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Quintilien distingue, ainsi qu'Aristote et les plus anciens rhéteurs, trois genres de composition oratoire, le démonstratif, le délibératif et le judiciaire. Le premier consiste principalement à louer ou à blâmer, et comprend sous lui le panégyrique et l'oraison funebre qui étaient en usage chez les Anciens comme parmi nous, mais avec les différences que devaient y mettre les mœurs et la religion. L'oraison funebre, par exemple, a chez nous un caractere religieux; elle ne peut se prononcer que dans un temple, et fait partie des cérémonies funéraires : l'orateur doit être un ministre des autels, et cet éloge des vertus et des talens, trop souvent ne fut accordé qu'au rang et à la naissance, dans ces mêmes chaires où l'on prêche tous les jours le néant de toutes les grandeurs humaines. Chez les Anciens, l'oraison funebre avait un caractere public, mais nullement religieux; c'était un des parens du mort qui la prononçait dans l'assemblée du peuple. On y faisait paraître les images des ancêtres, et c'était pour les grands de Rome une occasion de faire valoir aux yeux du peuple la noblesse, l'illustration et les titres de leur famille. Les historiens ont remarqué que JulesCésar, encore fort jeune, faisant ainsi l'éloge funebre de sa tante Julie, exalta en termes magnifiques leur origine commune, qu'il faisait remonter,

d'un côté, jusqu'à la déesse Vénus, et de l'autre, jusqu'à l'un des premiers rois de Rome, Ancus Marcius. « Ainsi, disait-il, on trouve dans ma

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famille la sainteté des rois qui sont les maîtres

des hommes, et la majesté des dieux qui sont » les maîtres des rois. >>

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Parmi les morceaux du genre démonstratif chez les Anciens, on compte principalement le panégyrique d'Évagore, roi de Salamine, qui avec une faible puissance avait fait de grandes actions. Celui de la république d'Athenes du même auteur, ne peut pas être rangé dans la même classe, parce qu'ayant pour principal objet d'engager les Athéniens à se mettre à la tête des Grecs pour faire la guerre aux Barbares, il rentre dans le genre délibératif. Vient ensuite le panégyrique de Trajan, le chef-d'œuvre du second âge de l'éloquence romaine, c'est-à-dire, lorsque déchue de sa premiere grandeur, elle substituait du moins tous les agrémens de l'esprit aux beautés simples et vraies qui avaient marqué l'époque de la perfection. L'ouvrage de Pline, malgré ses défauts, lui fait encore honneur dans la postérité, surtout parce qu'en louant un souverain, l'auteur fut assez heureux pour ne louer que la vertu.

On a reproché à Trajan de s'être prêté avec

trop

de complaisance à s'entendre louer dans un discours d'apparat pendant plus de deux heures. Mais les lettres de Pline justifient le prince de cette accusation trop légérement intentée. On y voit que le panégyrique, tel que nous l'avons, ne fut jamais prononcé ; que ce n'était originairement qu'un. remercîment d'usage, adressé dans le sénat par le consul désigné, à l'empereur qui l'avait choisi pour cette dignité. Pline, en s'acquittant de ce devoir, s'étendit un peu plus que de coutume sur les louanges de Trajan, et ce morceau fit un plaisir si général, qu'on engagea l'auteur à le développer et à en faire un ouvrage. C'est ce qui nous a valu le panégyrique que nous lisons aujourd'hui, que Trajan lut sans doute, mais que l'auteur ne prononça point. On est heureux d'avoir à relever ces sortes d'erreurs, et d'éloigner de la vertu le reproche d'avoir manqué de modestie.

Un autre ouvrage de la même espece, mais d'un style bien différent, c'est le discours qui, parmi ceux de Cicéron, est intitulé assez improprement pro Marcello, pour Marcellus, comme s'il eût plaidé pour lui, ainsi qu'il avait fait pour Ligarius et pour le roi Déjotare. Ce discours n'est en effet qu'un remercîment adressé à César, et dont la beauté est d'autant plus admirable, qu'il ne pouvait pas

être préparé. Marcellus avait été un des plus ardens ennemis de César : depuis la défaite de Pharsale il s'était retiré à Mitylene, où il cultivait en paix les lettres qu'il aimait passionnément. Dans une assemblée du sénat, où Pison avait dit un mot de lui comme en passant, son frere Caïus s'était jeté aux pieds du dictateur pour en obtenir le retour de Marcellus. César, qui semblait ne demander jamais qu'une occasion de pardonner, se plaignit avec beaucoup de douceur de l'opiniâtreté de Marcellus, qui paraissait vouloir toujours être son ennemi, et ajouta que si le sénat desirait son rappel, il n'avait rien à refuser à une si puissante intercession. Les sénateurs répondirent par des acclamations, et s'approcherent de César pour lui rendre des actions de graces, d'autant plus touchés de ce qu'il venait de faire, que Marcellus était un des meilleurs et des plus illustres citoyens de Rome, et qu'ils s'attendaient moins à la faveur qu'ils venaient d'obtenir, César, quoiqu'il ne pût pas douter des dispositions du sénat, qui venaient de se manifester si clairement, voulut recueillir les suffrages dans les formes, et l'on croit que son intention. avait été d'engager Cicéron à parler. Ce grand citoyen, depuis que César régnait dans Rome, avait gardé le silence dans toutes les assemblées du sénat, ne voulant ni offenser le dictateur qui

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le comblait de témoignages d'estime et de bienveillance, ni prendre aucune part à un gouvernement qui n'était plus fondé sur les lois. Il était intime ami de Marcellus, et César, qui le connaissait, se douta bien que sa sensibilité ne résisterait pas à cette épreuve il ne fut pas trompé. Cicéron se leva quand ce fut son tour d'opiner, et au lieu d'une simple formule de compliment dont s'étaient contentés les autres consulaires, l'orateur adressa au héros le discours le plus noble, le plus pathétique, et en même tems le plus patriotique que la reconnaissance, l'amitié et la vertu puissent inspirer à une ame élevée et sensible: il est impossible de le lire sans admiration et sans attendrissement. On convient qu'en ce genre il n'y a rien à comparer à ce morceau; et quand on fait réflexion qu'il faut ou démentir les témoignages les plus authentiques, ou croire qu'il fut composé sur le champ; lorsqu'ensuite on se rappelle tout ce qu'il faut aujourd'hui de tems, de réflexions et de travail pour produire quelque chose qui approche du mérite de ces productions du moment qui ne mourront jamais, on serait tenté de croire que ces Anciens étaient des hommes d'une nature supérieure, si l'on ne se souvenait que dans les anciennes républiques l'éloquence respirait son air natal, et qu'elle n'a été parmi

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