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penserez de prouver, contre Diderot et tous les sophistes du siècle, que les miracles constatés sont évidemment une œuvre divine, et par conséquent un témoignage irrécusable de la vérité, puisque le Dieu de vérité ne saurait employer sa puissance en faveur du mensonge : c'est une thèse inexpugnable en bonne métaphysique; mais c'est aussi parce que la religion est appuyée sur cette colonne que Diderot et consorts ont fait des efforts si multipliés et si vains pour la renverser. C'est là tout ce que nous pouvons voir ici, sans perdre le temps à mettre d'accord entre eux ni avec euxmêmes des hommes qui n'y ont jamais pensé. Vous devez dès à présent les connaître assez pour n'en pas douter. Je puis ajouter que, dans leur plan, ils n'avaient pas plus le besoin d'être conséquens qu'ils n'en avaient l'envie et le pouvoir. C'est pour édifier en quelque genre que ce soit qu'il faut un ordre d'idées conséquentes. Pour détruire, c'est tout le contraire : il ne faut alors que suivre une seule idée, celle de la destruction. Le bien est dans l'ordre, et le mal dans le désordre. Le génie du mal est donc essentiellement le désordre en tout, et tel est aussi le génie de cette philosophie et de sa révolution.

Tout ce qui reste du passage singulier que j'ai cité, et ce qui est bon à retenir, c'est que Diderot a crié crucifuge contre tous ceux qui contredisent la religion de leur pays, eussent-ils fait des mi

racles. Laissons se débattre contre lui ceux qui veulent que l'on puisse prêcher dans une même rue Jésus-Christ et Mahomet, Brama et Sommonacodon, et qui appellent cela tolérance, liberté de penser et droit de l'homme. Nos soi-disant philosophes doivent être d'autant plus embarrassés de la sentence dictée par Diderot, d'autant plus sûrs d'être pendus de sa façon, qu'ils n'ont pas même encore fait des miracles, ni essayé d'en faire, si ce n'est peut-être ceux de la révolution, qui, dans un sens, sont bien réellement des miracles, mais non pas à leurs yeux ; et je ne sais si Diderot lui-même serait plus content de ceux-là que de tous les autres.

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« Une seule démonstration, dit-il, me frappe plus que cinquante faits.»

Peu lui importe que le bon sens lui crie: Votre proposition est insignifiante, car les faits sont aussi une démonstration, et aussi forte qu'il soit possible, dès que les faits sont certains. Ou il faut admettre cet axiome, fondement de toute philosophie, et particulièrement de la physique; ou il faut affirmer avec les pyrrhoniens qu'il n'y a pas de faits certains, et vous-même vous vous êtes moqué du pyrrhonisme. Qu'est-ce donc que Diderot a voulu dire? Encore une fois, ne le lui demandez pas; il ne s'agit que de ce qu'il a voulu faire, et il a voulu saper en philosophie la preuve de fait, parce qu'il y a au monde une religion fondée

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sur des faits, comme l'ont avoué Fontenelle Montesquieu et J.-J. Rousseau 1. Voilà tout ce que Diderot a voulu le reste lui est indifférent. Il n'ignorait pas que tout homme capable de raisonner pouvait lui répondre Achevez du moins votre proposition, si vous voulez qu'on la comprenne. Voulez-vous dire qu'une seule démonstration vous frappe plus que cinquante faits incertains ou faux? Ce serait une niaiserie. Il faut donc que vous disiez plus que cinquante faits certains, et c'est une extravagance, puisqu'il est reçu par tous les philosophes que la certitude de faux équivaut à toute autre certitude. Mais Diderot savait aussi que, toute simple qu'est cette réponse, jamais un sot ne la lui ferait, et c'était assez pour lui et ses pareils. Quant aux hommes instruits, vous savez comme ils s'en débarrassaient; par un concert d'invectives et de calomnies, tant qu'ils n'ont pas eu d'autres armes; et dès qu'ils ont eu la puissance, par ce décret très-philosophique : « Qui» conque parlera dans un autre sens que nous » sera égorgé sur-le-champ. » On ne niera pas ce fait, il est trop public; mais on répliquera que

1 On sait que Fontenelle disait du christianisme, « C'est » la seule religion qui a des preuves »; Rousseau, « Les >> faits de Jésus-Christ sont plus attestés que ceux de So> crate; » et voyez dans l'Esprit des Lois l'éloge du christianisme, considéré en politique, et tout le bien qu'il a fait au monde.

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le décret est rapporté. Soit je n'examine pas comment, ni pourquoi, ni à quel degré. Mais aussi, à défaut d'autre réponse, le concert d'injures a recommencé....

Voulez-vous savoir pourquoi Diderot fait tant de cas d'une démonstration, quoiqu'il ne veuille pas de celle des faits? « C'est, dit-il, grâces à » l'extrême confiance que j'ai dans ma raison. » Extréme en effet, il faut en convenir. Cet amour propre est très-naïf; peut-être serait-il sublime, s'il n'était pas assez universellement reconnu que cet amour-propre-là est de tous les temps celui des sots, et ce qui est dans la tête de tous les sots ne devait pas se trouver sous la plume d'un homme d'esprit. Rien n'est pourtant plus commun chez nos philosophes, et nous verrons pourquoi, quand nous en serons à Rousseau, qui en ce genre a été plus philosophe qu'aucun autre. Aujourd'hui je remarquerai seulement que c'est grâces à l'extréme confiance en leur raison que d'ordinaire les sots entendent si peu raison, et entendent si bien la déraison; et je puis dire, comme Dacier, que ma remarque subsiste, car elle est vérifiée depuis le commencement du monde.

Diderot s'adresse aux thaumaturges, vrais ou faux; qu'importe ? « Pourquoi me harceler par >> des prodiges quand tu peux me terrasser par un >> syllogisme?» Je ne suis point un thaumaturge, il s'en faut : mais je dirais à Diderot : C'est votre

faute si vous ne comprenez pas, 1°. qu'un prodige constaté renferme en lui-même un syllogisme; 2o. qu'il est le plus terrassant de tous. C'est un argument en action, qui revient à ces paroles que je vais mettre en forme syllogistique, pour vous complaire : « Si Dieu m'a donné une puissance » qui n'est qu'à lui, et qui ne saurait être celle » d'un homme, très-certainement c'est Dieu qui m'envoie, et c'est sa parole que j'annonce. » La majeure est évidente. Passons. «Or, j'ai reçu de >> Dieu cette puissance. Donc, etc. » — Prouvez la mineure, crieront aussitôt tous ceux qui m'entendent. Je la prouve. Lazare, veni foras, « La

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zare, sortez du tombeau 1;» et un cadavre mort et enseveli depuis quatre jours au vu et au su de toute une ville, se lève et sort de son sépulcre. Qu'en dites-vous, monsieur Diderot? cette mineure-là est-elle prouvée, et l'argument est-il en bonne forme? Il reste, je le sais, à argumenter contre le mort, à lui soutenir qu'il ne l'était pas, comme un Anglais s'est diverti à soutenir à un homme bien vivant qu'il était mort en effet. Mais ce n'est pas ce dont il s'agit : j'ai prouvé ce qu'il

C'est ce miracle, le plus éclatant de tous ceux de Jésus-Christ, opéré devant une foule de spectateurs qui crurent en lui; c'est l'effet qu'il produisit dans Jérusalem, d'après son incontestable publicité, qui détermina le Sanhédrin à faire périr Jésus-Christ, comme on le lit dans Évangile.

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