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La plupart

au contraire sont des discours en vers,

à peu près aussi suivis, aussi bien liés qu'ils le seraient en prose. Je ne dis pas qu'il faille nous en blâmer absolument; mais ne seraient-elles pas susceptibles d'un peu plus d'enthousiasme et de rapidité qu'on n'en remarque, même dans nos plus belles? C'est ce qu'il sera tems d'examiner quand il sera question des lyriques modernes (1).

(1) Parmi eux la premiere place appartient sans contredit à Rousseau. Mais en finissant cet article, peut-être n'est-il pas inutile d'observer, pour l'intérêt du goût, quel tort lui font ceux qui, rédigeant au hasard des livres élémentaires, des poétiques, des rhétoriques à l'usage des jeunes gens, les induisent en erreur, en citant, à l'abri d'un nom célebre, de très-mauvais vers dont il ne faudrait parler que pour en faire voir les défauts, bien loin de les rapporter comme dés autorités. Tous ces compilateurs qui se copient fidélement les uns les autres, et dont le nombre est infini, ne manquent jamais, à propos d'Horace, de transcrire le jugement qu'en a porté Rousseau dans ses épîtres. Le voici‹

Non moins brillant, quoique sans étincelle,
Le seul Horace en tous genres excelle,
De Cythérée exalte les faveurs,

Chante les dieux, les héros, les buveurs,
Des sots auteurs berne les vers ineptès,
Nous instruisant par gracieux préceptes
Et par sermons de joie antidotés.

De jeunes étudians dont le goût ne peut pas encore être

:

formé, se mettent ces vers dans la mémoire, parce qu'on les leur a fait répéter dans leurs exercices du collége, et les croient bons parce qu'ils sont de Rousseau. Il faudrait au contraire leur faire voir tous les vices de ce style, et combien il rassemble de fautes. Il n'est pas vrai qu'Horace soit sans étincelles il en a de plus d'une sorte, s'il est vrai qu'on doive entendre par ce mot des traits saillans: ses odes surtout en sont pleines. Ce vers de Rousseau semblerait dire que les étincelles sont un défaut; mais jamais ce mot n'a été pris en mauvaise part, et quoiqu'un mauvais ouvrage puisse avoir des étincelles, rien n'empêche qu'il n'y en ait dans les mei!leurs, Dire qu'un écrivain tel qu'Horace exalte les faveurs de Cythérée, c'est s'exprimer d'une maniere froide et flasque. Le plus mince rimailleur peut exalter ces faveurs-là ; mais un Horace, un Chaulieu, un Tibulle en parlent en amans ten poëtes, les sentent et les font sentir, et ne les exaltent pas, Berner les vers ineptes est une expression basse qui ne peut passer dans un morceau sérieux, et la rime d'ineptes ct de préceptes est d'une dureté choquante dans un endroit qui devrait avoir de la grace, Instruire par préceptes et par sermons est une construction marotique très-déplacée quand on donne des leçons et qu'on cite un modele ; et des sermons de joie antidotés sont d'un jargon barbare qu'il faudrait réprouver partout. Ces remarques n'empêchent pas que Rousseau ne soit dans d'autres ouvrages un excellent versificateur; mais c'est pour cela même qu'il ne faut pas aller chercher ce qu'il a de plus mauvais, pour le placer dans des livres didactiques. C'est un piége tendu à la jeunesse, que ces livres devraient éclairer.

CHAPITRE VII I.

De la poésie pastorale et de la fable chez

les Anciens.

SECTION PREMIERE.

Pastorales.

pas

Il n'y a point de poésie plus décréditée parmi nous, ni qui soit plus étrangere à nos mœurs et à notre goût. Ce n'est la faute du genre, qui, comme tous les autres, est bon quand il est bien traité, et qui a de l'agrément et du charme : c'est que notre maniere de vivre est trop loin de la nature champêtre, et que les modeles de la vie pastorale et des douceurs dont elle est susceptible, n'ont jamais été sous nos yeux. C'est dans des climats favorisés de la nature, sous un beau ciel, dans une condition douce et aisée, que les bergers et les habitans des hameaux peuvent ressembler en quelque chose aux bergers de Théocrite et de Virgile. Ce qui le prouve, c'est que les combats de la flûte, tels que nous les voyons tracés dans les églogues grecques et latines, sont encore en

usage en Sicile. Il ne faut donc pas croire que ce soit un jeu de l'imagination des poëtes. De tour tems la poésie a été imitatrice, et des paysans grossiers misérables, abrutis par la misere, la crainte et le besoin, n'auraient jamais pu inspirer aux poëtes l'idée d'une églogue. Les poëtes embellissent, il est vrai; mais il faut que l'objet les ait frappés avant qu'ils songent à l'orner : ils ne peignent pas le contraire de ce qu'ils voient. Sans doute nos bucoliques modernes ne sont que des imitations des Anciens, ne sont que des jeux d'esprit. Il n'y a plus parmi nous de Corydons ni de Tyrcis ; mais il y en avait en Grece et en Italie. Le goût du chant et de la poésie n'y était point étranger aux pasteurs. Il y a des climats où ce goût est naturel, et pour ainsi dire un fruit du sol et un don de la nature. Jugeons-en seulement par nos provinces du midi de la France. Qui ne connaît pas la gaieté des danses et des chansons provençales? Leurs couplets amoureux et leurs airs tendres sont venus du fond des campagnes jusque sur les théâtres de la capitale c'est que partout où l'on ressent les influences d'une nature riante et bienfaitrice, on se livre aisément à tous les plaisirs faciles et simples, à tous les goûts innocens qu'elle a mis à la portée de tous les hommes. Voilà dans quel esprit

il faut lire les Idylles champêtres de Théocrite et les Eglogues de Virgile.

la grace,

On sait que Théocrite était né à Syracuse, On remarque dans ses poésies, du naturel et de le talent de peindre des sentimens doux, et même dans quelques-unes de ses pieces, des passions fortement exprimées. Celle où il représente une bergere employant les enchantemens pour ramener un amant volage, a été regardée par Racine comme un des morceaux les plus passionnés qu'il y eut chez les Anciens. Son caractere dominant est la simplicité et la vérité; mais cette simplicité n'est pas toujours intéressante, et va quelquefois jusqu'à la grossiéreté. Il offre au lecteur de circonstances indifférentes, trop trop détails communs, et ses sujets ont entr'eux trop de ressemblance. La plupart sont des combats de Aûte et des querelles de bergers. Il est vrai qu'il a fait trente églogues, et que Virgile son imitateur n'en a fait que dix. Mais aussi Virgile est beaucoup plus varié; il est aussi plus élégant; ses bergers ont plus d'esprit, sans jamais en avoir trop. Son harmonie est d'un charme inexprimable : il a un mélange de douceur et de finesse qu'Horace regarde avec raison comme un présent particulier que lui avaient fait les Muses champêtres, molle

de

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