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que

la nature rend à son auteur, il est tout simple que des philosophes tels que Diderot, qui se servent quelquefois du nom de Dieu, dans leurs phrases, comme d'une figure de rhétorique, mais qui n'en veulent pas dans leur philosophie, ne s'accommodent nullement d'un dessein dans l'ouvrage quand ils rejet ent absolument l'ouvrier. C'est, au moins sous ce point de vue, être conséquent dans l'absurde; ce qui ne leur arrive pas toujours.

Où l'auteur a-t-il pris que les causes finales étaient un système? C'est un fait, non-seulement démontré en physique, mais d'une nécessité métaphysique, précisément comme le rapport des prémisses à la conséquence est nécessaire et essentiel en logique. Dès qu'il y a une connexion de la fin aux moyens, qui dans les phénomènes naturels suppose l'intelligence, le dessein de cette connexion (qu'on appelle cause finale) est aussi nécessairement renfermé dans les phénomènes, que la conséquence d'un raisonnement juste l'est dans les prémisses. On objecte que l'obsérvation est susceptible d'erreur sur les phénomènes, et par conséquent sur les causes finales. Qui en doute? Mais nos connaissances sont-elles nulles pour être infaillibles, et les sciences n'existent - elles plus parce qu'il n'y en a pas qui ne puisse être fautive? On objecte l'abus qu'ont fait des causes finales ceux qui ont voulu en voir où il n'y en avait pas;

et l'objection prouve contre ceux qui ont abusé, et nullement contre la chose. Enfin, Diderot tranche en ces termes, par sa méthode impérative: « Le physicien, dont la profession est d'instruire, » et non pas d'édifier, abandonnera le pourquoi, et ne s'occupera que du comment. Le » comment se tire des êtres, le pourquoi de notre >> entendement : il tient à nos systèmes ; il dépend » du progrès de nos connaissances. >>

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Et où serait le mal que la physique pût à la fois instruire et édifier? Songez, messieurs, que cette édification que l'on interdit ici au physicien ne va pas plus loin que l'idée d'un Ètre suprême, d'un Dieu créateur; et appréciez, si vous le pouvez, l'espèce d'horreur qu'inspire à Diderot et à tous les athées cette seule idée d'un Dieu. Jugezen par cette inhibition si sévèrement adressée au physicien «< Observe, si tu peux, la régularité » des phénomènes; c'est là nous instruire: mais garde-toi d'y montrer jamais un dessein et une » intelligence; tu édifierais, et ce n'est pas ta » profession d'édifier. » Le physicien qui n'aura pas l'honneur d'être athée (et ce mot, qui ne vous parait qu'une ironie, est très-sérieux dans la secte) peut répondre à Diderot : De quel droit ôtez-vous donc à ma profession un but moral, quand il n'y en a pas une qui ne s'honore de pouvoir en offrir un? Depuis quand est-il défendu à la science de servir à nous rendre meilleurs? Sans

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cela toute science n'est-elle pas vaine, au jugement même des sages du paganisme? Quoi! Voltaire veut que la poésie même, à qui l'on permet de n'être qu'agréable, soit utile à la morale, sous peine d'être un art frivole, et Diderot ne veut pas que la physique puisse édifier! Il veut que le physicien explique la machine, sans dire un mot de l'intention de l'ouvrier. Malheureux! tâchez donc d'empêcher qu'elle ne se manifeste par ellemême. Tachez qu'elle ne se montre pas aux yeux de la raison, comme la lumière aux yeux du corps. Empêchez qu'une démonstration anatomique ne soit un assemblage de prodiges qui jettent les spectateurs dans l'extase; et quand ils auront été atterrés du merveilleux mécanisme nécessaire pour la seule circulation du sang, quand ils auront d'autant plus admiré l'invariabilité des effets, qu'ils auront été plus épouvantés de la fragilité des ressorts, mettez-vous à ma place, et venez leur dire : « Tout cela est fort beau, il est vrai, » mais si vous croyez que les vaisseaux, les artères » et les soupapes aient été disposés ainsi pour que >> toute la masse du sang passât par le cœur de cinq » minutes en cinq minutes, et y renouvelât sans » cesse la vie, vous vous trompez beaucoup. Il y a » ici quelque chose de plus beau, dont vous ne » vous doutez pas, parce que vous n'êtes pas philosophes: c'est que tout cela s'est fait tout seul. >> C'est une consolation, messieurs, que la haine

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contre Dieu nécessite absolument de si enormes absurdités. J'accorderai que nos sophistes ont d'ailleurs plus d'esprit que celui dont Malherbe disait si plaisamment : Dieu a là un sot ennemi. Mais je vois partout un malheur attaché à l'athéisme, et qui suffirait seul pour en dégoûter; c'est qu'il y a pour les athées un chapitre, et celui-là revient très-souvent, sur lequel celui d'entre eux qui aura le plus d'esprit sera toujours forcé de raisonner comme s'il n'en avait pas l'ombre, et cela est dur. On disait autrefois que les voleurs avaient une maladie de plus que les autres hommes, la potence; et la révolution les en a guéris, comme cela était juste. On peut dire de même que les athées ont une maladie du cerveau que les autres hommes ne connaissent pas; et rien ne les en guérira jamais, si la révolution même n'a pu en

venir à bout.

Qu'est-ce encore que cette distinction du comment et du pourquoi, dont l'un se tire des étres et l'autre de notre entendement ? Comme si le comment et le pourquoi, c'est-à-dire les moyens et la fin, n'étaient pas également dans les êtres, physiques; comme si l'un et l'autre n'étaient pas également en eux le sujet sur lequel notre entendement opère par le jugement et la comparaison. Et c'est à des philosophes qu'on est obligé de rappeler ces notions élémentaires que n'ignore pas le moindre écolier. Il le faut pourtant, sans quoi

les ignorans admireraient l'antithèse doctorale du comment et du pourquoi, d'autant plus qu'elle n'a ici aucun sens. Le pourquoi, nous dit-on, dépend du progrès de nos connaissances. Vous verrez que le comment n'en dépend pas ! Vous verrez que l'exacte observation de la fin et des moyens, et des rapports qui lient l'un à l'autre, ne dépend pas du plus ou du moins de sagacité et de science qu'on y apporte ! C'est cela même qui nous apprend pourquoi les causes finales ont été plus d'une fois mal saisies on gratuitement supposées. Quoiqu'elles existent partout nécessairement, partout indépendamment de nos connaissances; quoique, dans toute mécanique, le rapport des forces à la résistance, du ressort au frottement, du levier au fardeau, existe, aperçu ou inaperçu, il est très-sûr que nous ne pouvons l'expliquer qu'en raison de nos connaissances. C'est cette explication qui dépend de leur progrès, et nullement la chose même ; et c'est un artifice de sophiste de substituer l'une à l'autre. Il n'est pas moins sûr que cette explication est plus ou moins facile, suivant que les causes finales sont plus ou moins clairement marquées dans chaque partie de l'œuvre du Créateur, et qu'il en est même beaucoup qui doivent nous échapper, parce que nous n'en savons pas autant que lui, quoique nos philosophes en sachent beaucoup plus que lui. Mais parce qu'on ne voit pas tout, ne voit-on rien? Parce

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