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» grand poids. Voilà donc une masse de matière >>> qui anéantit l'impulsion donnée par une cause spirituelle, qui, n'ayant nulle analogie avec » la matière, devrait ne pas trouver plus de dif>>ficulté à remuer le monde entier qu'à remuer » un atome, et un atome que le monde entier : » d'où l'on peut conclure qu'un tel être est une chimère, un être de raison. C'est néanmoins » d'un pareil être simple, ou d'un esprit sem» blable, que l'on a fait le moteur de la nature

>> entière. >>

Si les livres n'étaient lus que par des hommes raisonnables, il suffirait de répondre à un raisonneur de cette espèce: C'est ce qui fait que votre fille est muette. Il n'y a pas en Europe une classe de philosophie où un pareil syllogisme ne fit rire aux éclats; et quand on l'examine sérieusement, on est stupéfait de la complication d'ignorance et d'absurdité dont se compose cette étrange proposition. Remarquez avant tout que l'auteur, dans tout son livre, admet, comme essentielles et nécessaires, les propriétés de la matière et des lois du mouvement. La différence qui se trouve entre lui et nous, c'est que, frap pés, comme tous les philosophes du monde entier (les athées exceptés), de l'immuable régularité des phénomènes physiques, qui sont le résultat de ces propriétés et de ces lois, et dont se forme l'ordre de l'univers, nous voyons nécessairement

une cause intelligente dans des effets qui supposent nécessairement lintelligence; au lieu que l'auteur, avec tous les athées, n'y voit que la nécessité, c'est-à-dire qu'il explique des effets réels, inexplicables sans une cause réelle, par une abstraction qui revient à dire, Tout est ainsi, parce que tout doit étre ainsi; ce qui est aussi profond que le serait le raisonnement d'un sauvage qui, trouvant une montre, ne voudrait pas croire qu'elle fût l'ouvrage d'un horloger, attendu qu'il n'a aucune idée d'un horloger, et 'aimerait mieux dire que, si cette montre marque l'heure, c'est qu'elle existe nécessairement de toute éternité pour marquer l'heure. Mais enfin, de quelque manière que ce soit, ces lois essentielles sont du moins reconnues par l'auteur. Maintenant concevez-vous que le même homme vienne nous opposer une objection qui, réduite à la substance et à la forme du raisonnement, revient à dire : « La faculté qui pense et qui veut » est matérielle, s'il est vrai qu'elle ne puisse pas » changer les lois du mouvement. Or, il est vrai » qu'elle ne peut pas les changer, puisque la vo» lonté qui fait mouvoir par mon bras un poids » de cent livres ne saurait lui en faire mouvoir un » de mille: donc, etc. »

Ah! du moins l'athéisme de Spinosa, à la faveur de l'obscurité des termes, se retranchait dans un nuage impénétrable pour échapper aux rayons

de l'évidence. Mais ici la déraison est à découvert; elle se montre dans tout son ridicule et dans toute sa turpitude. Et quelle grossière ignorance dans l'emploi des mots! « Voilà, dit-il, une masse » de matière qui anéantit l'impulsion donnée par » une cause spirituelle. » Et c'est un philosophe qui s'exprime ainsi! Qui jamais a prétendu que la volonté fût une impulsion? Qui peut ignorer que l'impulsion est une force physique? Si nous disons que c'est la volonté qui meut le bras, nous disons une vérité prouvée par le sens intime, qui équivaut à l'évidence; et quand nous disons qu'elle meut, tout le monde sait, tout le monde entend que c'est comme cause déterminante, et non pas comme force motrice. Mais quel est ce rapport si prompt et si fidèle entre cette détermination d'une faculté intellectuelle et le mou vement du levier matériel, qui est mon bras, entre deux substances d'une nature évidemment différente? C'est, comme le disait Newton en s'inclinant, le secret de celui qui a tout fait, qui a créé la substance pensante et les nerfs qui lui obéissent. Mais ce que tout le monde comprend sans être Newton, ce qu'apprend le sens commun le plus commun, c'est que, quelle que soit la cause qui détermine mon corps à se mouvoir, ce corps ne peut, en aucun cas, être mû qu'en raison des lois du mouvement, en proportion du levier avec la masse; en un mot, suivant les lois

essentielles de la nature des corps. 11 appartenait à un Newton, qui savait ignorer, de reconnaître la puissance suprême dans cette action inexplicable de la pe sée sur le corps; mais prouver que la pensée est matérielle, parce qu'elle ne peut pas changer les propriétés de la matière, et dire que la matière anéantit la volonté, parce que la volonté ne saurait anéantir les propriétés des corps, est tout aussi ridicule que si l'on prouvait que l'intelligence de Newton était matérielle, parce qu'en découvrant la théorie générale du mouvement des corps célestes, il n'avait pas été le maître d'empêcher que la terre n'eût un mouvement de rotation sur son axe, et que sa révolution annuelle autour du soleil ne s'achevât dans un cercle de trois cent soixante degrés.

Que dites-vous de cette affectation continuelle de répéter que les théologiens ont imaginé la substance spirituelle, l'immortalité, l'immatérialité, la Divinité, etc.? Qui est-ce qui se serait douté que tant de philosophes anciens et modernes, de tous les pays et de tous les siècles, fussent des théologiens? Je crois que Socrate et Platon seraient bien étonnés de s'entendre appeler de ce nom. Et tous les peuples sauvages, qui, sans même avoir aucune espèce de religion, bien loin d'avoir une théologie, croient tous à un premier étre, à un autre monde où les ámes vivront, sont-ils des théologiens? A quoi donc tend ce

petit artifice puéril? C'est un moyen philosophique, un mensonge officieux pour faire croire au lecteur ignorant que l'idée de Dieu, l'idée de l'âme, ne sont pas naturelles à l'homme, même à l'homme dont la raison inculte semble différer peu de l'instinct; qu'elles ne datent pas de la plus haute antiquité connue, mais qu'elles lui viennent de la théologie chrétienne. Ainsi, n'osant pas contredire un fait trop reconnu pour être contesté, on s'exprime de manière à le dérober, s'il est possible, à ceux qui l'ignorent. Quel plat charlatanisme! il suffirait seul pour faire jula cause de ceux qui s'en servent. Des moyens si vils n'appartiennent qu'à la cause du mensonge, qu'à des hommes qui sentent, malgré eux, le poids de la vérité qui les écrase, et sont intérieurement embarrassés et confus d'être seuls contre les nations et contre les siècles.

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Les déclamations le plus souvent répétées par les matérialistes et les incrédules sont tellement dénuées de sens, que souvent il ne faut qu'une page, une phrase, un mot pour faire crouler un immense échafaudage de mensonges et d'invectives; et s'ils les répètent si souvent, c'est que, d'un côté, ils comptent sur l'ignorance et l'étourderie du plus grand nombre, et que, de l'autre, il y a des absurdités si ridicules, que les bons esprits ne daignent pas les réfuter; et ils ont tort. J'en vais donner un exemple frappant. A entendre

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