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sain; des raisonnemens captieux, des pointes ; de faux brillans, des tours de force; c'est tout ce qu'on remarque dans ce qui nous reste de ces étranges plaidoieries. Tout l'esprit qu'on y a perdu, ne vaut pas une page de Cicéron ou de Démosthene.

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C'est de là qu'est venu parmi nous l'usage d'appeler déclamation, en vers et en prose, ce défaut aujourd'hui presque général, qui consiste à exagérer ambitieusement les objets, à s'échauffer hors de propos, à se perdre dans des lieux communs étrangers à la question. Dans tous ces cas, plus on veut élever et animer son style, plus on le rend déclamatoire, parce qu'au lieu de montrer un orateur rempli de son sujet ou un personnage pénétré de sa situation, on nous montre à peu près ce même jeu d'esprit qui était propre aux anciens déclamateurs.

Malheureusement il parut à cette époque un écrivain célebre, qui ayant assez de mérite pour mêler de l'agrément à ses défauts, contribua beaucoup à la perte du bon goût. Ce fut Séneque, qui, né avec beaucoup plus d'esprit que de véritable talent, était plus intéressé que personne à ce que l'esprit tînt lieu de tout, et qui trouva plus commode de décrier l'ancienne éloquence, que de chercher à l'égaler. Il ne cessait, dit

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Quintilien, de se déchaîner contre ces grands modeles, parce qu'il sentait que sa maniere d'écrire était bien différente de la leur, et qu'il se défiait de la concurrence. Son style haché, sentencieux, sautillant, eut aux yeux des Romains le charme de la nouveauté, et ses écrits eurent une vogue prodigieuse, que sa longue faveur et sa grande fortune durent augmenter encore. Pour être à la mode, il fallait écrire comme Séneque. «< Rien » n'est si dangereux, dit judicieusement l'abbé » Gedoyn, que l'esprit dans un écrivain qui n'a point de goût. Les traits de lumieres dont il brille, frappent les yeux de tout le monde, et » ses défauts ne sont remarqués que d'un petit » nombre de gens sensés. » Ils n'échapperent point à Quintilien, qui conçut le projet courageux de faire revivre la saine éloquence décréditée, et de la faire rentrer dans tous ses droits. Il commença la plus efficace de toutes les leçons, mais la plus difficile de toutes, l'exemple. Il parut au barreau avec éclat, et ses plaidoyers que nous avons perdus, furent regardés comme les seuls qui rappelassent le siecle d'Auguste. On retrouva, on reconnut avec plaisir cette diction noble, naturelle, intéressante, qui depuis si long-tems était oubliée. Son livre des Causes de la corruption de l'éloquence, qui ne nous est pas parvenu, ouvrit les yeux des

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Romains; car il y a toujours un grand nombre d'hommes désintéressés, qui sont dans l'erreur sans y être attachés, et qui ne demandent pas mieux que de voir la lumiere quand on la leur présente. On vit dans Quintilien le restaurateur des lettres. On se réunit pour l'engager à enseigner publiquement un art qu'il possédait si bien, et on lui assigna des appointemens sur le trésor public, honneur qu'on n'avait encore fait à personne. L'empereur lui confia l'éducation de ses neveux, et le décora des ornemens consulaires. Quintilien, pour mieux répondre à la confiance et à l'estime qu'on lui témoignait, renonça aux exercices du barreau, quelqu'attrait et quelqu'avantage qu'ils lui offrissent, et se consacra pendant vingt ans à donner des leçons à la jeunesse romaine. C'est dans la retraite qui suivit ce long travail, qu'il composa ses Institutions oratoires : il avait alors près de soixante ans. L'antiquité nous a transmis son nom avec les plus grands éloges, et Martial l'appelle la gloire de la toge romaine,

Gloria romana, Quintiliane, toga.

Mais son plus bel éloge est sans contredit son Quvrage.

Il est divisé en douze livres. Il prend l'orateur dès le berceau et dirige ses premieres études. Les

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idées générales qui remplissent les deux premiers livres sont, pour les parens et pour les maîtres, même en mettant à part le dessein particulier de l'auteur, d'excellens préceptes d'éducation. Il combat victorieusement ceux qui prétendent qu'il ne faut appliquer un enfant à aucune espèce d'étude avant l'âge de sept ans. « J'aime mieux, dit-il, » m'en rapporter ceux qui ont cru avec Chrisippe, qu'il n'y avait dans la vie de l'homme » aucun tems qui ne demandât du soin et de la culture. Qui empêche que dès le premier âge on » ne cultive l'esprit des enfans, comme on peut » cultiver leurs mœurs? Je sais bien qu'on fera plus dans la suite en un an, que l'on n'aura pu faire » durant tout le tems qui a précédé; mais il me

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paraît néanmoins que ceux qui ont tant ménagé » les enfans, ont prétendu ménager encore plus les » maîtres. Après tout, que veut-on que fasse un

enfant depuis qu'il commence à parler? Car enfin » il faut bien qu'il fasse quelque chose ; et si l'on » peut tirer de ses premieres années quelqu'avan»tage, si petit qu'il soit, pourquoi le négliger? Ce que l'on pourra prendre sur l'enfance est autant de gagné pour l'âge qui suit. Il en est de même de tous » les tems de la vie. Tout ce qu'il faut savoir, qu'on l'apprenne toujours de bonne heure: ne souffrons point qu'un enfant perde ses premieres années

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» dans l'habitude de l'oisiveté. Songeons que pour » ces premieres études il ne faut que de la mémoire, » et que non-seulement les enfans en ont, mais qu'ils en ont même beaucoup plus que nous. Je trop aussi la portée de chaque âge, pour » vouloir qu'on tourmente d'abord un enfant, et qu'on lui demande plus qu'il ne peut. Il faut se garder surtout de lui faire haïr l'instruction dans un tems où il ne peut encore l'aimer, de peur » que le dégoût qu'on lui aura une fois fait sentir, » ne le rebute pour toujours. L'étude doit être un jeu pour lui. Je veux qu'on le prie, qu'on le

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loue, qu'on le caresse, et qu'il soit toujours bien » aise d'avoir appris ce que l'on veut qu'il sache. Quelquefois ce qu'il refusera d'apprendre, on l'enseignera à un autre, c'est le moyen de piquer » sa jalousie. Il voudra le surpasser, et on lui laissera » croire qu'il a réussi. Cet âge est fort sensible à de

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petites récompenses; c'est encore une amorce dont il faut se servir. Voilà de bien petits pré

»ceptes pour un aussi grand dessein que je me suis proposé. Mais comme les

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plus robustes ont eu de faibles commencemens, le lait et le berceau, les études ont aussi » leur enfance. »

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Ceux qui ont lu Émile, croiront entendre Rousseau on indique ici les idées qu'il a si bien

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