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vertueux (1), prononcée par un évêque digne d'être son éleve; mais l'éloge de MarcAurele, composé par un orateur philosophe; mais le beau plaidoyer où l'avocatgénéral Servan associa la cause de tout un peuple d'opprimés à celle d'un protestant, et la fit triompher; mais plus d'un ouvrage de nos jours, où la plus riche éloquence n'a servi qu'à développer les plus importans objets de la législation et du gouverne→ ment, ces grandes et belles productions, j'ose le dire, ne sont pas proprement des livres, mais des lois, des bienfaits, des exemples, des monumens; et si dans ce genre, comme dans tout autre, on a reproché trop souvent aux hommes une justice tardive, je crois m'honorer, ainsi que vous, en vous offrant l'occasion de devancer l'hommage de nos neveux et la voix de l'avenir.

Si l'éloquence est si importante dans son

(1) Celle de M. Léger, curé de Saint-André-des-Arcs, faite par son éleve et son ami, l'évêque de Senez.

objet,

objet, si noble dans ses motifs, si utile dans ses travaux, ne dédaignons pas la science qui lui sert de guide et d'introductrice, la rhétorique. Ne nous faisons pas scrupule de revenir un moment sur ces premieres notions, qui sont le plus souvent pour la jeunesse un passe-tems plutôt qu'une. instruction, et qui peuvent être aujour d'hui plus fructueuses pour des esprits plus formés. C'est la connaissance des premiers principes bien développés et bien conçus, qui nous met à portée de mieux sentir le mérite de ceux qui ont su les appliquer. Souvenons-nous, pour me servir d'une comparaison de Quintilien, que la voix du plus grand orateur a commencé par n'être. que le bégaiement de l'enfance, et nous ne mépriserons pas les premieres traces qui marquent la route du génie. Quand la magie des décorations théâtrales nous représente la majesté d'un temple, la pompe d'un palais, la verdure d'un bocage, nos yeux sont enchantés de ce spectacle; mais pour leur faire cette agréable illusion, il a fallu ďabord

Cours de littér. Tome II,

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étudier les effets de la perspective, le jeu de la lumiere et des ombres, et le prestige des couleurs.

Je m'étais proposé d'analyser avec vous la rhétorique d'Aristote : mais plusieurs raisons m'en ont détourné. D'abord les quatre livres qu'il a composés sur cette vaste matiere, et dont le dernier, adressé à son disciple Alexandre, n'est qu'un résumé des trois premiers, sont un traité de philosophie, plus encore que de l'art oratoire. Aristote se fondant sur ce que ceux qui avaient écrit avant lui sur le même sujet en avaient trop négligé la partie morale, embrasse celle-ci de préférence, et d'autant plus qu'elle était analogue à sa maniere de considérer les objets. Accoutumé à généraliser toutes ses idées, il applique à la rhétorique la méthode des universaux. Ainsi, par exemple, à propos du genre délibératif qui roule particuliérement sur la discussion de l'utile et de l'honnête, il passe en revue tous les rapports sous lesquels les actions humaines peuvent être ou honnêtes ou utiles.

A propos du genre judiciaire, il examine la nature des preuves, la vraisemblance ou l'invraisemblance, le réel ou le possible, la maniere d'accuser ou de défendre, d'émou voir dans le cœur des juges les différentes passions qui peuvent les déterminer, comme la haine ou l'amour, l'indignation ou la pitiê; mais il traite toutes ces matieres avec l'austérité d'un philosophe qui veut d'abord que l'on songe à être un bon moraliste avant d'être orateur. C'est là sans doute une excellente étude pour celui qui, se destinant à cet emploi, veut asseoir son art sur une base solide, et connaître bien tous les matériaux qu'il doit mettre en œuvre. Mais, vous le savez, ce n'est pas là ce qui doit nous occuper. Il ne s'agit point ici de former des orateurs ni des poëtes, mais d'acquérir une idée juste de la belle poésie et de la saine éloquence. Nous n'enseignons point à broyer les couleurs ni à tenir le pinceau, mais à voir, à juger, à sentir l'effet et l'expression du tableau, et le mérite du peintre. A l'égard des moyens que l'artiste

emploie et des principes qu'il doit suivre, il suffit qu'ils ne nous soient pas étrangers: c'est à lui seul à les approfondir pour les pratiquer. Quintilien lui-même, dans ses Institutions oratoires, se contente d'indiquer les différentes parties de l'art, et d'y joindre des préceptes de goût. Il renvoie aux écoles ceux qui veulent en savoir davantage. Sɔn ouvrage, rempli d'esprit et d'agrément, est celui qui nous convient, et c'est avec lui que nous allons revenir sur les élémens de l'art oratoire, dont nous ne prendrons que ce qu'il nous faudra pour lire ensuite les orateurs avec plus de plaisir et plus de fruit, et nous familiariser avec cette partie du langage didactique qu'il n'est pas permis d'ignorer quand on a reçu quelqu'édu

cation.

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