à ce même Pompée, lorsqu'on l'avait ́envoyé contre les pirates de Cilicie. Les principaux du sénat, et à leur tête Hortensius et Catulus s'opposaient de toute leur force à la publication de la loi, regardant, non sans raison, comme un exemple dangereux dans une république, qu'on accumulât sur la tête d'un seul homme des commandemens extraordinaires. C'est dans cette occasion que Catulus, homme d'un mérite éminent et d'une vertu respecté, demandant au peuple romain à qui désormais il confierait les guerres les plus périlleuses et les plus importantes expéditions s'il venait à perdre par quelqu'accident ce même Pompée qu'il exposait sans cesse à de nouveaux dangers, entendit tout le peuple lui répondre d'une voix unanime: A vous-même, Catulus; témoignage le plus honorable qu'un citoyen ait jamais reçu de sa patrie. Cicéron, ami de Pompée, et persuadé que la premiere de toutes les lois c'est le salut de la république, monta pour la

premiere fois dans la tribune. Il avait alors quarante et un ans, et n'avait encore exercé ses talens que dans le barreau. Pour parler dans l'assemblée du peuple, il fallait communément être revêtu de quelque magistrature. Il venait d'être nommé préteur. Le peuple, accoutumé à l'applaudir dans les tribunaux, vit avec joie le plus illustre orateur de Rome paraître devant lui, et malgré l'éloquence d'Hortensius et l'autorité de Catulus, Cicéron l'emporta; la loi fut promulguée, et il fut permis à Pompée de vaincre Mithridate.

Mais s'il eut dans cette affaire l'avantage de parler pour un homme déjà porté par la faveur publique, le cas était bien différent lorsqu'il fut question de la loi du partage des terres. C'était depuis trois cents ans le vœu le plus cher des tribus romaines, l'appât journalier et le cri de ralliement de la multitude, le signal de la discorde entre les deux ordres et l'arme familiere du tribunat. Mais je dois avertir ici (1), puisque j'en ai l'occasion, que ces lois agraires, qui furent chez les Romains le sujet de tant de débats, n'avaient d'autre objet que de distribuer à un certain nombre de citoyens pauvres une partie des terres conquises, qui appartenaient à la république, qu'elle affermait

(1) Ceci fut ajouté et prononcé en 1794.

à des régisseurs, et dont le revenu, très-considérable, la dispensait de mettre aucun impôt sur le peuple. On voit d'ici, sans que j'entre dans une discussion qui n'est pas de mon sujet, pourquoi les bons citoyens s'opposerent toujours à ces lois; mais on voit surtout qu'il n'y était nullement question de porter la moindre atteinte à la propriété, qui fut toujours sacrée chez les Romains comme chez tous les peuples policés, encore moins de faire une égale répartition de toutes les terres entre tous les citoyens, comme on pourrait la faire en établissant une colonie dans une contrée nouvellement découverte, ou comme la firent autrefois les Barbares du Nord quand ils asservirent l'Europe. L'idée d'un semblable partage entre vingt-cinq millions d'hommes établis en corps de peuple depuis une longue suite d'années, n'entra jamais dans la tête des plus déterminés bandits dont l'histoire fasse mention, pas même dans celle des sicaires de la troupe de Catilina: celui qui en aurait parlé sérieusement, eût passé à coup sûr pour un fou furieux. Cette monstruosité inouie était réservée, ainsi que tant d'autres, à l'extravagance atroce des scélérats qui ont de nos jours désolé la France. L'exécution en était impossible de tant de manieres, qu'ils y ont renoncé, même quand ils pouvaient tout, et ils ont trouvé plus

court et plus simple d'ensanglanter la terre au lieu de la partager; de prendre tout, au lieu de tout niveler; de faire de vastes déserts, au lieu de petites portions; d'entasser des cendres et des cadavres, au lieu de poser des bornes; et de prendre en main, au lieu de la toise et du niveau, la faulx de la mort, sous le nom de faulx de l'égalité.

Rullus, tribun du peuple, avait entrepris de faire revivre cette loi agraire tant de fois proposée et toujours combattue. Cicéron, alors consul, Cicéron, qui devait son élévation au peuple, mais qui aimait trop ce même peuple pour le flatter et le tromper, attaqua d'abord les tribuns dans le sénat, et appelé par eux dans l'assemblée du peuple, devant qui la question avait été portée, il ne craignit pas de le rendre juge dans sa propre cause, lui montra évidemment de quelles illusions le berçaient des citoyens avides et ambitieux, qui couvraient d'un prétexte accrédité leurs intérêts particuliers; enfin, il poussa la confiance jusqu'à inviter les tribuns à monter sur le champ dans la tribune, et à discuter la question avec lui contradictoirement, en présence de tous les citoyens. Il fallait, pour faire un pareil défi, être bien sûr de sa propre force et de celle de la vérité. Les tribuns, quelque

avantage qu'ils dussent avoir à combattre sur leur terrain, n'oserent pas lutter contre un homme qui tournait les esprits comme il voulait; et battus devant le peuple comme ils l'avaient été dans le sénat, ils garderent un honteux silence. Depuis ce tems il ne fut plus question de la loi agraire, et Cicéron eut la gloire d'avoir fait tomber ce vieil épouvantail dont les tribuns se servaient à leur gré pour effrayer le sénat.

Le genre judiciaire comprend toutes les affaires qui se plaident devant des juges. Ce genre, ainsi que les deux autres, n'a pas eu la même forme parmi nous que chez les Anciens; car quoiqu'il soit vrai, dans un sens, qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, il est aussi vrai dans un autre, que tout a changé et que tout peut changer encore. Notre barreau ne ressemble pas même aujourd'hui à celui des Grecs et des Romains les particuliers ne sont pas accusateurs : il n'y a point d'affaires contentieuses portées au tribunal du peuple. La plus mémorable de toutes celles de cette derniere espece, fut la querelle d'Eschine et de Démosthene, dont je parlais tout à l'heure, et la défense de ce dernier passe pour le chef-d'œuvre du genre judiciaire. Mais aussi toutes choses d'ailleurs

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égales, que de raisons pour que cela fût ainsi 2

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